États-Unis : l'US Army emboîte le pas à l’US Air Force pour s'équiper de réacteurs nucléaires avancés - Sfen

États-Unis : l’US Army emboîte le pas à l’US Air Force pour s’équiper de réacteurs nucléaires avancés

Publié le 23 octobre 2025 - Mis à jour le 28 octobre 2025

Janus est le nouveau programme de l’US Army (l’Armée de terre américaine) pour équiper ses installations de défense nationale par des microréacteurs de nouvelle génération. Lancé le 14 octobre 2025 et développé en collaboration avec le Département de l’Énergie, il prévoit l’exploitation d’un premier réacteur sur une base militaire dès septembre 2028.

En mai 2025, le président des États-Unis, Donald Trump, a signé un décret exécutif pour le déploiement de technologies avancées de réacteurs nucléaires pour la sécurité nationale. Un des objectifs est l’exploitation d’un réacteur nucléaire sur une base ou une installation militaire nationale au plus tard le 30 septembre 2028. Quatre mois après, l’US Army a annoncé le lancement de Janus, « un programme d’énergie nucléaire de nouvelle génération conçu pour fournir une énergie résiliente, sûre et fiable, renforçant la préparation des combattants et la létalité au combat. »

Le programme Janus

« Janus » a été présenté par le Secrétaire de l’armée, Daniel P. Driscoll, en compagnie du secrétaire de l’Énergie, Christopher Wright, le 4 octobre 2025, lors d’une réunion annuelle de l’Association de l’armée des États-Unis (AUSA). Le programme a été conçu pour fournir en électricité, indépendamment du réseau électrique civil, les installations militaires, les réseaux de communication, les systèmes d’armes et les nœuds de commandement de l’US Army. Par ailleurs, il contribuera à la résilience de ces installations et des missions contre les instabilités du réseau, les catastrophes naturelles ou les attaques adverses, dans tous types d’environnement.

L’US Army souhaite calquer sur l’US Navy avec sa flotte de sous-marins équipés de réacteurs nucléaires « qui n’ont pas besoin d’être ravitaillés pendant toute la durée de vie du navire », soulève Jeff Waksman, secrétaire adjoint principal de l’armée pour les installations, l’énergie et l’environnement, également présent à l’évènement. Les sous-marins de la Navy sont pourvus de réacteurs nucléaires « Life-of-the-Ship » (LOS) qui utilisent de l’uranium hautement enrichi (Heu) et peuvent être opérés 33 ans sans être rechargés. La prochaine génération, en cours de construction, devrait pousser cette durée jusqu’à plus de 40 ans. Pour autant, le programme Janus « ne sera pas un programme Marine 2.0. », a-t-il déclaré.

Pour mettre en application le programme, l’US Army s’est associée à la Defense Innovation Unit (DIU) afin de concevoir rapidement et efficacement la technologie de microréacteur. « Les réacteurs seront détenus et exploités commercialement sous la supervision de l’Armée de terre », indique Jeff Waksman. Aucune technologie spécifique n’a cependant été communiquée pour l’heure. L’US Army assurera également la supervision technique et facilitera le cycle du combustible et la chaîne d’approvisionnement.

Un soutien du Département de l’Énergie

L’US Army s’est aussi rapprochée du Département de l’Énergie pour tirer parti de l’expertise de ce dernier en matière de sûreté et de réglementation. Ainsi, le DOE apportera son soutien à travers trois axes. Dans un premier temps, les deux entités collaboreront pour développer un programme de production d’uranium moyennement enrichi (Haleu), nécessaire aux technologies de réacteurs envisagées par l’US Army. Deuxièmement, les prototypes de microréacteurs seront d’abord testés au Laboratoire national de l’Idaho du Département de l’Énergie avant un quelconque déploiement sur une installation militaire. « Au moins un microréacteur atteindra son seuil critique l’année prochaine, peut-être avant le 4 juillet », a déclaré Christopher Wright. Enfin, le DOE procèdera à une réforme réglementaire visant la Commission de réglementation nucléaire (NRC), selon les termes de Christopher Wright.

Microréacteurs militaires : une expérience éprouvée

Le programme Janus s’appuiera sur le retour d’expérience de programmes similaires destinés aussi aux autres corps armés. En avril 2025, huit développeurs de technologies de microréacteurs [1] avaient été sélectionnés par le Département de la Défense (DOD). Ceux-ci devenaient alors éligibles à un financement dans le cadre du programme « Advanced Nuclear Power for Installations » (ANPI) lancé en 2024 par la Defense Innovation Unit, en collaboration avec l’US Army et l’US Air Force. Ce programme, aligné sur les objectifs du décret signé par Donald Trump en mai 2025, vise le déploiement de microréacteurs nucléaires fixes sur les bases militaires. Récemment, plusieurs de ces entreprises ont fait parler d’elles, dont la plupart pour le compte de la United States Air Force :

  • L’entreprise californienne Radiant a signé, en août 2025, un accord avec la Defense Innovation Unit et l’U.S. Air Force pour une livraison en série de son réacteur de 4ème génération. Nommé Kaleidos, c’est un microréacteur à haute température de 1MWe, refroidi au gaz, qui utilisera un cœur en graphite et un combustible Triso. Son déploiement commercial est attendu pour 2028.
  • La branche aérienne a également sélectionné l’entreprise Oklo Inc pour équiper d’un microréacteur nucléaire sa base aérienne d’Eielson en Alaska. Tournant actuellement au charbon, les besoins en électricité de la base sont estimés à 5 MWe. En juin 2025, la Defense Logistics Agency (DLA) avait émis à Oklo Inc un nouvel avis d’intention d’attribution pour le développement et l’exploitation de son réacteur sur les lieux. Si les négociations viennent à se contractualiser, le réacteur pourrait être opérationnel d’ici 2027, selon le calendrier de l’entreprise.
  • L’entreprise X-energy Reactor Company a également signé un accord, en août 2025, avec l’US Air Force pour faire progresser le développement de Xenith, son microréacteur à haute température refroidi au gaz d’une puissance comprise entre 3 et 10 MWe. La technologie était initialement développée pour le projet Pelé (voir ci-dessous).

En parallèle, le projet Pele, dont Jeff Waksman était déjà à la tête et lancé en 2019, a lui pour objectif de développer et construire un microréacteur nucléaire mobile. L’entreprise BWXT Advanced Technologies LLC, avait remporté le contrat. Son microréacteur d’une puissance de 1 à 5 MWe, sera transporté au Laboratoire national de l’Idaho d’ici 2026 pour y être testé dans le complexe d’essais pour les infrastructures critiques. Dès lors, il serait le premier réacteur nucléaire de quatrième génération à produire des électrons sur le sol américain. Par ailleurs, les équipes du projet Pelé qui ont travaillé sur les aspects techniques, juridiques et politiques, seront sollicitées pour le programme Janus. ■

Par François Terminet (Sfen)

Image : Image conceptuelle du réacteur portable du projet Pele, Source : BWXT Advanced Technologies LLC

[1] Antares Nuclear, BWXT Advanced Technologies LLC, General Atomics Electromagnetic Systems, Kairos Power, Oklo Inc, Radiant Industries Incorporated, Westinghouse Government Services, X-Energy Reactor Company.