Quelles sont les étapes de construction d’un réacteur nucléaire ?
La France s’apprête à lancer un vaste programme de construction de 6 à 14 EPR2, en complément des 56 tranches en activité. Chacun de ces chantiers suivra un planning dense, qui s’étend sur 10 ans en moyenne, allant des travaux préparatoires et de génie civil, aux essais, pour finir par le raccordement définitif sur le réseau électrique.
La construction d’une centrale nucléaire est une étape cruciale pour que son exploitation se fasse dans des conditions de sûreté optimales durant toute sa durée de vie. Elle débute suite à la réalisation de nombreuses études du terrain d’accueil pour les futurs réacteurs. De hautes instances, telles que l’ASN (l’Autorité de Sûreté Nucléaire) ou l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique), ont pu réaliser de nombreux rapports techniques et établi des normes de sûreté, qui garantissent que la construction des installations soit faite avec un haut niveau de sûreté.
Aménagement et terrassement du site
La première étape de construction d’une centrale nucléaire est l’aménagement et l’assainissement de la surface, suivi par son terrassement. Cela consiste à effectuer en premier lieu des opérations de débroussaillage, de défrichement et d’éventuelle relocalisation de la faune et de la flore à protéger. Il est aussi nécessaire d’adapter parfois les surfaces pour pouvoir accueillir le futur site. Cela peut passer par un agrandissement pour convenir à l’emprise au sol de la centrale ou bien encore en procédant à un reprofilage du paysage, en particulier des lignes de falaises pour les réacteurs en bord de mer. Enfin, une dernière étape de terrassement permet d’aplanir la surface totale. Les déblais issus des travaux de modification et de terrassement sont en grande partie réutilisés sur le site de construction.
Connexion pour l’apport en eau et les rejets
La seconde phase consiste à effectuer les différents raccords pour l’apport et les rejets en eau du (ou des) réacteur(s). Le circuit de refroidissement (ou tertiaire) d’une centrale peut être ouvert ou fermé. Dans le cas d’un circuit ouvert, le prélèvement se fait en mer ou depuis un fleuve possédant un débit élevé, via la construction d’un chenal. Une station de pompage permet la filtration de l’eau et l’envoie au condenseur de la turbine (voir infographie ci-dessous).
Schéma des circuits d’eau d’un réacteur nucléaire en circuit ouvert, Source : ©EDF
Enfin, un ouvrage de rejet en mer (voir ci-dessous) permet de rejeter intégralement les eaux (légèrement plus chaudes qu’au prélèvement) du circuit de refroidissement au large. La température de l’eau rejetée est systématiquement contrôlée pour garantir une réduction maximale des impacts environnementaux.
Image : Schéma de rejets des eaux en mer dans le cas d’un circuit ouvert, Source : ©EDF
Pour un circuit fermé, les raccords s’effectuent sur une rivière ou un fleuve (voir ci-dessous). L’eau prélevée est réchauffée par le condenseur de la turbine. La construction d’une tour aéroréfrigérante va permettre de la refroidir. Dans cette configuration, l’eau est prélevée dans de plus faibles quantités. Une grande partie de l’eau restituée s’évapore dans l’atmosphère par la tour aéroréfrigérante, elle est dite « consommée ». Le reste est renvoyé dans la rivière ou dans le fleuve quasiment à la même température qu’au prélèvement.
Image : Schéma des circuits d’eau d’un réacteur nucléaire en circuit fermé, Source : ©EDF
Le génie civil et le 1er béton nucléaire
Les travaux de génie civil comprennent la mise en place du béton armé (armatures ou ferraillages et parfois de câbles de précontraintes puis le coulage du béton structurel) pour le (ou les) bâtiment réacteur et les bâtiments auxiliaires. Ces derniers correspondent aux bâtiments administratifs, au bâtiment du groupe turbo-alternateur, suivant la configuration à la tour aéroréfrigérante et des autres bâtiments annexes.
