Engager un « choc de simplification » pour une chaîne de contrôle plus efficace
Le Président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) déclarait dans Le Figaro[1], à la suite de l’audit de grande ampleur réalisé sur les centrales françaises en 2016, que « la chaîne de contrôle renvoie à une procédure complexe qui mérite d’être améliorée ».
La réglementation se décline aujourd’hui sur l’ensemble de la chaîne de contrôle en exigences réglementaires, procédures industrielles, modalités d’inspection et sanctions éventuelles, administratives et/ou pénales. Cette chaîne présente de nombreuses complexités administratives et normatives qui montrent aujourd’hui leurs limites en efficacité (y compris sur la sûreté), tout en pesant fortement sur la compétitivité et la capacité d’innovation de la filière, des grands groupes industriels aux PME/ETI.
De nombreuses industries, dont l’aéronautique, ont montré qu’il était possible d’associer renforcement continu du niveau de sûreté, amélioration de la compétitivité et innovation. Sûreté et efficacité opérationnelle vont souvent de pair.
Comment faire
Mettre en place un groupe de travail sous l’autorité de l’Etat pour identifier les opportunités de simplification dans l’ensemble de la chaîne de contrôle et piloter des plans d’action appropriés. Ce groupe de travail serait constitué de l’ensemble des parties prenantes : ministères chargés de l’industrie, de l’énergie et de l’environnement, ASN, Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), exploitants nucléaires, représentants des 2 500 entreprises du secteur (en particulier des PME/PMI) et tierces parties.
Il devrait examiner les voies à même d’assurer que la chaîne de contrôle se concentre en priorité sur les principaux enjeux de sûreté et d’assouplir les procédures parfois trop administratives.
Cette démarche pourrait s’appuyer sur la généralisation des outils numériques pour sortir du « tout papier » (encore aujourd’hui, un dossier de générateur de vapeur comprend plusieurs dizaines de milliers de pages) favoriser la transmission et la traçabilité des informations, et accélérer les analyses de sûreté. L’outil numérique, bien utilisé, serait de nature à faciliter les contrôles de conformité réglementaire et libérerait davantage de temps pour le dialogue technique entre les acteurs, l’évaluation de sûreté et le développement de démarches innovantes.
Réaffirmer le pouvoir d’interprétation juridique de l’ASN.
Il convient de reconnaître à l’ASN le pouvoir et le devoir de :
- De hiérarchiser les dossiers en fonction de son évaluation des risques et d’adapter en conséquence son niveau d’attention et d’exigence. Les ressources de contrôle et les ressources des industriels seraient ainsi affectées en proportion des enjeux de sûreté. L’ASN ne devrait pas être contrainte d’appliquer les mêmes règles et exigences à des dossiers ne présentant pas les mêmes niveaux de risque.
- D’apprécier le gain d’exigences nouvelles au regard de l’effort industriel, humain et économique qu’elles requièrent et de leur impact sur la conception, la construction ou l’exploitation.
- D’adapter aux enjeux de sûreté le processus d’information du public sur les contrôles effectués par l’ASN.
Inviter l’ASN à prendre en compte, en matière de gestion de déchets de Très Faible Activité (TFA) à côté des questions de radioprotection, d’autres enjeux de santé publique ou de protection de l’environnement. L’IRSN[2] a suggéré à ce titre une diversification des solutions de gestion qui assure un meilleur usage des ressources naturelles.
Donner aux entreprises un cadre stable et accessible, en particulier aux PME/ETI, en ce qui concerne la réglementation et son application :
- Impliquer les exploitants très en amont dans le processus d’élaboration d’un projet de texte pour mieux apprécier l’impact du texte sur l’exploitation, les difficultés potentielles de mise en œuvre des exigences, tant qu’économiques, techniques, culturelles, humaines et organisationnelles.
- Diminuer le temps de déclinaison de la réglementation en exigences opérationnelles, aujourd’hui trop long au regard des dates d’entrée en vigueur des nouvelles réglementations[3].
- Dans les cas de modification rétroactive de la réglementation, systématiquement réaliser une analyse d’impact permettant d’évaluer les gains attendus en matière de protection de la santé publique et de la sûreté, au regard des coûts directs et indirects attendus.
- Assurer la stabilité des référentiels de sûreté, de la jurisprudence et de la réglementation, permettant aux PME/ETI de travailler avec sérénité. La grande majorité des 2 500 entreprises de la filière ne dispose pas de moyens permettant de suivre une évolution réglementaire trop rapide et foisonnante.
Pierre-Franck Chevet: « Il faut repenser le contrôle du nucléaire », Le Figaro, 22 novembre 2016
« Déchets radioactifs de très faible activité : La doctrine doit-elle évoluer ? » – IRSN (2016)
« Nucléaire : l’heure des choix » – Institut Montaigne (2016)