Le logo, picto du débat public PNGMDR, objet de questionnements
Pour le débat public sur le PNGMDR qui a commencé le 17 avril 2019, la commission particulière (CPDP), en charge de ce dossier, a souhaité que ce débat intéresse un public, le plus large possible, sur l’ensemble du territoire. Pour mieux identifier ce débat, la CPDP a choisi un logo, objet de questionnements, voire de polémiques. Qu’en est-il ?
Un logo, picto, un symbole
Sur le plan marketing, un logo ou un picto est une représentation graphique d’une marque, d’une entreprise, d’un événement, etc. utilisé sur différents supports de communication. Un logo a pour vocation de renforcer l’image de l’entreprise, de la marque, et favoriser la reconnaissance envers un public cible. Le logo doit donc refléter les qualités de l’activité concernée, les valeurs, et être lisible. Il est souvent remarqué que les logos les plus réussis sont les plus simples. Idéalement, un logo doit être facile à reconnaître, succinct et mémorisable. Pour ce faire, le logo s’appuie sur la forme, la/les couleurs, la police.
Que symbolise le logo relatif au débat public sur le PNGMDR ?
Lors de la conférence de presse organisée à l’occasion du lancement du débat public sur le PNGMDR le 17 avril 2019, la Présidente de la commission, Isabelle Harel-Dutirou, a souhaité prendre le temps d’expliquer le choix de ce logo, qui a priori, avait fait l’objet de nombreuses questions, voire de polémiques.
La symbolique des fûts jaunes radioactifs
Comme l’a souligné la Présidente à plusieurs reprises, « la gestion des matières et déchets radioactifs nous concerne tous. Il est important que le citoyen s’y intéresse et participe à ce débat qui est un droit à l’information ». Aussi pour susciter l’intérêt du public qui peut méconnaitre la gestion des déchets radioactifs, il fallait un logo « percutant » et qui « parle aux non-spécialistes ».
Pour la Commission, dans l’imaginaire des Français, les déchets radioactifs sont stockés dans des fûts, de couleur jaune. Ces fûts jaunes sont souvent représentés par les associations écologistes pour leurs supports de communication (sites internet, flyers, etc.) ou lors de manifestations locales. En réalité, dans l’industrie nucléaire, les fûts sont majoritairement de couleur grise (la couleur du métal tout simplement). Il s’agit des déchets de faible et moyenne activité (FMA-VC) pour lesquels une solution de stockage – en surface – existe depuis 1969. Ces déchets sont principalement composés de radioéléments à vie courte. Ils proviennent de l’exploitation ou de la maintenance d’installations nucléaires (gants, outils, vêtements…).
Dans la catégorie des déchets de faible activité, voire de très faible activité (TFA), les colis les plus représentatifs sont les big-bags, et non pas les fûts jaunes. Ces déchets TFA proviennent principalement du démantèlement des installations nucléaires ou d’industries classiques (chimie, production d’énergie, etc.). Leur niveau de radioactivité est proche de la radioactivité naturelle. En France, il existe un centre de stockage pour les déchets TFA, le Cires (Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage), ouvert en 2003 à Morvilliers dans l’Aube. La France est le premier pays au monde à s’être doté d’une telle installation.
Si la France a décidé de les gérer, de manière certainement « surdimensionnée » par rapport aux risques qu’ils représentent, dans un centre de stockage spécifique, la réglementation européenne autorise le recyclage de ces déchets. C’est le cas de la Suède, de l’Allemagne, de l’Espagne, etc. Le débat public sur le PNGMDR est l’occasion de se poser la question : faut-il revoir la réglementation française et autoriser une filière de recyclage de ces déchets qui sont les plus représentatifs en termes de volumes ?
Car la question relève bien ici de l’économie circulaire. En matière de gestion des déchets radioactifs et de matières valorisables, le parti pris de la France a toujours été de privilégier, voire de développer des solutions en faveur du recyclage, pour ne conserver et gérer que les déchets ultimes.
Des colis de déchets radioactifs très haut de gamme
Cela nous conduit à évoquer les 10 % des déchets radioactifs restants. Ils ne sont pas non plus dans des fûts jaunes ! Ce sont au contraire des colis high-tech qui ont fait l’objet de recherches très poussées pendant des décennies avec des technologies les plus élaborées.
