{"id":8820,"date":"2016-02-29T23:00:00","date_gmt":"2016-02-29T22:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/www.sfen.org\/rgn\/nucleaire-energie-territoires\/"},"modified":"2021-09-28T02:16:36","modified_gmt":"2021-09-28T00:16:36","slug":"nucleaire-energie-territoires","status":"publish","type":"article-rgn","link":"https:\/\/www.sfen.org\/rgn\/nucleaire-energie-territoires\/","title":{"rendered":"Nucl\u00e9aire, une \u00e9nergie dans les territoires"},"excerpt":{"rendered":"","protected":false},"template":"","tag-rgn":[688,703,725,170,405,549],"rgn-category":[122],"rgn-report-category":[],"acf":{"content_teaser":"

Alors que la transition \u00e9nerg\u00e9tique redessine les contours d\u2019un nouveau syst\u00e8me, le regard du g\u00e9ographe est essentiel pour comprendre les dynamiques en jeu en termes d\u2019emploi, de d\u00e9mographie, de fiscalit\u00e9, d\u2019\u00e9conomie locale, d\u2019identit\u00e9\u2026 Discipline transverse par essence, la g\u00e9ographie permet de dresser une vue d\u2019ensemble et nous invite \u00e0 faire un \u00ab\u202fpas de c\u00f4t\u00e9\u202f\u00bb pour mieux comprendre l\u2019\u00e9nergie et l\u2019industrie nucl\u00e9aire.<\/p>\n","rgn_article_report":false,"rgn_article_type":"public","sfen_chapo":"

Boris Le Ngoc (SFEN)<\/p>\n","sfen_image":{"ID":6554,"id":6554,"title":"13","filename":"13.jpg","filesize":52039,"url":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13.jpg","link":"https:\/\/www.sfen.org\/rgn\/nucleaire-energie-territoires\/attachment\/attachment-13\/","alt":"13","author":"0","description":"","caption":"","name":"attachment-13","status":"inherit","uploaded_to":8820,"date":"2016-06-22 07:57:47","modified":"2021-09-28 00:16:39","menu_order":0,"mime_type":"image\/jpeg","type":"image","subtype":"jpeg","icon":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-includes\/images\/media\/default.png","width":400,"height":400,"sizes":{"thumbnail":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13.jpg","thumbnail-width":150,"thumbnail-height":150,"medium":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13.jpg","medium-width":300,"medium-height":300,"medium_large":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13.jpg","medium_large-width":400,"medium_large-height":400,"large":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13.jpg","large-width":400,"large-height":400,"1536x1536":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13.jpg","1536x1536-width":400,"1536x1536-height":400,"2048x2048":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13.jpg","2048x2048-width":400,"2048x2048-height":400,"sfen-rgn-newsletter-featured":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13.jpg","sfen-rgn-newsletter-featured-width":225,"sfen-rgn-newsletter-featured-height":225,"sfen-rgn-newsletter-ad":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13.jpg","sfen-rgn-newsletter-ad-width":175,"sfen-rgn-newsletter-ad-height":175,"sfen-rgn-newsletter-article":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13.jpg","sfen-rgn-newsletter-article-width":285,"sfen-rgn-newsletter-article-height":285,"sfen-rgn-newsletter-event":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13-325x240.jpg","sfen-rgn-newsletter-event-width":325,"sfen-rgn-newsletter-event-height":240,"sfen-rgn-newsletter-cover":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13.jpg","sfen-rgn-newsletter-cover-width":93,"sfen-rgn-newsletter-cover-height":93,"large_size":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13.jpg","large_size-width":400,"large_size-height":400,"medium_size":"https:\/\/www.sfen.org\/wp-content\/uploads\/2016\/06\/13.jpg","medium_size-width":275,"medium_size-height":275}},"title_field":"Nucl\u00e9aire, une \u00e9nergie dans les territoires","flexible_content":[{"acf_fc_layout":"text","text":"

