Tchernobyl 2016
Depuis 30 ans, une zone d’exclusion de près de 3 000 km² isole la centrale nucléaire du reste du monde. Si le règne animal a pris la place de l’homme, si le village de Prypiat, riverain de la centrale, est fantomatique, une activité intense règne sur le site même de Tchernobyl.
26 avril 1986 : l’accident
Dans la nuit du 26 avril 1986, à la suite de plusieurs erreurs humaines, le cœur du réacteur 4 de type « RBMK » (réacteurs graphite refroidis à l’eau légère) n’a pas été suffisamment refroidi. Le dégagement d’énergie fait exploser le réacteur et le bâtiment qui le contenait. Deux explosions soulèvent les 450 tonnes de la dalle supérieure du cœur du réacteur. Les superstructures métalliques du bâtiment sont détruites. Du combustible, des composants du cœur et des structures sont projetés en dehors de l’enceinte du réacteur et des rejets massifs de produits radioactifs ont lieu dans l’environnement. Une trentaine d’incendies se déclenche sur le toit de la salle des machines et ce qui reste du bâtiment réacteur. Ils ne seront arrêtés que deux semaines plus tard. 5 000 tonnes de matériaux (sable, bore, argile, plomb, etc.) ont été déversés par hélicoptère pour recouvrir le réacteur. De l’azote liquide a même été injecté pour éviter que le cœur fondu n’atteigne un bassin d’eau dans les sous-sols.
Une région évacuée mais toujours vivante
Une zone de 3 000 km² autour du village – autrefois modèle de ce que devait être le développement soviétique – de Prypiat a été décrétée « zone d’exclusion ». Elle se divise en 4 parties, toutes sous contrôle militaire. Il est possible d’habiter dans la première, la zone des 30 km, sous des conditions strictes. Les travailleurs de la centrale y résident, en roulement de 15 jours. On y circule en tenue de travail. La seconde zone, des 10 km, est inaccessible, sauf aux militaires et aux professionnels. Il est interdit d’y habiter. On y trouve les installations périphériques du chantier de la centrale. La zone industrielle, celle où se construit notamment l’arche, est sous surveillance permanente. La radioactivité ambiante est d’environ 10 µSv/h.
Enfin, la « zone locale » est aux abords immédiats du sarcophage auquel on accède par un bâtiment spécifique. Le personnel doit suivre les mesures de sécurité associées au risque de contamination et veiller à s’exposer le moins possible aux rayonnements. Pour travailler sur le site de Tchernobyl, la sélection se fait sur la base d’examens médicaux pour vérifier l’absence de troubles qui pourraient être dûs aux rayonnements ionisants. Une visite médicale est faite chaque année. Avant de travailler sur le site, tout employé doit suivre une formation, en Ukraine, sur la radioprotection, la sécurité incendie et la connaissance du site.
Un sarcophage dans l’urgence
Après la catastrophe, le réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl a été recouvert d’un sarcophage en béton, édifié en 206 jours, dans des conditions extrêmes. L’objectif de ce projet « Object shelter » était d’éviter des rejets radioactifs supplémentaires tout en permettant d’accéder au réacteur accidenté et d’assurer une relative ventilation pour continuer à surveiller et sécuriser le bâtiment. Ce sarcophage s’appuie, en partie, sur des structures ayant résisté aux explosions. « Object shelter » était une mesure d’urgence indispensable. Constitué de 400 000 m3 de béton et de 7 300 tonnes de structures métalliques, il confine les milliers de m3 de déchets radioactifs et de combustible fondu.
En 1994, la Commission Européenne finance une étude pour apprécier l’état du sarcophage et les options pour sa sécurisation. En 1995, le Shelter Implementation Plan (SIP) est créé sous l’égide de la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement (BERD). Il donne les grandes orientations pour la conception, la construction et l’exploitation du futur confinement. L’entreprise ukrainienne ChNPP (Chernobyl Nuclear Power Plant) est désignée maître d’ouvrage du projet. En 1998, les premiers travaux de consolidation temporaire du sarcophage sont entrepris. En 2004, un appel d’offres est lancé pour la conception, la réalisation et la mise en service d’une nouvelle enceinte de confinement qui permettra le démantèlement de l’ancienne. C’est le projet New safe confinment (NSC).
L’Arche, pour relever le défi du temps
Le projet NSC est de construire une arche de confinement recouverte d’aluminium, de 108 mètres de haut, 162 mètres de long, 257 mètres de portée et pesant 35 000 tonnes pour recouvrir l’ancien sarcophage. Sous cette arche – dans laquelle on peut loger la Cathédrale Notre Dame de Paris, le Stade de France ou encore la Tour Eiffel – pourra commencer le démantèlement de la centrale. Elle devrait recouvrir le réacteur fin 2017. Elle sera dotée d’un double pont roulant de 2X50 tonnes qui permettra d’utiliser un robot articulé.
L’arche doit protéger le sarcophage des agressions climatiques, et l’environnement des rejets éventuels de matières radioactives. Elle doit donc résister aux séismes et aux intempéries de type tornade. Cette protection passive sera garantie pour 100 ans, sans aucun acte de maintenance sur la structure. Et permettra aussi de surveiller le sarcophage et son évolution. A cette fin, toutes les sections de l’arche sont majorées d’une épaisseur supplémentaire et sa structure primaire est recouverte de plusieurs couches protectrices (soit plus de 164 000 m²).
Grâce à l’arche, les outils nécessaires à la déconstruction du sarcophage pourront être apportés dans des conditions saines et contrôlées. C’est à l’abri de cette arche que le combustible fondu qui s’est répandu dans les sous-sols du réacteur 3, pourra être extrait et stocké en toute sécurité. De plus, l’arche elle-même sera complétée par un bâtiment « technologique », sorte de salle de commande et de surveillance, déjà construit au plus près du réacteur.
La radioactivité ambiante au-dessus du réacteur accidenté ne permet pas de construire l’arche sur place. Elle est donc construite en deux parties, à environ 500 mètres du réacteur, sur de grands rails qui la mèneront – par ripage – jusqu’à sa position finale.
Un partenariat international
Le maître d’ouvrage du projet NSC est ChNPP, l’exploitant de la centrale. Les travaux d’ingénierie ont été menés notamment par les Américains de Bechtel et Bettelle Memorial.
Mais la construction est assurée par le groupement Novarka, constitué à parts égales par VINCI Construction Grands Projets et Bouygues Travaux Publics. Parmi les entreprises intervenantes, on compte l’italien CIMOLAI (charpentes métalliques), l’américain PaR (fabrication des grues principales), le turc OKYANUS (design, fourniture et installation des revêtements), le néerlandais Mammoet (qui se chargera du délicat ripage de l’arche).
La facture s’élèvera à 1,5 milliard d’euros.
En moyenne, 2 équipes de 600 personnes travaillent en continu sur le site de construction.
Crédits : ChNPP, BERD
