Piloter efficacement le mix électrique bas carbone - Sfen

Piloter efficacement le mix électrique bas carbone

Publié le 20 février 2017 - Mis à jour le 28 septembre 2021
piloter_efficacement_le_mix_electrique_bas_carbone

L’objectif prioritaire de la transition énergétique doit rester la réduction de la consommation des énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon), principales sources des émissions de CO2, et contributeurs majeurs du déficit extérieur de la France. Pour donner à notre pays les moyens d’atteindre cet objectif, la France peut s’appuyer sur une énergie nucléaire performante.

Grâce à l’énergie nucléaire et la production renouvelable (essentiellement hydraulique), la France a déjà décarboné 94 %[1] de son électricité. L’Hexagone a déjà atteint les objectifs d’émissions de gaz à effet de serre que se donnent la plupart des pays européens… pour 2050. A la différence des secteurs fortement émetteurs comme le transport et l’habitat, le système électrique apparait comme un secteur à faible potentiel d’atténuation.

Substituer par principe les énergies renouvelables au nucléaire ne répond ni aux objectifs de réduction des émissions de CO2, ni aux objectifs de compétitivité. Remplacer le nucléaire (bas carbone) par des énergies renouvelables (bas carbone) n’apporte aucun bénéfice en termes de réduction des émissions de GES. Pour garantir l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans un contexte budgétaire contraint, chaque action doit être évaluée au regard de son efficacité sur les plans climatique, environnemental et sanitaire. Il faut donc relier les coûts d’une action avec les économies d’émissions de CO2 qu’elle engendre.

Comment faire

CONSOLIDER LE SOCLE NUCLEAIRE

Pour développer la part de l’électricité d’origine renouvelable sans augmenter le coût de production de l’électricité, un socle de capacité de production d’énergie nucléaire solide doit être maintenu. Il est impératif de programmer et anticiper le prolongement et/ou le remplacement du parc nucléaire actuel.

Exploiter les centrales dans la durée : une solution économique et durable. Pour continuer à produire une électricité bas carbone, compétitive et qui garantisse notre sécurité d’approvisionnement énergétique, il est nécessaire d’investir de manière soutenue dans le parc nucléaire. C’est pour cette raison qu’EDF a présenté un projet industriel de maîtrise de l’ensemble de son parc pour une exploitation de ses installations au-delà de 40 ans (le « Grand carénage »), sous réserve de l’autorisation de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). L’électricien prévoit d’investir 51 milliards d’euros d’ici 2025 en rénovations. Le coût économique complet de production[2] restera parmi les plus compétitifs d’Europe et sera inférieur à celui des nouvelles unités de production, thermiques ou renouvelables : entre 56,4 et 61,6€/MWh[3] estime la Cour des comptes[4]. 

Continuer l’exploitation de la centrale nucléaire de Fessenheim. La fermeture anticipée de la centrale nucléaire de Fessenheim est une dépense coûteuse qui ne permet pas de réduire les émissions de CO2 et qui détruit de l’emploi. L’ASN a rendu un avis favorable pour l’exploitation des réacteurs jusqu’en 2021 et 2023. Aux Etats-Unis, la centrale nucléaire de Beaver Valley, dont Fessenheim est la copie, a reçu l’autorisation de fonctionner jusqu’à 60 ans, tout comme 77 autres réacteurs américains. La fermeture anticipée d’une centrale nucléaire sûre aurait également un impact social, Fessenheim fait vivre 5 000 personnes[5], et un impact financier, du fait de l’indemnisation des propriétaires de la centrale.

Préparer le renouvellement du parc nucléaire à l’horizon 2030. A l’horizon 2030, la France devra progressivement renouveler son parc nucléaire. Elle pourra s’appuyer sur le retour d’expérience des quatre réacteurs EPR mis en service d’ici 2018[6] ainsi que des deux unités construites au Royaume-Uni[7]. En parallèle, la filière française a lancé un nouveau projet qui engage l’ensemble de la chaîne de valeur : le développement d’un nouveau réacteur, l’EPR-NM (Nouveau Modèle), dont l’objectif est de réduire les coûts entre 25 et 30 %. Le basic design de ce nouveau réacteur est attendu à la fin de la décennie, pour une construction à l’horizon 2030.

