Climat : les pistes du MIT pour que l’énergie nucléaire joue pleinement son rôle - Sfen

Climat : les pistes du MIT pour que l’énergie nucléaire joue pleinement son rôle

Publié le 4 septembre 2018 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Une étude du MIT confirme l’importance de l’énergie nucléaire pour réduire rapidement les émissions de CO2 et lutter contre le changement climatique. Pour que cette technologie bas carbone joue pleinement son rôle, l’institut de recherche dresse une série de mesures permettant d’améliorer la compétitivité des nouvelles installations nucléaires. Le MIT fait également des propositions pour repenser le cadre réglementaire et politique.

Le monde peut-il encore réduire ses émissions de carbone et ralentir, voire stopper les impacts du changement climatique ? « Oui » répondent les auteurs d’une nouvelle étude publiée cette semaine par le MIT, surtout si l’énergie nucléaire figure parmi la panoplie des technologies bas carbone. Sans cela, la tâche risque d’être plus ardue mais également plus coûteuse, préviennent les auteurs. Cependant, pour que l’énergie nucléaire déploie tout son potentiel, le MIT estime que l’industrie devra  améliorer la compétitivité de ses nouveaux réacteurs et bénéficier d’un cadre réglementaire et politique repensé.

Dirigée par des chercheurs du MIT en collaboration avec des membres du laboratoire national de l’Idaho et de l’université de Madison-Wisconsin, l’étude est présentée cette semaine à Londres, Paris et Bruxelles, avant de l’être à Washington (25 septembre) et Tokyo (9 octobre). L’équipe de recherche était également composée d’étudiants et de post-doctorants du MIT, ainsi que de professeurs de l’Université de Harvard. Cette étude est la huitième d’une série explorant le rôle des technologies pour répondre à la hausse des besoins énergétiques. Deux années auront été nécessaires pour la réaliser.

Vers la décarbonisation profonde

« Notre analyse montre que la valorisation de l’ensemble du potentiel de l’énergie nucléaire est essentielle pour parvenir à un mix énergétique profondément décarboné dans de nombreuses régions du monde » souligne Jacopo Buongiorno, professeur associé et directeur du département des sciences et techniques nucléaires du MIT et directeur de l’étude. Selon lui, « La mise en place de nouveaux modèles politiques et économiques ainsi que des innovations dans la construction permettraient à l’énergie nucléaire de répondre à la demande mondiale croissante en énergie tout en contribuant à la réduction des émissions de carbone ».

Compte tenu de la prédominance des énergies fossiles dans la production d’électricité, le secteur de l’électricité demeure fortement émetteur, avec des émissions moyennes d’environ 500 gCO2 / kWh. Cependant, l’électricité est aussi le secteur le plus propice à une décarbonisation profonde avec des technologies (nucléaire, hydraulique, renouvelables) éprouvées dans de nombreux pays. L’existence de ces technologies constitue un véritable atout dans un contexte où la consommation mondiale d’électricité est appelée à croître de 45 % d’ici à 2040, tirée par les besoins des pays émergents. Le défi des prochaines années résidera donc dans notre capacité à produire cette électricité à partir de technologies bas carbone et compétitives, en sus des énergies fossiles, gaz et charbon. 

Les auteurs indiquent que la solution miracle n’existe pas et que pour réduire nos émissions rapidement (avant 2050), les technologies bas carbone devront s’additionner, et non se cannibaliser. Les chercheurs pointent la fragilité des scénarios de décarbonation dans lesquels le nucléaire est exclu, les jugeant irréalistes mais également plus coûteux que ceux incluant une part de nucléaire. Dans la majeure partie des pays du globe, ne pas utiliser de nucléaire implique le recours à des solutions de stockage, lesquelles restent encore très coûteuses.

Construire plus vite pour réduire les coûts

Les chercheurs invitent l’industrie nucléaire à repenser ses méthodes de construction et préconisent le recours à davantage de modularité. « L’évolution vers la fabrication en usine et en série de pièces standardisées permettrait de réduire les coûts dans les pays où la productivité du secteur traditionnel de la construction est faible », déclare David Petti, chercheur invité au MIT, directeur exécutif d’études et chercheur au laboratoire national de l’Idaho.

Les auteurs estiment qu’aux États-Unis et en Europe, la productivité sur les chantiers de construction est moindre qu’en Asie, produire en usine permettrait de s’appuyer sur la productivité accrue du secteur manufacturier. Ils soulignent également l’importance de la supply chain robuste, expérimentée et familière de la technologie de réacteur.

 
 


Un cadre politique et réglementaire repensé

« Le rôle du gouvernement sera crucial si nous voulons tirer parti des opportunités économiques et du potentiel de réduction des émissions de CO2 que le nucléaire peut offrir », déclare John Parsons, co-président de l’étude et maître de conférences à la Sloan School of Management du MIT. « Les responsables gouvernementaux doivent élaborer de nouvelles politiques de décarbonisation qui mettent toutes les technologies énergétiques à faible teneur en carbone (énergies renouvelables, énergie nucléaire, combustibles fossiles avec capture de carbone) sur un pied d’égalité ». Sur ce point, le rapport précise d’ailleurs : « Les politiques qui excluent un rôle pour l’énergie nucléaire découragent les investissements dans la technologie nucléaire. Cela pourrait augmenter le coût de la décarbonisation et ralentir les progrès vers les objectifs d’atténuation du changement climatique ».


L’intégration d’un prix du carbone permettrait de renforcer la compétitivité du nucléaire.


Dans cette optique, les auteurs de l’étude recommandent au pouvoir public de ne pas fermer prématurément les centrales nucléaires existantes, jugées sûres par l’autorité de sureté et compétitives par l’opérateur. L’étude souligne que l’arrêt des réacteurs compromet les efforts de réduction des GES et augmente le coût pour atteindre les objectifs de réduction des émissions. Pour éviter ces fermetures, les auteurs s’inspirent des mesures prises dans trois Etats américains – New York, en Illinois et au New Jersey – pour rémunérer les producteurs d’électricité n’émettant pas de gaz à effet de serre (Zero Emission Certificates).

Enfin, les auteurs estiment qu’en dépit de certains particularités nationales, il est à ce stade envisageable et possible d’harmoniser les exigences réglementaires en matière de sûreté.  Ils affirment que la base fondamentale de l’évaluation de la sûreté des programmes de réacteurs nucléaires est assez uniforme. Ils recommandent que les exigences réglementaires pour les réacteurs avancés soient coordonnées et alignées sur le plan international pour permettre le déploiement international de conceptions de réacteurs commerciaux et pour normaliser et assurer un niveau élevé de sécurité dans le monde entier.


Par Boris Le Ngoc (SFEN)