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Issues de la m\u00eame grande famille de la connaissance, les sciences dites \u00ab\u202fdures\u202f\u00bb et les sciences sociales ont des difficult\u00e9s \u00e0 s\u2019appr\u00e9hender, se comprendre. Le plus souvent, elles pr\u00e9f\u00e8rent s\u2019ignorer. Pourtant, lorsqu\u2019elles mettent en commun leur expertise, elles portent du fruit, comme en t\u00e9moigne l\u2019importance accrue des \u00ab\u202ffacteurs organisationnels et humains\u202f\u00bb dans le maintien de la s\u00fbret\u00e9 des installations nucl\u00e9aires et la pr\u00e9vention des accidents. La g\u00e9ographie peut-elle \u00e0 son tour b\u00e9n\u00e9ficier \u00e0 l\u2019industrie nucl\u00e9aire\u2009?<\/strong><\/p>\n

Alors que la transition \u00e9nerg\u00e9tique redessine les contours d\u2019un nouveau syst\u00e8me, cr\u00e9e de nouveaux centres de production d\u2019\u00e9lectricit\u00e9 et trace de nouvelles lignes \u00e9lectriques, le regard du g\u00e9ographe est essentiel pour comprendre les dynamiques en jeu en termes d\u2019emploi, de d\u00e9mographie, de fiscalit\u00e9, d\u2019\u00e9conomie locale, d\u2019identit\u00e9\u2026<\/p>\n

Discipline transverse par essence, la g\u00e9ographie permet de dresser une vue d\u2019ensemble et nous invite \u00e0 faire un \u00ab\u202fpas de c\u00f4t\u00e9\u202f\u00bb pour mieux comprendre l\u2019\u00e9nergie et l\u2019industrie nucl\u00e9aire.<\/p>\n

G\u00e9ographie et \u00e9nergie\u2009: une histoire r\u00e9cente<\/h2>\n

Jusque tr\u00e8s r\u00e9cemment, les g\u00e9ographes avaient d\u00e9laiss\u00e9 l\u2019\u00e9tude du nucl\u00e9aire aux seuls anthropologues[1] et sociologues[2].<\/p>\n

En 2009, c\u2019est le d\u00e9clic. \u00ab\u202fLa perte de l\u2019appel d\u2019offres portant sur la construction de plusieurs r\u00e9acteurs aux \u00c9mirats Arabes Unis a fait prendre conscience de la n\u00e9cessit\u00e9 de restructurer la fili\u00e8re nucl\u00e9aire. Pour la premi\u00e8re fois, le gouvernement a r\u00e9alis\u00e9 une cartographie de l\u2019activit\u00e9 nucl\u00e9aire en France\u202f\u00bb se souvient Teva Meyer, chercheur \u00e0 l\u2019Institut Fran\u00e7ais de G\u00e9opolitique[3].<\/p>\n

Cette premi\u00e8re brique pose les bases d\u2019une pens\u00e9e g\u00e9ographique sur le nucl\u00e9aire qui, \u00e0 l\u2019aune des d\u00e9bats sur la transition \u00e9nerg\u00e9tique, s\u2019est enrichie de nouveaux travaux.<\/p>\n

Comment le nucl\u00e9aire structure-t-il les territoires\u2009?<\/h2>\n

Syst\u00e8me technopolitique[4] fait de flux, d\u2019usines, de mines d\u2019uranium, de lignes \u00e9lectriques et de centrales, le nucl\u00e9aire dispose d\u2019une forte empreinte g\u00e9ographique. Pourtant, rien ne l\u2019y pr\u00e9destinait. \u00ab\u202f\u00c0 l\u2019origine, le nucl\u00e9aire avait \u00e9t\u00e9 pens\u00e9 comme une \u00e9nergie d\u00e9territorialis\u00e9e\u202f\u00bb, rappelle Teva Meyer. \u00ab\u202fL\u2019objectif final \u00e9tait de construire des surg\u00e9n\u00e9rateurs qui auraient permis \u00e0 la France de ne plus d\u00e9pendre des mines d\u2019uranium ni d\u2019aucune autre ressource. Il s\u2019agissait bien de d\u00e9territorialiser cette \u00e9nergie<\/em>\u202f\u00bb.<\/p>\n