Réaffirmer le choix du cycle du combustible fermé. La France maîtrise la technologie du traitement-recyclage des combustibles nucléaires, qui permet de séparer les 96 % de matières valorisables contenues dans le combustible nucléaire usé (en volume), et ainsi d’optimiser la gestion des déchets nucléaires. Les procédés de vitrification et de compaction des déchets ultimes permettent de diviser par 5 le volume des déchets ultimes et par 10 leur radiotoxicité. Ce choix du traitement-recyclage en France s’appuie sur l’outil industriel unique que constitue l’usine de la Hague (Manche) et celle de Melox (Gard) et est source d’opportunités à l’export. Il doit être pérennisé à travers le maintien d’un nombre suffisant de réacteurs capables d’accueillir le combustible MOX issus du recyclage, y compris dans la période de transition induite par le renouvellement du parc.

ASSURER LE MIX ENERGETIQUE LE PLUS PERFORMANT POUR L’ECONOMIE FRANÇAISE

L’histoire et l’actualité montrent la difficulté de prévoir l’évolution des prix de ces énergies (choc et contre-choc pétroliers). En dépit d’une forte ambition politique et d’importants moyens financiers[8], l’Allemagne démontre les effets pervers qu’une transition précipitée peut avoir : augmentation des prix de l’électricité, hausse des émissions de CO2, réorganisation du réseau électrique trop lente pour absorber les nouvelles productions renouvelables, etc. Pour réussir la transition énergétique, il convient donc de rester humble et manœuvrant en révisant la loi sur la transition énergétique, ce qui permettra de redonner des marges de manœuvre au pilotage du mix électrique. 

Inscrire la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) dans des temps longs pour encourager les investissements. La PPE est un outil qui permet de revoir périodiquement les prévisions à cinq ans. Ces horizons devraient être réajustés afin de mieux prendre en compte les particularités des projets nucléaires, dont le retour sur investissement s’effectue sur des temps longs (25 ans minimum). Par ailleurs, une fois rénovée, une centrale nucléaire peut être exploitée 10 à 20 années supplémentaires. Cela est encore plus vrai pour les réacteurs nucléaires de troisième génération prévus, dès leur conception, pour être exploités plus de 60 ans.

S’affranchir des contraintes de limitation de la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité. Dans un contexte où les chocs énergétiques et les incertitudes sur l’offre (mutations technologiques), la demande (reprise économique) se multiplient, la réduction artificielle d’une source d’électricité bas carbone (sans équivalent pour les filières fossiles) va à l’encontre des objectifs écologiques et économiques poursuivis par la transition énergétique, pouvant entraîner une hausse des émissions de CO2 et des destructions d’emplois. L’ANCRE[9] évalue ainsi qu’une diminution à 50 % de la part du nucléaire en 2025 entraînerait, au moins dans un premier temps, une augmentation des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur électrique, et ce malgré le déploiement massif des renouvelables. 

Inscrire le développement des renouvelables dans une logique économique et technique. L’avenir des énergies renouvelables est réel : il doit se faire en temps et en heure et ne doit pas se faire au détriment de la compétitivité ou faire l’objet d’une distorsion de concurrence. La France produit déjà 19 % de son électricité à partir d’énergies renouvelables (principalement hydroélectricité), ce qui la place dans le trio de tête des leaders d’Europe, derrière l’Allemagne et l’Italie[10].

La Commission Régulation de l’Energie (CRE) estime qu’en 2016 le soutien public à la production électrique renouvelable s’élève à 5,1 milliards d’euros. Dans un contexte économique contraint, il convient de contrôler l’évolution de ces dépenses et de s’orienter vers les actions les plus efficaces en matière de réduction des émissions de CO2. Aussi, ce montant, supérieur aux prévisions initiales, pourrait être alloué à la recherche dans les énergies bas carbone plutôt qu’au rachat de la production d’électricité.

A plus long terme, la diversification du mix électrique voulue par la loi de transition énergétique et le renforcement de la part des renouvelables pourront être envisagés si les conditions techniques et économiques sont réunies.

 

 
 

 


RTE (2015)

Le coût économique complet de production inclut à la fois le remboursement et la rémunération de l’investissement initial.

Sur la période 2011-2025

Cour des comptes (2015)

Une inscription territoriale diffuse pour la centrale nucléaire de Fessenheim INSEE (2014)

Quatre EPR sont en construction à Flamanville (Manche), Olkiluoto (Finlande), et deux unités à Taïshan (Chine)

La mise en service de la première unité d’Hinkley Point C est prévue pour 2025.

L’Institut de l’économie de l’université de Düsseldorf a évalué le coût de la transition énergétique, payé par les ménages et les petites entreprises, à 520 milliards d’euros (de 2011 à 2025)

Alliance nationale de coordination pour la recherche sur l’énergie (ANCRE, 2014) 

Eurostat 

Par la SFEN