Quand l’origami rencontre le nucléaire : le CEA réinvente les détecteurs à neutrons - Sfen

Quand l’origami rencontre le nucléaire : le CEA réinvente les détecteurs à neutrons

Publié le 19 novembre 2025 - Mis à jour le 25 novembre 2025

Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) a mis au point un nouveau type de détecteurs à neutrons, employés pour mesurer l’activité neutronique dans les réacteurs nucléaires. En se servant de la fabrication additive et de formes spécifiques inspirées des origamis, l’organisme de recherche a développé une technologie innovante capable de mieux résister aux conditions extrêmes de ces milieux que les matériels utilisés aujourd’hui.

Le combustible n’est pas le seul élément que l’on retrouve dans le cœur d’un réacteur nucléaire. Il abrite en effet tout un lot d’appareils de contrôle et de mesure qui permettent d’anticiper le vieillissement des composants par exemple, ou bien encore de mesurer les flux neutroniques. C’est justement l’objectif des détecteurs à neutrons, qui, par conséquent, contribuent à évaluer la performance et la sûreté des réacteurs nucléaires. Le 27 octobre 2025, le CEA a annoncé avoir développé, en lien avec l’Institut de recherche sur la fusion magnétique (IRFM), un nouveau détecteur à neutrons innovant, capable de mieux résister aux environnements extrêmes auxquels sont soumis ces pièces. Cette avancée technologique a fait l’objet d’un brevet et les résultats de l’étude sont en cours de publication.

Protéger le détecteur à neutrons

En raison des conditions physico-chimiques intenses (températures, flux neutroniques, etc.), les détecteurs à neutrons peuvent vieillir très vite au sein du cœur. Ceux-ci doivent alors être installés dans une capsule robuste qui les protège et qui ne bloque pas leurs fonctions par ailleurs. Ici, le détecteur à neutrons utilisé par les équipes du CEA est ne diode en carbure de silicium (SiC), un matériau semi-conducteur capable de détecter un neutron en produisant un signal. « Traditionnellement, les capteurs sont montés sur des supports mécaniques complexes et souvent fragiles, peu adaptés aux conditions extrêmes. », précise le CEA. Les scientifiques ont donc imaginé deux procédés pour remédier à ces faiblesses.

Fabrication additive et origami

Pour confectionner la pièce protectrice, les chercheurs ont eu recours à la fabrication additive, en utilisant un matériau à base d’alumine et un autre qui est un alliage de cuivre au chrome-zirconium (CuCrZr). L’alumine est utilisée pour les pièces isolantes de l’encapsulage. L’alliage, lui, présente une excellente conductivité électrique et thermique et une résistance mécanique élevée. La fabrication additive a permis de s’affranchir des contraintes liées aux méthodes traditionnelles notamment pour réaliser des géométries complexes.

Prototype d’encapsulage d’un capteur neutron de type SiC par fabrication additive, Source : CEA

Les pièces imprimées en CuCrZr ont dû ensuite être scellées entre elles. Le procédé de frittage assisté par courant Spark Plasma Sintering (SPS) a été employé pour cela. Il assure à la fois l’intégrité mécanique et la continuité électrique des assemblages. Une poudre en structure d’origami a été placée à la jonction entre les pièces. Lors du cycle SPS, la poudre est chauffée, ce qui vient compresser le joint. Cette forme particulière de la poudre a contribué à améliorer « le contact avec la diode tout en affinant les parois d’alumine pour limiter la fissuration à haute température. », indique le CEA. « Un travail d’optimisation a enfin permis de mettre au point un cycle SPS ultra rapide, réduisant la diffusion des matériaux autour du capteur, divisant significativement les courants de fuite et préservant ainsi l’intégrité et les performances initiales du capteur SiC. », poursuit le commissariat.

Pièces isolantes et conductrices réalisées en fabrication additives avant assemblage, Source : CEA

Valider les fonctions

Une fois l’assemblage terminé et scellé, la petite pièce, d’un diamètre de 15 millimètres pour une hauteur de 25 millimètres, a été placée dans un générateur de neutrons de 14 MeV. Un ultime test a permis de confirmer que le détecteur à neutrons était en capacité d’assurer les mesures neutroniques. Dans le futur, le nouvel outil pourrait trouver un usage dans le réacteur Jules Horowitz, dans le tokamak Iter ou encore au sein du Laser Mégajoule. ■

Par François Terminet (Sfen)

Image : Pièces de l’encapsulage réalisées par fabrication additive, Source : CEA