Si ce projet de r\u00e9acteur de 4e g\u00e9n\u00e9ration (ASTRID) n\u2019est pas abandonn\u00e9, force est de constater que l\u2019industrie nucl\u00e9aire a continu\u00e9 de se d\u00e9velopper jusqu\u2019\u00e0 devenir aujourd\u2019hui la troisi\u00e8me fili\u00e8re industrielle de l\u2019Hexagone. Tout au long de ces derni\u00e8res d\u00e9cennies et encore maintenant, l\u2019industrie de l\u2019atome a marqu\u00e9 les territoires et particip\u00e9 \u00e0 fa\u00e7onner les identit\u00e9s locales. Cet ancrage profond s\u2019explique en grande partie par la cr\u00e9ation d\u2019une fili\u00e8re globale (de l\u2019amont \u00e0 l\u2019aval) plus qu\u2019\u00e0 l\u2019aspect \u00ab\u202fnucl\u00e9aire\u202f\u00bb de l\u2019activit\u00e9.<\/p>\n

Entre maillage et polarisation<\/h3>\n

Lorsque le programme nucl\u00e9aire d\u00e9marre, les consid\u00e9rations techniques (n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019\u00eatre \u00e0 proximit\u00e9 des sources froides \u2013 fleuves et mers \u2013 pour les centrales[5]) et financi\u00e8res (prix du foncier[6]) d\u00e9terminent le choix des implantations, et non, comme cela a pu \u00eatre le cas dans d\u2019autres pays dont l\u2019Allemagne, la n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019\u00eatre \u00e0 proximit\u00e9 d\u2019une zone industrielle ou de grandes agglom\u00e9rations. La France fait donc le choix d\u2019implanter ses principales installations nucl\u00e9aires dans des zones rurales et faiblement peupl\u00e9es.<\/p>\n

Pour autant, \u00e0 la diff\u00e9rence de la Su\u00e8de <\/a>qui concentre l\u2019ensemble des activit\u00e9s nucl\u00e9aires \u2013 exploitation des centrales et stockage des d\u00e9chets \u2013 sur un m\u00eame site, la fili\u00e8re fran\u00e7aise s\u2019implante un peu partout. Selon les calculs de Teva Meyer\u2009: \u00ab\u202fDans 64 des 101 d\u00e9partements, on trouve au moins une entreprise dont le chiffre d\u2019affaires d\u00e9pend pour moiti\u00e9 du nucl\u00e9aire<\/em>\u202f\u00bb. Au fil des ann\u00e9es, la fili\u00e8re a tiss\u00e9 un maillage territorial important et d\u2019autant plus solide qu\u2019il repose sur les 2500\u202fentreprises, PME, PMI, ETI et grands groupes du secteur.<\/p>\n

\u00c0 cette pr\u00e9sence importante du nucl\u00e9aire sur l\u2019ensemble du territoire s\u2019ajoutent des p\u00f4les, structur\u00e9s ou informels, positionn\u00e9s sur une activit\u00e9, comme le d\u00e9mant\u00e8lement \u00e0 Marcoule, ou autour de technologies n\u00e9cessaires \u00e0 la construction nucl\u00e9aire comme le PNB en Bourgogne. Au total, la France compte six p\u00f4les sur l\u2019ensemble du territoire.<\/p>\n

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Les impacts \u00e9conomiques et sociaux<\/h3>\n

