« Nous déconstruisons dans les meilleurs délais »
Selon un récent rapport parlementaire, les provisions dédiées aux opérations de démantèlement des installations nucléaires ne seraient pas suffisantes. Le point sur les aspects financiers et techniques avec Sylvain Granger, Directeur des Projets Déconstruction-Déchets du Groupe EDF.
Un rapport parlementaire rendu public le 1er février questionne la capacité technique et financière d’EDF à mener à bien ses chantiers de déconstruction actuels et futurs. Pourquoi ces doutes ?
Sylvain Granger – Le rapport s’appuie sur des éléments parfois très contestables, comme le rapport d’Alpha Value commandité par Greenpeace et que nous avons attaqué en justice car il mettait en cause la sincérité des comptes d’EDF, tout en omettant des éléments clés comme les conclusions de l’audit commandité par le Ministère en charge de l’énergie, qui considère que notre estimation des coûts de déconstruction est globalement prudente.
Sur les aspects techniques, nous sommes en train de démontrer à Chooz A que nous savons déconstruire un réacteur à eau pressurisée en 15 ans, conformément au budget prévu. J’ai d’ailleurs accompagné les parlementaires de cette Mission d’information à Chooz A en septembre, où ils ont pu constater que nous entamions le démantèlement de la cuve, dernière étape de la déconstruction de la centrale. Lors de la présentation du rapport à l’Assemblée Nationale, la rapporteure a reconnu que le démantèlement de Chooz A était « pratiquement terminé ».
Le retour d’expérience tiré de ce chantier bénéficiera directement au parc nucléaire aujourd’hui en exploitation. Il est d’ores et déjà pris en compte dans notre évaluation du coût du démantèlement futur des 58 tranches aujourd’hui en fonctionnement.
Le rapport dit que certains coûts ne sont pas intégrés, d’autres sous estimés, d’où la différence avec les estimations observées à l’étranger. Qu’en est-il ?
SG – Les comparaisons entre programmes de démantèlement d’un pays à l’autre sont extrêmement compliquées pour des questions de périmètre : en Allemagne, par exemple, les coûts de déconstruction incluent les coûts de construction et d’exploitation d’un bâtiment d’entreposage des combustibles usés sur site alors qu’en France ces combustibles sont traités à l’usine de la Hague. Et la situation d’EDF, exploitant unique d’un parc homogène, est très différente de celles que l’on trouve à l’étranger où les opérateurs sont multiples et les réacteurs à déconstruire souvent différents. Les auditeurs mandatés par le Ministère en charge de l’énergie se sont attachés à mettre au même périmètre plusieurs données et ils en ont conclu que les évaluations d’EDF étaient, à périmètre comparable, au-dessus des comparaisons internationales.
Autre point soulevé par le rapport : EDF repousserait le démantèlement de ses réacteurs, en particulier des réacteurs UNGG, pour ne pas avoir à le payer trop tôt…
SG – EDF s’est engagé à déconstruire ses réacteurs à l’arrêt aussi vite que possible depuis 2000, avant même que cela ne soit inscrit dans la loi.
Les opérations avancent sur tous nos sites depuis l’obtention des décrets de démantèlement, qui se situent pour les 9 réacteurs en cours de déconstruction entre 2006 et 2011. A Brennilis, on prépare la dernière étape, celle du bloc réacteur, et à Creys on va pouvoir démanteler la cuve maintenant que le sodium a été évacué des installations. A Chooz nous avons déjà lancé le chantier de démantèlement de la cuve. Beaucoup de travail a également été effectué sur les réacteurs UNGG.
Notre nouvelle stratégie de déconstruction des réacteurs UNGG a pour objectif de garantir la meilleure maîtrise industrielle des opérations et les meilleures garanties en matière de sûreté, de radioprotection et d’optimisation de la production de déchets radioactifs. Nous avançons résolument, et prudemment, en commençant par un réacteur de Chinon pour en tirer le retour d’expérience qui permettra de déconstruire les 5 autres réacteurs UNGG. Même avec cette approche séquentielle prudente, nous aurons ainsi achevé le démantèlement de nos réacteurs UNGG alors qu’à l’étranger, les opérateurs attendront encore la décroissance radioactive avant de commencer les travaux.
EDF aura bien la capacité technique à aller au bout de ses chantiers de déconstruction ?
SG – Oui, bien sûr. Nous disposons de stratégies de démantèlement, de plannings de travaux, de compétences d’ingénierie et de partenaires industriels qui nous permettent de l’affirmer.
Nous déconstruisons actuellement 9 réacteurs de 4 technologies différentes et partout nos chantiers avancent.
Nous avons su surmonter beaucoup de problématiques complexes, comme l’élimination du sodium qui était utilisé pour le refroidissement des installations de Creys. Avec nos partenaires industriels, nous utilisons des technologies souvent innovantes pour réaliser nos chantiers. A Brennilis, nous venons d’effectuer une modélisation 3D du bloc réacteur pour préparer soigneusement son démantèlement. A Chooz, nous utilisons un robot télé-opéré spécialement développé pour intervenir dans certains locaux.
L’exemple de Chooz A, où a été engagé le chantier de démantèlement de la cuve, dernière phase de la déconstruction de l’installation, montre que nous aurons la capacité technique à déconstruire notre parc de réacteurs à eau pressurisée.
Quelle est la politique d’EDF en matière de démantèlement ?
SG – EDF assume l’entière responsabilité de la déconstruction de ses centrales nucléaires, sur les plans financier, technique et réglementaire.
En 2001, EDF a opté pour une stratégie de déconstruction dite de « déconstruction immédiate » permettant d’engager les premières opérations de déconstruction aussi rapidement que possible après la mise à l’arrêt définitif du réacteur. Cela s’oppose au « démantèlement différé », qui consiste à attendre la décroissance naturelle de la radioactivité avant le démantèlement, et présente deux avantages clés : la déconstruction n’est pas reportée sur les générations futures et elle peut s’appuyer sur l’expérience approfondie des salariés ayant exploité la centrale.
C’est cette politique que nous appliquons sur tous nos réacteurs. Le mécanisme financier de provisions sécurisées par des actifs dédiés, le sérieux de nos estimations des coûts à venir et les compétences techniques des équipes EDF et de nos prestataires mobilisés pour faire avancer tous nos chantiers garantissent que nous saurons mener à bien la déconstruction de tous nos réacteurs dans les meilleurs délais, en respectant les budgets annoncés.
Crédit photo : Bruno Levy – EDF