Le gouvernement chiffre à 51,7 milliards d’euros la construction de six EPR 2 en France
La construction des six EPR 2 annoncés par le président de la République coûtera 51,7 milliards d’euros, selon un rapport du gouvernement. L’Exécutif s’appuie sur un double audit mené sur la proposition remise par EDF. Il porte à la fois la question du financement, mais également sur les enjeux de gestion des déchets de ces nouveaux réacteurs ou de réalisation des travaux préparatoires.
Le 10 février dernier, le président de la République a présenté sa stratégie énergétique pour une France neutre en carbone en 2050. Quelques jours après, le gouvernement à publié un rapport intitulé « Travaux relatifs au nouveau nucléaire ». Il chiffre le nouveau programme nucléaire français. Il précise également les conditions techniques et économiques nécessaires à la construction des EPR 2.
- Estimations de coûts du programme de nouveau nucléaire et conditions de financement
En se fondant sur les audits des cabinets Accuracy et NucAdvisor le rapport souligne la robustesse des estimations d’EDF. À la fois dans le cadre des coûts de construction estimés à 51,7 Md€2020. Il comprend un coût sec de 43,1 Md€ auquel s’ajoutent 1,7 Md€ pour le démantèlement et la gestion des déchets ainsi que 6,9 Md€2020 de provisions pour incertitudes, risque, aléas et opportunités. Le gouvernement confirme également les marges calendaires. Pour le premier réacteur, 26,5 mois de marges sont prévus pour une durée de construction totale estimée à 105 mois à partir du premier béton.
Le coût de construction (51,7 Mds€) étant prévu en dehors du coût de financement, les auteurs rappellent que le coût de l’énergie produite par les trois paires d’EPR 2 dépendrons en grande partie du coût du capital : 40 €2020/MWh pour un coût de capital de 1 %, de l’ordre de 60 €2020MWh pour un coût du capital de 4 % et de l’ordre de 100 €2020/MWh pour un coût du capital de 7 %. La question du financement du nucléaire a d’ailleurs fait l’objet d’une étude Sfen.

Au-delà des questions de financement, les auteurs notent les efforts déployés par la filière pour prendre en compte le retour d’expérience des différents chantiers EPR, le déploiement de plusieurs actions (Juliette, Excell etc…) qui donnent, selon ce rapport, de « premiers résultats positifs ». Néanmoins, le gouvernement précise que l’efficacité de ces actions « doit maintenant être évaluée ».
- Cohérence avec la stratégie française de stockage des déchets
S’appuyant sur les analyses de l’Andra, le Gouvernement rappelle que le déploiement de six réacteurs supplémentaires n’aurait pas d’impact supplémentaire sur les déchets de très faibles activités (TFA) et les déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC). Les capacités radiologiques et physico-chimiques étant identiques au parc nucléaire actuel, il n’y aurait ainsi pas de changement spécifique sur la gestion des déchets. Ils pourront être stockés sans aménagement particulier au centre de stockage de l’aube (CSA) pour les FMA-VC et au centre d’industriel de regroupement d’entreposage et de stockages (Cires) pour les TFA.
En termes de volume, le gros des déchets serait produit lors de la phase de démantèlements et ne représente qu’une petite quantité en comparaison au parc actuel. Ainsi, la quantité de déchets resterait relativement faible et n’aurait pas d’impact sur les plannings à venir.

Source : travaux relatifs au nouveau nucléaire (PPE 2019-2028), février 2022
Concernant les déchets haute activité (HA) et moyenne activité à vie longue (MA-VL), le rapport précise que si le projet Cigeo abouti, les projets de six EPR 2 n’impacteront pas fondamentalement son fonctionnement. Même dans le cas d’une évolution de la réglementation en termes de déchets à stocker. Le Gouvernement rappelle que les déchets HA produits par les 6 EPR 2 auraient des caractéristiques (géométriques, chimiques, radiologiques et thermiques) comparables à ceux prévus dans le cadre du dossier demande d’autorisation de création (DAC) de Cigéo et ne remettent pas en cause les principes de conception du projet de stockage.
L’emprise des ouvrages souterrains de stockages serait impactée à la hausse si nous prenons en compte les déchets HA des six réacteurs, dans l’hypothèse où les combustibles issus des réacteurs sont requalifiés en déchets. Certaines modifications seraient à prévoir. Notamment dans le cadre du dimensionnement des équipements (notamment la ventilation impactée par la longueur de la galerie à ventiler) et induiraient également à un allongement de la phase de fonctionnement de Cigéo.
- Poursuite de travaux pour avancer vers une décision finale d’investissement
Plusieurs étapes sont nécessaires avant la décision finale d’investissement. Comme l’indique le Code de l’Environnement (Articles R121-1 à D181-57), la Commission nationale du débat public (CNDP) doit être saisie pour tout nouveau site de production nucléaire correspondant à un investissement d’un coût supérieur à 230 millions d’euros. Le président de la République a par ailleurs annoncé qu’une « large concertation du public sur l’énergie aura lieu au second semestre 2022 ». Par la suite, les parlementaires seront associés à la discussion dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Dans le cadre de ces travaux préparatoires, le rapport du gouvernement souligne l’importance de finaliser le travail de sûreté en collaboration avec l’autorité de sûreté nucléaire : tant que certains sujets de sûreté restent ouverts, le chiffrage du programme et de son calendrier ne peut être totalement déterminé.
Les auteurs précisent que les travaux permettant l’accompagnement de la filière dans « la montée en capacité, qualité et compétence » sont nécessaires pour garantir la maitrise des coûts. Le gouvernement attend le bilan de la mise en œuvre du plan Excell, mais également la réalisation d’audits à la fois sur la relation acheteur-fournisseur et sur un état des lieux de préparation de la filière.
Enfin, le rapport appuie sur l’importance de tenir compte de la faisabilité juridique au regard du droit européen, du coût pour la collectivité et de la capacité des différents schémas à inciter le porteur de projet à la maitrise des coûts et des délais. Ces éléments seraient un préalable à la saisine de la Commission européenne pour s’assurer de la compatibilité de l’aide.