Contribution de la Sfen à la consultation Petits réacteurs modulaires — développement et déploiement futurs en Europe - 2025 - Sfen

Contribution de la Sfen à la consultation Petits réacteurs modulaires — développement et déploiement futurs en Europe – 2025

Publié le 3 décembre 2025
Positions

Dans le cadre d’une consultation portée par la Commission européenne sur Petits réacteurs modulaires — développement et déploiement futurs en Europe, la Société Française d’Énergie Nucléaire (Sfen) a souhaité contribuer aux échanges à travers ce texte :

La Société française d’énergie nucléaire (Sfen) souligne la création de la SMR Alliance, qui rassemble désormais plus de 350 membres issus de toute la chaîne de valeur. Cet événement constitue un progrès majeur, mais cette dynamique doit encore gagner en ambition. La Sfen appelle notamment l’Union européenne à :

  • instaurer un cadre de financement pérenne pour soutenir le développement des SMR/AMR ;
  • sécuriser un environnement réglementaire clair et prévisible ;
  • intégrer pleinement le nucléaire dans sa stratégie industrielle et climatique.

Cette démarche est d’autant plus urgente que les États-Unis avancent rapidement et structurent leur propre écosystème. Face à la demande croissante d’électricité fiable et bas carbone — nécessaire à l’électrification des usages, au développement des centres de données et à la croissance de l’intelligence artificielle —, les États-Unis ont clarifié leur cadre réglementaire et soutenu plusieurs démonstrateurs de SMR et de réacteurs avancés. Cela réduit le risque technologique et attire des investissements privés. En 2024, les investissements en capital et en capital-risque consacrés aux SMR/AMR ont atteint 783,3 millions de dollars outre-Atlantique[1], soit treize fois le niveau de 2023 et davantage que le cumul des quinze années précédentes. Cette montée en puissance s’appuie aussi sur un écosystème particulièrement dense : l’Amérique du Nord concentre près de trente designs de SMR, contre une vingtaine pour l’Europe selon l’OCDE-AEN[2].

En Europe, le Programme indicatif nucléaire (PINC), fondé sur les Plans nationaux énergie-climat, a été présenté à l’été 2024. D’ici 2050, les réacteurs de grande puissance (exploitation du parc existant et nouvelles constructions) pourraient atteindre 109 GW de capacité installée, auxquels les SMR et AMR ajouteraient jusqu’à 53 GW supplémentaires. La Commission européenne estime les investissements nécessaires à environ 241 milliards d’euros pour atteindre cette trajectoire.

Le besoin de chaleur bas carbone est également un moteur important. Selon l’Alliance européenne, les besoins du marché en 2024 sont d’environ 1 250 TWhth/an pour la chaleur industrielle et près de 500 TWhth/an pour la chaleur urbaine. Ces volumes soulignent le besoin majeur de chaleur décarbonée, auquel les SMR/AMR peuvent répondre efficacement.[3]

L’Union européenne dispose des capacités pour atteindre ces objectifs, avec une filière industrielle complète maîtrisant la conception des réacteurs, l’ingénierie, la fabrication de composants, l’ensemble du cycle du combustible, ainsi que des capacités de R&D et des organismes techniques reconnus mondialement. Cependant, ces atouts peinent à se concrétiser : le secteur souffre d’un manque de visibilité à long terme, accentué par des phases répétées de « stop & go » qui fragilisent la stabilité réglementaire. Entre 2021 et 2027, plusieurs grands programmes de financement, Horizon Europe, Connecting Europe Facility (CEF), Just Transition Fund…) ont été déployés sans inclure le nucléaire, limitant l’accès aux financements et empêchant les industriels de planifier durablement.

Pour rendre le marché attractif pour les investisseurs privés, l’Europe doit :

  • instaurer des engagements politiques de long terme ;
  • mettre en place des mécanismes de réduction du risque sur le capital et pour les premiers projets de série (Foak) ;
  • créer des dispositifs favorisant la mobilisation de capitaux privés (crowding-in) ;
  • garantir un accès élargi à des financements de long terme pour les projets de réacteurs.

Il est également indispensable d’investir dans les installations du cycle du combustible : conversion, enrichissement, retraitement, production de MOX et fabrication de combustibles pour réacteurs innovants. De plus, un cadre réglementaire de sûreté partagé à l’échelle européenne doit être établi pour garantir une approche cohérente, exigeante et prévisible, essentielle au déploiement durable des SMR/AMR.

Enfin, la démarche américaine vise à promouvoir ses concepts à l’export. Même si elle utilise la supply chain locale, la proportion restera moindre qu’avec un SMR européen. L’Union européenne doit donc préserver sa capacité à concevoir, construire et exploiter ses réacteurs, qu’ils soient de grande puissance ou modulaires.

 

[1] Anjum, M. & Bharucha, N.H. (2025). Private equity flows to advanced nuclear companies hit record high in 2024. S&P Global Market Intelligence. https://www.spglobal.com/market-intelligence/en/news-insights/articles/2025/2/private-equity-flows-to-advanced-nuclear-companies-hit-record-high-in-2024-87302728

[2] NEA (2025), The NEA Small Modular Reactor Dashboard: Third Edition, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.82155/nqz2-hp44.

[3] Commission de régulation de l’énergie (CRE). (2025). L’insertion des petits réacteurs modulaires (SMR/AMR) dans les systèmes énergétiques. Rapport de prospective, septembre 2025. 83 p. Disponible sur : https://www.cre.fr/fileadmin/Documents/Rapports_et_etudes/2025/Rapport_SMR-AMR.pdf

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