Quelle est la différence entre un neutron lent et un neutron rapide ? - Sfen

Quelle est la différence entre un neutron lent et un neutron rapide ?

Publié le 24 janvier 2024 - Mis à jour le 15 février 2024
Vos questions

Sans neutron, pas de fission ! Dans les réacteurs nucléaires en exploitation du parc français, il est utilisé sous sa forme « lente », c’est-à-dire ralenti par un modérateur, en l’occurrence de l’eau. Mais il peut également être « rapide », offrant alors aux réacteurs nucléaires de nouvelles possibilités.

La fission nucléaire résulte de l’impact d’un neutron sur le noyau d’un atome lourd, ce qui le scinde en deux, lorsque le noyau est fissile. Une grande quantité d’énergie est alors dégagée et des nouveaux neutrons sont émis, au nombre de 2,4 en moyenne par fission pour l’uranium 235. Ceux-ci vont pouvoir à leur tour scinder d’autres atomes et ainsi de suite, c’est le principe de réaction en chaîne.

NEUTRONS LENTS

Dans les réacteurs du parc nucléaire actuels, ces neutrons sont « lents » ou encore dits « à spectre thermique », du fait que leur énergie cinétique correspond au résultat de l’agitation thermique des atomes ou molécules du milieu dans lequel ils évoluent.

Lors de la fission de l’uranium, les neutrons dégagés ont une très haute énergie cinétique et donc une vitesse élevée, trop élevée pour engendrer une réaction en chaîne avec de l’uranium naturel ou même légèrement enrichi en isotopes fissiles. La probabilité de fission (autrement appelée section efficace, qui caractérise la probabilité qu’a un neutron d’interagir avec un noyau) de l’uranium 235, étant très supérieure avec des neutrons lents qu’avec de neutrons rapides, il est donc nécessaire de les ralentir, pour cela, on utilise un modérateur. Dans les réacteurs à eau pressurisée du parc français, c’est l’eau qui joue ce rôle. On parle de « thermalisation ». Les neutrons rentrent en collision avec les atomes d’hydrogène de l’eau (H2O), faisant passer leur vitesse moyenne de 13 800 km/s, pour une énergie cinétique de 1 MeV (pouvant monter à 20 000 km/s pour une énergie cinétique de 2 MeV) à une vitesse moyenne de 7 920 km/h, pour une énergie cinétique de 0,025 eV. De façon imagée, ce processus est comparable à une boule de billiard qui perd de la vitesse lorsqu’elle rentre en collision avec une autre (le modérateur). Avec cette vitesse moins élevée, la probabilité qu’un neutron fissionne un atome d’uranium 235 est garantie avec une plus forte probabilité et ainsi la réaction en chaîne peut s’opérer.

Les neutrons lents ne peuvent interagir qu’avec de la matière fissile, l’isotope 235 de l’uranium par exemple. Il est néanmoins présent en très faible quantité dans l’uranium naturel (<1 %). Les neutrons lents sont cependant inefficaces pour entraîner, après transformation, la fission de l’isotope majoritaire dans l’uranium naturel : l’uranium 238 (>99 %). C’est pourquoi, il est nécessaire d’enrichir l’uranium des combustibles en uranium 235, à hauteur d’environ 5 % (1).

NEUTRONS RAPIDES

Premièrement, dans un réacteur à neutrons rapides, les neutrons ne vont pas être ralentis. La matière utilisée est plus riche en isotopes fissiles (uranium enrichi à au moins 15 % ou plutonium), que dans un REP (uranium enrichi à 3 % en moyenne). Cela permet de pouvoir entretenir une réaction en chaine sans avoir à ralentir les neutrons issus des fissions.

Deuxièmement, on souhaite conserver la vitesse élevée des neutrons pour qu’ils puissent interagir avec d’autres atomes, dits fertiles. Les neutrons rapides sont absorbés par les atomes fertiles et deviennent des matières fissiles, c’est que l’on appelle la régénération de matière fissile. Par exemple, un atome d’uranium 238, fertile, qui absorbe un neutron rapide donne naissance à un atome fissile « artificiel » : le plutonium 239. La fission de ce dernier permet d’engendrer une réaction en chaîne.

Au sein d’un réacteur à neutrons rapides, il est possible, en simultané, de former des atomes fissiles et de provoquer des réactions de fission avec un combustible composé d’un mélange de plutonium 239 (généré [et fissionné] aussi lors du fonctionnement des réacteurs à neutrons lents) et d’uranium 238 (eq. 20 %/80 %). L’avantage du plutonium 239 est d’émettre en moyenne 3,2 neutrons lors de sa fission, dont 2,3 sont susceptibles d’engendrer une nouvelle fission. Ceci permet de garantir la poursuite simultané des réactions de fission et de régénération (voir schéma ci-dessous).

Schéma simplifié du processus simultané de régénération et de réaction de fission en chaine

Dans certaines configurations, un réacteur à neutrons rapides a la capacité de regénérer plus de matières fissiles qu’il n’en consomme, en transformant des matières fertiles en matières fissiles, c’est ce qu’on appelle la « surgénération ». Par analogie avec une voiture à essence, ce type de processus permet de fabriquer plus d’essence qu’elle n’en consomme, tout en roulant. En plus d’offrir une solution de combustible quasi inépuisable grâce à cette technologie, les neutrons rapides ont aussi la capacité de brûler, donc d’éliminer, les actinides mineurs et le plutonium, principaux éléments des déchets de haute activité à vie longue.

Par François Terminet avec les sections techniques de la Sfen

Photo : Molécule atomique sur tableau, Source : ©Shutterstock

(1) De rares réacteurs, comme le Candu, fonctionnent avec un combustible à uranium naturel (à 0,7 % d’U235). Dans cette configuration, il est impératif de ralentir les neutrons, d’utiliser un modérateur spécifique comme l’eau lourde ou le graphite et de recharger très régulièrement le cœur avec ce même combustible .

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