Les territoires qui disposent d\u2019une installation nucl\u00e9aire sont-ils d\u00e9pendants de celle-ci\u2009? Oui et non. Sur cette question, les g\u00e9ographes sont partag\u00e9s. Pour Romain Garcier, enseignant \u00e0 l\u2019\u00c9cole Normale Sup\u00e9rieure de Lyon\u2009: \u00ab\u202fEn France, les territoires ne sont pas d\u00e9pendants. On trouve la d\u00e9pendance plut\u00f4t \u00e0 l\u2019\u00e9tranger\u2009: dans des villes mini\u00e8res du Colorado aux \u00c9tats-Unis, ou au Canada. L\u00e0-bas, quand la mine d\u2019uranium ferme, il n\u2019y a plus d\u2019activit\u00e9 \u00e9conomique du tout\u202f<\/em>\u00bb. Ce n\u2019est pas l\u2019avis de Teva Meyer qui ironise sur le \u00ab\u202fmod\u00e8le p\u00e9tromonarchique\u202f<\/em>\u00bb des communes du nucl\u00e9aire. Ainsi, selon lui, certains riverains de Saint-Vulbas, commune de la centrale du Bugey (Ain), la rebaptiseraient \u00ab\u202f\u00c9mirat de Saint-Vulbas\u202f<\/em>\u00bb.<\/p>\n

La d\u00e9pendance est-elle r\u00e9elle ou fantasm\u00e9e\u2009? Que disent les faits\u2009?<\/h3>\n

D\u2019abord, comme toute industrie, le nucl\u00e9aire, parce qu\u2019il paie des imp\u00f4ts, et des taxes, et emploie des personnes, porte intrins\u00e8quement une dimension redistributive et marque de son empreinte l\u2019\u00e9conomie locale. En France, cette empreinte est plus importante que dans d\u2019autres pays, du fait de la fiscalit\u00e9. Selon que la fiscalit\u00e9 est index\u00e9e sur le capital de l\u2019entreprise (une centrale est intensive en capitaux et apporte beaucoup d\u2019argent aux territoires) ou ses b\u00e9n\u00e9fices (n\u00e9cessairement variables d\u2019une ann\u00e9e sur l\u2019autre), l\u2019impact sera plus ou moins fort. En France, la taxe professionnelle \u2013 devenue en 2010, \u00ab\u202fimpositions forfaitaires sur les entreprises de r\u00e9seaux\u202f\u00bb (IFER) \u2013 a permis aux communes d\u2019investir dans la r\u00e9alisation de grandes infrastructures (centres aquatiques, espaces culturels\u2026) et surtout de d\u00e9velopper les services aux populations. \u00ab\u202fOn ne voit pas cette extravagance en Allemagne o\u00f9 la fiscalit\u00e9 est bas\u00e9e sur les b\u00e9n\u00e9fices de l\u2019entreprise<\/em>\u202f\u00bb commente Teva Meyer.<\/p>\n

Pour autant, les communes des centrales ont partag\u00e9 leur \u00ab\u202ftr\u00e9sor<\/em>\u202f\u00bb. Compte tenu des recettes fiscales (importantes) et de leur taille souvent modeste, les communes d\u2019implantation des 19\u202fcentrales ont toutes rejoint une communaut\u00e9 de communes pour g\u00e9rer au mieux les ressources. \u00ab\u202fL\u00e0 o\u00f9 il y a du nucl\u00e9aire, il y a des intercommunalit\u00e9s. Ces regroupements assurent une meilleure redistribution\u202f<\/em>\u00bb r\u00e9sume Romain Garcier.<\/p>\n

Autre impact des centrales nucl\u00e9aires\u2009: les investissements r\u00e9alis\u00e9s par les exploitants d\u2019installations nucl\u00e9aires pour soutenir la vie locale (financement d\u2019associations, de clubs de sport, de festivals, etc.). Des initiatives similaires avaient \u00e9t\u00e9 entreprises chez nos voisins su\u00e9dois. \u00ab\u202fPendant un temps, les industriels avaient constitu\u00e9 un fonds d\u2019investissement destin\u00e9 \u00e0 r\u00e9habiliter un quartier, construire des cin\u00e9mas et r\u00e9nover des lignes de transports\u202f<\/em>\u00bb se souvient Teva Meyer.<\/p>\n