L’étape dite du « 1er béton nucléaire » correspond à l’enceinte de confinement, généralement en béton armé, qui permet d’isoler et protéger le réacteur nucléaire. Ces structures, grâce à leurs propriétés physico-chimiques particulières, jouent un rôle important pour la sûreté et constituent une des trois « barrières de sûreté ».
Montage des éléments électromécaniques
La quatrième étape correspond au montage des plus gros composants, tels que la cuve, les générateurs vapeur, la turbine, les échangeurs et l’installation de la tuyauterie et des petits équipements. Des « barrières de sûreté », intrinsèques au design et à la conception du réacteur, sont aussi présentes pour empêcher la dispersion de matières radioactives dans l’environnement en cas de survenue d’un accident (image ci-dessous). Celles-ci sont : la gaine du combustible, le circuit primaire (et l’enceinte de confinement, comme indiqué dans l’étape précédente).
Image : Schéma des 3 « barrières de sûreté » d’un réacteur nucléaire de type REP, Source : ©EDF
Pendant cette étape, l’assemblage s’effectue principalement dans les bâtiments, tandis que le reste du site est dédié aux activités d’entreposage, de préparation et de préfabrication.
Épreuves hydrauliques et premiers essais
Cette cinquième étape s’effectue lorsque les deux précédentes ont été achevées intégralement. Elle consiste à vérifier le bon fonctionnement de chaque circuit et l’absence de défauts. Les équipements sont testés sous pression avec l’eau (« à froid » puis « à chaud ») de sorte à soumettre les parois, les soudures, les liaisons boulonnées à un effort mécanique. Les essais sont réalisés (sans combustible) en premier lieu sur chaque circuit séparément, puis sur l’ensemble. Des essais sont aussi réalisés sur l’enceinte du bâtiment réacteur en élevant la pression à l’intérieur pour tester son étanchéité.
Chargement du combustible et montée en puissance
Dès lors que les autorisations ont été délivrées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le combustible est acheminé sur le site, entreposé dans une piscine de stockage et prêt à être chargé dans le réacteur. Dans le cadre d’un démarrage d’un cœur neuf, une source de californium (élément chimique de numéro atomique 98) est soudée sur une petite partie des assemblages (aussi appelés crayons sources primaires). Celle-ci va permettre de fournir un flux de neutrons suffisant pour le démarrage du réacteur.
Pendant plusieurs mois, les équipes techniques (plusieurs centaines de personnes) vont se mobiliser pour effectuer le démarrage progressif du réacteur, pour qu’il atteigne finalement 100% de sa puissance nominale. Durant cette période, plusieurs essais vont être menés sur le cœur de manière à tester ses systèmes de sauvegarde et de protection, ainsi qu’un certain nombre de paramètres physiques. Cela permet de le pousser dans ses retranchements et de le tester dans tous types de circonstances.
Une fois les assemblages de combustibles (193 pour les REP et 241 pour les EPR) chargés, la cuve du réacteur est refermée. Le circuit primaire est ensuite monté progressivement en pression et en température (pour atteindre une pression de 155 bars et une température d’environ 300°C) en suivant des paliers qui nécessitent à nouveau les accords de l’ASN. Le réacteur est ensuite maintenu à une puissance nominale comprise entre 0,5 et 2 %, le temps d’initier le processus de réaction en chaîne dans le réacteur. Pour finir, l’étape dite de divergence, correspond à la montée progressive du réacteur jusqu’à 100 % de sa puissance nominale (graphique ci-dessous). En parallèle, le circuit secondaire est conditionné pour accueillir progressivement la vapeur et entrainer les turbines et l’alternateur.
Courbe de production-temps de la montée en puissance du réacteur EPR Olkiluoto 3 (OL3) en Finlande, Source : ©TVO (modifié)
Raccordement au réseau
L’ultime étape correspond au raccordement (connexion physique) de la centrale nucléaire sur un réseau public de transport (RPT) ou de distribution (RPD) d’électricité. C’est une phase qui nécessite, elle aussi, de nombreux tests afin d’obtenir l’autorisation finale des autorités de sûreté concernées. ■
Image : De la production à la distribution de l’électricité, en passant par son transport, Source : ©RTE