[Vu dans la Presse] Fermeture de Tihange 2 en Belgique : une saga politique au détriment du climat - Sfen

[Vu dans la Presse] Fermeture de Tihange 2 en Belgique : une saga politique au détriment du climat

Publié le 31 janvier 2023

Le 1er février 2023, l’unité 2 de la centrale nucléaire belge Tihange sera définitivement arrêtée. La fermeture du réacteur de 1 000 MW est la conséquence d’une longue lutte des partis écologistes belges. Le journal belge francophone l’Écho revient sur « la sortie manquée du nucléaire ».

C’est une saga politique que l’on peut faire débuter en 2003 lorsque les écologistes belges inscrivaient dans le marbre la sortie du nucléaire. Le plan était alors de fermer les premiers réacteurs en 2015 pour une sortie du nucléaire en 2025 tout en construisant de nouvelles centrales à gaz afin de combler le vide. Les premiers réacteurs censés fermer voient finalement leur exploitation prolongée jusqu’en 2025 et le déclin du parc débute sept ans plus tard avec la fin de Doel 3 (1 000 MW) en septembre 2022 pour se poursuivre avec la fermeture de Tihange 2 (1 000 MW), le 1er février 2023. Le parc nucléaire d’une capacité de 6 GW va ainsi être amputé d’un tiers de sa puissance.

Pour rappel, le GIEC dans son bilan des émissions de gaz à effet de serre situe la médiane des émissions du gaz à 490g CO2/kWh, et celle du nucléaire à 12g CO2/kWh. Le remplacement de ces deux seules unités, Doel 3 et Tihange 2[1], par des centrales à gaz représente ainsi l’émission supplémentaire de plus de 6 millions de tonnes de CO2 par an. Et même plus si cette réduction de capacité appelle à augmenter le recours au charbon (820g CO2/kWh) sur le réseau européen.

Le journal L’Écho à travers trois actes revient sur « la sortie manquée du nucléaire »

Retour sur la sortie manquée du nucléaire, Acte I : comment Van der Straeten a cru la partie gagnée

Le premier acte raconte comment la ministre de l’Énergie, Van der Straeten, a cru la sortie du nucléaire entérinée avec notamment le feu vert européen pour la mise en place d’un mécanisme de rémunération de la capacité (CRM) afin de subventionner les centrales à gaz.

« Pour Tinne Van der Straeten, la mission est claire. Son rôle de ministre de l’Énergie consistera à réaliser la sortie du nucléaire telle qu’elle l’a conçue. Elle s’engage ainsi dans une course contre-la-montre pour concrétiser la voie énergétique alternative : faire sortir de terre de nouvelles centrales électriques à gaz. En procédant sans tarder, elle pourra placer ses partenaires devant des faits accomplis ».

Retour sur la sortie manquée du nucléaire, Acte 2 : comment Demir, Bouchez et Poutine ont rebattu les cartes

Officiellement le gouvernement a un plan A qui consiste en l’arrêt des centrales nucléaires et un plan B qui comprend la prolongation de réacteurs nucléaires si la sécurité d’approvisionnement ne pouvait être assurée autrement. Néanmoins, ce second n’est pas pris au sérieux alors que l’horloge tourne et que l’exploitant alerte sur la nécessité d’une décision rapide, tout est fait pour que les réacteurs nucléaires ferment. Une partie de coalition Vivaldi entre en résistance et plusieurs permis de construire de centrales à gaz sont refusés en 2021 notamment pour Vilvorde (900 MW) et Dilsen-Stokkem (900 MW).

« Le 27 août, la Commission européenne annonce son approbation formelle du mécanisme CRM belge. Après une lecture attentive de la décision, certains partisans d’une prolongation nucléaire ouvrent de grands yeux. Ils comprennent que Van der Straeten a très habilement manœuvré pour verrouiller la porte de l’option nucléaire ».

Retour sur la sortie manquée du nucléaire, Acte 3 : Engie met la facture, en milliards d’euros, sur la table

Début 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie rebat définitivement les cartes. Les négociations avec l’exploitant Engie-Electrabel sont difficiles alors que l’on prévoit un déficit de mégawatts sur le réseau électrique. Outre les fermetures, c’est aussi le fait qu’un certain nombre de travaux doivent être effectués avant la prolongation d’exploitation des deux réacteurs en question. Le gouvernement souhaite le retour des réacteurs pour l’hiver 2026-2027 alors qu’Engie avait au départ annoncé que ces réacteurs ne seraient pas disponibles avant juin 2027.  « Toute capacité existante qui pourrait inopinément quitter le marché belge d’ici 2025 pourrait entraîner des risques d’adéquation pour notre pays », déclare par ailleurs le gestionnaire de réseau, Elia, dans son rapport 2021.

« Au début du mois de décembre (2022 ndr), on prend plus que jamais conscience des risques de graves problèmes d’approvisionnement énergétique si le pays ne peut pas compter sur la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 en novembre 2026. Fin octobre, De Croo et Van der Straeten ont demandé au gestionnaire du réseau haute tension, Elia, de recalculer l’évolution de l’approvisionnement à l’horizon de 2030, maintenant que la guerre en Ukraine a rebattu les cartes de la géopolitique de l’énergie ».■

[1] En prenant une production combinée de 12,6 TWh par an (moyenne 2017-2021).

Gaïc Le Gros (Sfen)

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