Quand une centrale cesse son activit\u00e9<\/h3>\n

Lorsque la centrale ferme, qu\u2019advient-il du territoire\u2009? Dans quelle mesure l\u2019\u00e9conomie locale est-elle impact\u00e9e\u2009? Alors que la question de fermer (pr\u00e9matur\u00e9ment) Fessenheim est \u00e0 nouveau sur la table, Romain Garcier invite \u00e0 regarder une exp\u00e9rience ant\u00e9rieure\u2009: la fermeture de Superph\u00e9nix. Avec ses \u00e9tudiants, il a observ\u00e9 les effets de la fermeture de la centrale de 1\u2009200\u202fMW sur le territoire rhodanien. R\u00e9sultat, si cette fermeture a \u00e9t\u00e9 \u00ab\u202fun bouleversement humain<\/em>\u202f\u00bb pour les habitants, entra\u00eenant \u00ab\u202fune rupture g\u00e9ographique\u202f<\/em>\u00bb \u2013 \u00ab\u202fles ing\u00e9nieurs et les travailleurs \u00e0 qui l\u2019on proposait de d\u00e9manteler l\u2019installation sont partis\u202f<\/em>\u00bb \u2013, les effets sur le territoire ont \u00e9t\u00e9 att\u00e9nu\u00e9s par le d\u00e9veloppement, au m\u00eame moment, d\u2019une grande zone industrielle\u2009: la plaine de l\u2019Ain, \u00e0 l\u2019est de Lyon. \u00ab\u202fD\u2019une \u00e9conomie locale, nous sommes pass\u00e9s \u00e0 une \u00e9conomie territoriale o\u00f9 les gens faisaient plus de kilom\u00e8tres pour aller travailler.<\/em>\u202f\u00bb<\/p>\n

Pour le g\u00e9ographe, ce ph\u00e9nom\u00e8ne n\u2019est pas propre au nucl\u00e9aire. Dans un autre territoire, en Lorraine, la fermeture de l\u2019usine de Florange a affect\u00e9 la r\u00e9gion, mais une partie des travailleurs est all\u00e9e travailler ailleurs, plus loin, au Luxembourg. \u00ab\u202fDans ce contexte, il est difficile de pr\u00e9dire l\u2019impact qu\u2019aura la fermeture d\u2019une infrastructure industrielle. La r\u00e9silience des territoires \u00e0 surmonter ces difficult\u00e9s est parfois sup\u00e9rieure \u00e0 ce que l\u2019on croit\u202f<\/em>\u00bb conclut Romain Garcier.<\/p>\n

La centrale\u2009: un marqueur identitaire<\/h3>\n

En France, les g\u00e9ographes sont unanimes pour convenir que le nucl\u00e9aire a modifi\u00e9 le territoire. L\u2019arriv\u00e9e de tr\u00e8s grosses usines a eu une influence importante sur la d\u00e9mographie de territoires en d\u00e9prise. \u00ab\u202fEntre\u202f1962 et\u202f2010, les populations des communes de Saint-Vulbas, de Saint-Laurent-Nouan et de Belleville-sur-Loire ont augment\u00e9 respectivement de 300\u202f%, 350\u202f% et 340\u202f% alors que la croissance d\u00e9partementale n\u2019\u00e9tait que de 75\u202f%, 30\u202f% et 6\u202f%<\/em>\u202f\u00bb rappelle Teva Meyer.<\/p>\n