Ces déchets sont de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL). Ils proviennent principalement de l’industrie électronucléaire et des activités de recherche associées ainsi que, dans une moindre part, des activités liées à la défense nationale. Ces déchets se caractérisent par une forte radioactivité et une durée de vie qui peut aller jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années. La loi du 28 juin 2006 a donné l’autorisation d’étudier et de privilégier la voie du stockage profond pour isoler ces déchets de l’homme, jusqu’à ce que leur impact soit largement inférieur à celui de la radioactivité naturelle.
Ces déchets proviennent du recyclage des combustibles usés, une opération complexe qui permet de récupérer 96 % de la matière (95 % d’uranium, 1 % de plutonium) pour ne conditionner que les déchets ultimes (4 %). La production annuelle par an et par habitant équivaut à 200 gr, soit un très faible volume en comparaison avec d’autres déchets industriels toxiques produits chaque année en France.
Des opérations complexes pour un colis de déchets high-tech
Dès son arrivée sur l’usine de traitement recyclage gérée par Orano la Hague, le combustible usé (provenant de la centrale nucléaire) est déchargé puis extrait de son emballage. Après avoir séjourné en piscine, le combustible est cisaillé avant d’être plongé dans une solution d’acide nitrique chargée de dissoudre la matière nucléaire. Un atelier chimique se charge alors de séparer les matières recyclables des déchets ultimes, non valorisables (les produits de fission). Ces derniers sont calcinés, puis mélangés à du verre en fusion et coulés dans des conteneurs en inox afin d’offrir un conditionnement sûr et stable pour plusieurs dizaines de milliers d’années.
Les déchets de structure métallique issus du cisaillage des éléments combustibles (embouts métalliques des combustibles, coques, etc.) sont conditionnés par compactage grâce à une presse de 2 500 tonnes et mis en conteneurs.
L’apparence de ces colis est encore bien loin de celle des fûts jaunes… même s’ils ne sont pas représentatifs de l’ensemble des déchets produits en France, en termes de volume.
Le symbole du tri-secteur
Le logo proposé par la Commission du débat public sur le PNGMDR montre des fûts, identifiés par des tri-secteurs. Effectivement, ce symbole est couramment utilisé par les lois et organisations internationales, dans l’industrie nucléaire, mais aussi en médecine nucléaire. L’occasion est de rappeler ici que l’industrie nucléaire n’est pas la seule à produire des déchets radioactifs ; la radioactivité a de nombreux usages à commencer par sauver des vies. En médecine nucléaire, la radioactivité permet certains examens médicaux les plus poussés et précis (scanner, radiothérapie…). Le tri-secteur est régulièrement présent dans les hôpitaux, chez les dentistes, etc. Il alerte des rayonnements ionisants émis par des sources radioactives. La France compte 750 médecins et internes spécialistes, actifs dans plus de 200 centres de médecine nucléaire. Un million et demi d’actes de diagnostic ont été réalisés en 2017 grâce à la médecine nucléaire, en croissance de 9 % par an.
Les mains sur les fûts
Pour la Commission, « les mains levées sur et contre les fûts » représentés sur le logo symbolisent « la demande de prise de parole ». Ces mains ont été inspirées par celles de la Cueva de las Manos, la Grotte des Mains, un site archéologique riche en peintures rupestres en Argentine, dans la province de Santa Cruz. Les mains colorées représentent, quant à elles, les différentes opinions du public posant des questions, insistant sur la parole donnée à toutes et tous.
Le logo, un prétexte au débat de fond
Si ce logo peut poser question, puisque ces fûts jaunes ne sont pas représentatifs de l’industrie nucléaire, il n’en demeure pas moins que l’objectif premier du débat public sur le PNGMDR est de parler de tous les sujets, sans tabou, concernant les matières valorisables et les déchets radioactifs.
Cette volonté de vulgarisation de la Commission se reflète à travers la richesse des contenus du site internet https://pngmdr.debatpublic.fr mis en place la veille du lancement du débat public.
Le débat public sur le PNGMDR proposé sur une période de cinq mois doit permettre à chacun de s’informer, non seulement via ce site internet, mais aussi grâce aux nombreuses réunions publiques et débats organisés dans toute la France dans les prochaines semaines. Cf calendrier
Si la Commission a le souhait d’informer, de vulgariser sur les nombreux thèmes que revêt la gestion des matières valorisables et des déchets radioactifs, la neutralité doit rester de mise. Espérons que ce logo « surprenant et provocateur pour certains » et non représentatif de la réalité n’influence pas le fond du débat.