L’Andra présente son nouvel inventaire des matières et déchets radioactifs
Le 12 décembre 2023, l’Andra, l’Agence publique en charge des déchets radioactifs français, a présenté son inventaire quinquennal des matières et déchets radioactifs. L’exercice permet de faire le point sur le volume de déchets radioactifs et de visualiser quel pourrait être son évolution dans le temps. La grande nouveauté de l’inventaire cette année est l’ajout du volume prévisionnel de déchets générés par la construction de six EPR2 en perspective du rapport « Travaux relatifs au nouveau nucléaire » sorti en février 2022.
Au 31 décembre 2021, le volume de déchets radioactifs, tous types confondus, s’élève à 1 760 000 m3 contre 1 540 000 m3 dans l’inventaire précédent en 2016. Rien d’anormal, cette augmentation correspond à une production courante de déchets radioactifs coïncidant avec l’activité nucléaire globale. La très grande majorité de cette différence se compose de déchets faiblement radioactifs, de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC, 64 000 m3) et de très faible activité (TFA,150 000 m3).
Aujourd’hui 75% de ces déchets sont déjà traités et stockés par l’Andra, le reste est entreposé sur les sites des producteurs en attente d’une solution de stockage. Ce sont les HA, MA-VL et FA-VL et quelques FMA-VC et TFA en attente de reprise, de conditionnement ou d’évacuation vers les sites de stockage.
Prospection autour de quatre scénarios
Dans le cadre du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs et en considérant la Programmation pluriannuelle de l’énergie en vigueur (PPE2), l’Andra s’attache à effectuer un travail de prospection en explorant quatre scénarios suivant la stratégie nationale en matière d’énergie. Les scénarios prévoient un chemin commun jusqu’en 2040 et se différencient ensuite par le renouvellement ou non du parc nucléaire (EPR2) et la stratégie de retraitement du combustible (arrêt, mono-recyclage ou multi-recyclage en REP puis en réacteurs à neutrons rapides (RNR)). À noter que, s’appuyant sur la PPE en vigueur, les scenarios prennent en compte la fermeture de 12 réacteurs de 900 MW dont l’objectif n’est pas repris dans la Stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec) en cours de consultation publique[1]. De plus, l’Andra souligne que « les trois scénarios envisageant le renouvellement du parc nucléaire, les estimations prospectives ne concernent que les déchets du parc actuel, donc ne prennent pas en compte les déchets et matières qui seraient générés par l’éventuel parc de réacteur qui prendrait leurs relais mentionnés dans les hypothèses ». Cela impacte néanmoins le traitement de certains déchets déjà produits comme résumé ci-dessous.
Synthèse des quatre scénarios, Source : Andra

Très logiquement, les scénarios montrent que plus le parc nucléaire serait en fonction longtemps, plus le volume de déchets augmenterait. Cela étant dit, la différence de volume de déchets FA-VL, FMA-VC et TFA, peu importe le cas de figure, est moindre. La différence se joue surtout sur les déchets de types HA et MA-VL (à destination de Cigéo), suivant le choix de retraitement des combustibles usés. En définitive, le scénario S1 générerait une quantité ultime de déchets HA inférieure (soit 11 800 m3) comparée aux autres (15 380 m3 en mono-recyclage et 20 400 m3 avec l’arrêt du retraitement), mais un volume très légèrement supérieur de déchets MA-VL (soit 68 800 m3). Le volume de déchets HA ultimes correspond aux déchets HA ainsi que les matières requalifiées en déchets à terminaison, c’est-à-dire à la fin du démantèlement des installations nucléaires autorisées à fin 2021.
Quels impacts avec la construction de six EPR2 ?
L’Andra a aussi procédé à des études anticipées pour apporter un éclairage dans une perspective d’un déploiement de six nouveaux réacteurs EPR2. En se rattachant aux scénarios précédemment énoncés, on observerait une augmentation de 16 % du volume de HA (soit 1 872 m3 hors matières requalifiées) et 6 % de MA-VL dans le cadre d’un multi-recyclage et une augmentation de 11 % du volume de HA (soit 971 m3 hors matières requalifiées) et 6 % de MA-VL en mono-recyclage. Concernant les FMA-VC et les TFA, on note une augmentation de 5% du volume quelle que soit la stratégie de recyclage des combustibles employée.
Aujourd’hui dans la demande déposée par l’Andra pour la construction de Cigéo, celle-ci n’intègre pas les 6 EPR2. Toutefois, Sébastien Crombez, directeur de la sûreté, environnement et filière à l’Andra, assure que : « Avant l’enquête publique, étape très importante du dossier, les études d’adaptabilité seront mises à jour pour tenir compte des six EPR2. Il est important sur cette logique d’adaptabilité de montrer que l’Andra, en tant que concepteur technique de l’installation (Cigéo) est capable de justifier qu’elle saurait gérer les déchets de ces six EPR2 au moment de la construction de Cigéo ». Il ajoute que « l’un des principes de Cigéo est le développement progressif, c’est une des bases de la conception. Les nouvelles annonces de projets de nouveaux réacteurs ne changent pas l’utilité de lancer rapidement une solution de gestion des déchets, pour stocker les déchets déjà présents, qui sont la responsabilité de l’Andra. Les choix pris à ce jour concernant la conception de Cigéo ne remettent cependant pas en cause des perspectives d’ouvertures, d’ajustement, grâce à cette temporalité de construction et de début de stockage ». Concernant le sujet de l’impact radiologique et de la sûreté par l’apport de déchets issus de ces 6 EPR, Sébastien Crombez ajoute qu’« augmenter l’inventaire ne change pas les ordres de grandeur des impacts en termes de radioactivité, au regard des références établies par l’Autorité de sûreté nucléaire ».■