L\u2019activit\u00e9 industrielle a \u00e9galement contribu\u00e9 \u00e0 fa\u00e7onner l\u2019identit\u00e9 locale. Selon l\u2019ethnologue Fran\u00e7oise Lafaye[7], la vie sociale des habitants n\u2019est pas structur\u00e9e entre les \u00ab\u202fpour\u202f\u00bb d\u2019un c\u00f4t\u00e9 et les \u00ab\u202fcontre\u202f\u00bb de l\u2019autre. Localement, les habitants raisonnent par rapport \u00e0 la centrale et le travail qu\u2019elle peut cr\u00e9er. Ils ne la per\u00e7oivent pas comme une activit\u00e9 \u00e0 risque mais comme une activit\u00e9 industrielle. De son c\u00f4t\u00e9, le sociologue Pierre Fournier, ancien ouvrier de Marcoule, montre comment l\u2019implantation d\u2019une industrie exigeante en mati\u00e8re de qualification, a favoris\u00e9 l\u2019\u00e9mergence d\u2019une mobilit\u00e9 sociale ascendante\u2009: les adultes acc\u00e9dant \u00e0 des emplois qualifi\u00e9s et les plus jeunes \u00e9tant encourag\u00e9s \u00e0 augmenter leur niveau d\u2019\u00e9tude.<\/p>\n

Situ\u00e9es dans des territoires ruraux, les centrales sont g\u00e9n\u00e9ralement les principaux, voire uniques employeurs. Cette tendance s\u2019est accentu\u00e9e avec les d\u00e9parts \u00e0 la retraite et le renouvellement des effectifs. \u00ab\u202fLes centrales sont \u00e0 la fois les plus gros employeurs et ceux qui recrutent le plus<\/em>\u202f\u00bb, r\u00e9sume Teva Meyer. \u00ab\u202fLes habitants ont une perception positive de l\u2019installation, d\u2019autant que la centrale structure plusieurs moments de votre vie\u2009: \u00e9cole, association, emploi, \u00e9changes scolaires<\/em>\u202f\u00bb.<\/p>\n

L\u2019attachement local \u00e0 la centrale est si fort que certaines communes y font r\u00e9f\u00e9rence sur leur blason. C\u2019est le cas pour la communaut\u00e9 de communes de Cattenom et environs et celle de Fessenheim <\/a>\u00ab\u202fEssor du Rhin\u202f\u00bb.<\/p>\n

Les flux, reflets d\u2019une fili\u00e8re en mouvement<\/h3>\n

\u00ab\u202fLa g\u00e9ographie n\u2019est pas que la description d\u2019\u00e9l\u00e9ments statiques. Elle permet de d\u00e9crire un syst\u00e8me et ses interactions, c\u2019est-\u00e0-dire de s\u2019int\u00e9resser aux flux\u202f<\/em>\u00bb rappelle Romain Garcier. Dans le nucl\u00e9aire, les flux sont n\u00e9cessaires \u00e0 l\u2019industrie \u00ab\u202faussi bien pour alimenter les centrales en combustible que pour \u00e9vacuer les d\u00e9chets<\/em>\u202f\u00bb ajoute Teva Meyer.<\/p>\n

C\u2019est aussi un moyen pour les opposants de \u00ab\u202fterritorialiser<\/em>\u202f\u00bb une opposition la plupart du temps circonscrite \u00e0 un site. \u00ab\u202fLes flux permettent de montrer que le territoire est totalement concern\u00e9 par le nucl\u00e9aire<\/em>\u202f\u00bb explique Teva Meyer. Ainsi, le d\u00e9bat n\u2019est plus seulement local, il devient national.<\/p>\n

Si en France, la plupart des flux et des transports <\/a>font l\u2019objet d\u2019une communication, ce n\u2019est pas le cas ailleurs. \u00ab\u202fEn Su\u00e8de, on ne sait pas d\u2019o\u00f9 est import\u00e9 l\u2019uranium nucl\u00e9aire\u202f<\/em>\u00bb souligne le g\u00e9ographe.<\/p>\n

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Outre-Rhin, le nucl\u00e9aire est une industrie parmi d\u2019autres<\/h2>\n

Lorsqu\u2019en 2011, Angela Merkel annonce la fin du nucl\u00e9aire en Allemagne, beaucoup de commentateurs fran\u00e7ais pointent une d\u00e9cision pr\u00e9cipit\u00e9e, irr\u00e9fl\u00e9chie, prise sur le moment. La g\u00e9ographie apporte une grille de lecture int\u00e9ressante pour comprendre cette d\u00e9cision.<\/p>\n

