Le nucléaire, fausse solution pour le climat ? - Sfen

Le nucléaire, fausse solution pour le climat ?

Publié le 28 octobre 2015 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Mardi 27 octobre, le cabinet WISE-Paris a présenté un nouveau rapport sur l’énergie nucléaire, jugée encore une fois inutile pour lutter contre le changement climatique, et même « contre-productive pour l’essor d’une transition énergétique profitable, efficace et socialement juste ». Rapport commandé par plusieurs ONG écologistes : Amis de la Terre, Fondation Heinrich Böll, France Nature Environnement, Greenpeace, Réseau Action Climat, Réseau Sortir du Nucléaire et Wise-Amsterdam…

 

Les 24 pages de ce rapport, coordonnées par le Réseau Action Climat, ne laissent guère de place à la surprise. « Efficacité limitée et déclinante », « frein à la mise en œuvre d’une stratégie cohérente », « risques irréductibles »…  Encore une fois, tous les poncifs disponibles sont convoqués pour faire le procès du nucléaire. Sans oublier la citation de précédentes études du même cabinet WISE ou de celles d’une fondation amie co-commanditaire de ce rapport… Alors ? Travail rigoureux, expertise technique… ou rapport à charge ?

 

Question de références

Objet d’une présentation à la presse parisienne et faisant même l’objet d’une « dépêche AFP », ce rapport semble toutefois souffrir de quelques faiblesses. Quand les 140 associations de l’initiative Nuclear for Climate, réunissant experts, scientifiques, techniciens qui travaillent, souvent depuis de nombreuses années, « dans le nucléaire » civil, se réfèrent uniquement aux chiffres issus des rapports produits par les instances internationales et indépendantes, comme le GIEC et l’Agence Internationale de l’Energie, WISE-Paris en appelle à des données qui semblent pour le moins partiales.

Des données de la Fondation Heinrich-Böll de Zürich, elle-même co-commanditaire du rapport, aux travaux de la Fondation Global Chance dont les « cahiers » sont en vente sur la boutique en ligne de Sortir du nucléaire, en passant par les références à ses propres travaux réalisés pour Greenpeace, il semble que la rigueur et l’impartialité scientifiques de ce rapport ne soient pas, en l’occurrence, la préoccupation majeure.

 

Trouver l’erreur

Les 831 rédacteurs principaux du rapport du GIEC (rapport dont chaque ligne a été relue et a fait l’objet d’un consensus mondial) ont étudié 1 200 scénarios énergétiques et confirment que seuls 8 atteignent l’objectif de 2°C sans utiliser l’énergie nucléaire.

Le GIEC identifie trois types d’électricité bas-carbone : renouvelables, nucléaire et CCS. Il appelle même à tripler, voire quadrupler, les investissements dans ces énergies.

Jean Jouzel, Prix Nobel et vice-Président du GIEC confirme encore que « très peu de scénarios atteignent l’objectif des 2°C sans nucléaire ».

 

Mais peu importe, le rapport de WISE-Paris l’affirme : « Le développement du nucléaire n’a jusqu’ici jamais empêché la croissance mondiale des émissions (de gaz à effet de serre). Son rôle est mineur et déclinant (…) ».

L’AIE, qui affirme que depuis 1971 le nucléaire a permis, à l’échelle du monde, d’éviter l’équivalent de 2 ans d’émissions de CO2,  doit avoir un logiciel mal paramétré… D’autant que cette même AIE, estime que le nucléaire peut encore économiser l’équivalent de quatre années de CO2 d’ici 2040.

 

 

Toujours dans la même logique, les deux auteurs du rapport WISE-Paris assènent « qu’aucun pays ne fait la démonstration que le nucléaire est la clé pour atteindre un niveau soutenable d’émissions ». Que dire alors des six pays qui égalent ou dépassent les préconisations du GIEC en matière de mix électrique (80 % d’électricité bas-carbone) ? Parmi eux, quatre – la Suisse, la Suède, la France et le Brésil – ont un mix comprenant une part de nucléaire. 40 % de l’électricité de la Suisse et de la Suède proviennent du nucléaire, 77 % pour la France. De son côté, le Brésil exploite deux réacteurs nucléaires…

 

 

Tous les moyens doivent être mobilisés

Devant l’urgence que nous dicte le changement climatique, faut-il encore faire semblant d’avoir le choix ? D’ici 2050, dans moins de deux générations, la planète doit faire en sorte que sa production d’énergie soit pratiquement « CO2 free ».

Energies renouvelables, efficacité énergétique, capture et séquestration du carbone … le choix est là. Il va aussi falloir reboiser (des pays en développement s’y engagent dans la perspective de la COP21), réduire drastiquement l’utilisation des combustibles fossiles, définir un « prix du carbone », développer la recherche pour trouver et développer de nouvelles solutions… Le choix est là, mais il est limité : tous les outils doivent être mobilisés. Y compris le nucléaire.

L’électricité est amenée à se substituer aux énergies fossiles dans de nombreux secteurs (habitat et transport) diminuant d’autant les émissions de CO2. Pour atteindre les objectifs climatiques, l’AIE préconise que l’électricité représente 25 % du mix énergétique (contre 17 % aujourd’hui)[1] en 2050. Dans les transports, deuxième plus gros secteur émetteur de CO2, le déploiement des transports ferroviaires utilisant l’électricité bas-carbone réduit notablement la consommation de pétrole et de charbon, en attendant l’essor des véhicules électriques.

Dans le bâtiment, le développement des usages d’une électricité bas-carbone est aussi un vecteur important de réduction des émissions de CO2.

 

A 33 jours de la COP21, l’heure est à la mobilisation, avec tous les outils disponibles et à venir, pour limiter les effets du changement climatique. Toutes celles et ceux qui travaillent avec rigueur et sérieux pour produire chaque jour une électricité bas-carbone compétitive, sûre et disponible, s’y engagent.

 

[1] Scénario 2DS de l’AIE

Copyright photo – NA

Publié par Isabelle Jouette (SFEN)