En Allemagne, les centrales sont implant\u00e9es dans des territoires peupl\u00e9s et riches, o\u00f9 la base industrielle est diversifi\u00e9e (les Allemands sont d\u2019ailleurs beaucoup plus nombreux \u00e0 vivre proche d\u2019une centrale nucl\u00e9aire que les Fran\u00e7ais). Si bien que l\u2019argent du nucl\u00e9aire et sa contribution \u00e0 la d\u00e9mographie se diluent. \u00ab\u202fDans le Bade Wurtemberg, le tissu industriel est extr\u00eamement d\u00e9velopp\u00e9, on y trouve le cluster de l\u2019automobile avec des usines Audi qui emploient 15\u2009000 personnes\u202f<\/em>\u00bb explique Teva Meyer. \u00ab\u202fEn Allemagne, une centrale nucl\u00e9aire est socialement et \u00e9conomiquement banale.\u202f<\/em>\u00bb<\/p>\n

Alors qu\u2019en France, il para\u00eetrait difficilement envisageable pour les \u00e9lus locaux de soutenir la fermeture d\u2019une centrale nucl\u00e9aire situ\u00e9e sur leur territoire, ce n\u2019est pas le cas outre-Rhin. \u00ab\u202fPour beaucoup, la centrale apporte peu de retomb\u00e9es \u00e9conomiques et sociales au regard des ennuis qu\u2019elle g\u00e9n\u00e8re\u2009: militantisme, probl\u00e8mes d\u2019urbanisme<\/em>\u202f\u00bb r\u00e9sume Teva Meyer.<\/p>\n

Par le prisme de la g\u00e9ographie, il est \u00e9galement plus facile de comprendre l\u2019int\u00e9r\u00eat accru des Allemands pour les \u00e9nergies renouvelables. \u00ab\u202fCertains acteurs avaient \u00e9conomiquement int\u00e9r\u00eat \u00e0 voir le nucl\u00e9aire s\u2019arr\u00eater\u202f\u00bb<\/em> explique le g\u00e9ographe. \u00ab\u202fLe parti conservateur de Bavi\u00e8re, la CSU, traditionnellement pro-nucl\u00e9aire, est devenu anti-nucl\u00e9aire lorsqu\u2019il s\u2019est rendu compte que le d\u00e9veloppement des \u00e9nergies renouvelables b\u00e9n\u00e9ficiait \u00e0 leur \u00e9lectorat\u2009: les agriculteurs.<\/em>\u202f\u00bb<\/p>\n

Utiliser la g\u00e9ographie pour r\u00e9ussir la transition \u00e9nerg\u00e9tique<\/h2>\n

De plus en plus, les g\u00e9ographes s\u2019emparent de la question de la transition \u00e9nerg\u00e9tique et \u00e9tudient l\u2019impact du d\u00e9veloppement des \u00e9nergies renouvelables sur le territoire.<\/p>\n

\u00c0 propos des renouvelables, Teva Meyer rappelle une v\u00e9rit\u00e9 parfois oubli\u00e9e\u2009: \u00ab\u202fLa premi\u00e8re ressource que consomment les \u00e9nergies renouvelables, c\u2019est le territoire\u2009! Il faut de l\u2019espace pour les renouvelables<\/em>\u202f\u00bb. Dans L\u2019\u00c9nergie des sciences sociales, les sociologues Olivier Labussi\u00e8re et Alain Nada\u00ef parlent m\u00eame du \u00ab\u202fpouvoir de colonisation de l\u2019espace\u202f<\/em>\u00bb de ces \u00e9nergies. Leur d\u00e9veloppement \u00e0 grande \u00e9chelle marque le territoire et r\u00e9interroge le lien entre l\u2019\u00e9nergie (production, transport, consommation) et l\u2019habitation des territoires et des paysages. Comme le nucl\u00e9aire avant elles, nul doute que le d\u00e9veloppement des \u00e9nergies renouvelables fera \u00e9merger de nouveaux modes de vie et de nouvelles revendications sur les in\u00e9galit\u00e9s sociales et environnementales.<\/p>\n

\u00c0 l\u2019heure d\u2019une diversification du mix \u00e9lectrique et d\u2019un nouveau d\u00e9part pour la fili\u00e8re, la g\u00e9ographie pourrait apporter son concours au service d\u2019une transition \u00e9nerg\u00e9tique r\u00e9ussie.<\/p>\n

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\u00ab\u202fPaysage au nucl\u00e9aire\u202f\u00bb, dans A. Roger (\u00e9d.), Ma\u00eetres et protecteurs de la nature, \u00c9ditions Champ-Vallon, 1991, p. 132-142<\/p>\n

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Travailler dans le nucl\u00e9aire. Enqu\u00eate au c\u0153ur d\u2019un site \u00e0 risques, A. Colin, 2012 – Pierre Fournier<\/p>\n

<\/p>\n

Doctorant \u00e0 l\u2019Institut Fran\u00e7ais de G\u00e9opolitique (IFG) de l\u2019universit\u00e9 Paris 8 et enseignant chercheur \u00e0 l\u2019universit\u00e9 de Haute-Alsace, Teva Meyer s\u2019int\u00e9resse aux conflits li\u00e9s \u00e0 l\u2019utilisation de l\u2019\u00e9nergie nucl\u00e9aire. Apr\u00e8s avoir consacr\u00e9 deux m\u00e9moires de master \u00e0 une \u00e9tude du conflit autour de la centrale de Fessenheim puis \u00e0 une analyse de la relance du nucl\u00e9aire civil en Su\u00e8de, son travail de th\u00e8se porte sur une \u00e9tude comparative des g\u00e9opolitiques du nucl\u00e9aire en Allemagne, France et Su\u00e8de.<\/p>\n

<\/p>\n

Notion d\u00e9velopp\u00e9e par Gabrielle Hecht dans Le nucl\u00e9aire vu d\u2019Afrique, MIT Press, 2012.<\/p>\n

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La qualit\u00e9 du foncier \u00e9tait \u00e9galement importante\u2009: les terrains devaient supporter des installations lourdes.<\/p>\n

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La France a \u00e9galement privil\u00e9gi\u00e9 des terrains dont la valeur agricole \u00e9tait faible pour \u00e9viter les conflits avec les paysans locaux. <\/p>\n

<\/p>\n

Regards crois\u00e9s sur un territoire. L\u2019exemple de l\u2019implantation de la centrale nucl\u00e9aire du Blayais, Performances, 1999<\/p>\n

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<\/p>\n"}],"rgn_subscriber_push_link_url":"","rgn_subscriber_push_link_title":""},"yoast_head":"\nNucl\u00e9aire, une \u00e9nergie dans les territoires - Sfen<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/www.sfen.org\/rgn\/nucleaire-energie-territoires\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"Nucl\u00e9aire, une \u00e9nergie dans les territoires - Sfen\" \/>\n<meta property=\"og:url\" content=\"https:\/\/www.sfen.org\/rgn\/nucleaire-energie-territoires\/\" \/>\n<meta property=\"og:site_name\" content=\"Sfen\" \/>\n<meta property=\"article:modified_time\" content=\"2021-09-28T00:16:36+00:00\" \/>\n<meta name=\"twitter:card\" content=\"summary_large_image\" \/>\n<script type=\"application\/ld+json\" class=\"yoast-schema-graph\">{\"@context\":\"https:\/\/schema.org\",\"@graph\":[{\"@type\":\"WebPage\",\"@id\":\"https:\/\/www.sfen.org\/rgn\/nucleaire-energie-territoires\/\",\"url\":\"https:\/\/www.sfen.org\/rgn\/nucleaire-energie-territoires\/\",\"name\":\"Nucl\u00e9aire, une \u00e9nergie dans les territoires - 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