Vague de froid : le sujet chaud de la pointe électrique
Une vague de froid exceptionnelle touche la France. Comme chaque année, la question de l’équilibre offre/demande de la production d’électricité est posée, avec en débat la place du chauffage électrique. Cette situation, sans risque selon l’opérateur de réseau, appelle toutefois à quelques précisions.
L’opérateur du réseau électrique, RTE, est rassurant. Malgré des températures de -9°C à -10°C inférieures aux normales saisonnières, il a rappelé que les interconnexions avec nos voisins européens, ainsi que l’éventail de moyens de production modulables et très réactifs en fonction des situations dont nous disposons en France, sont suffisantes pour faire face à la vague de froid.
Au 27/02, 50 réacteurs sont sur le réseau, soit 86,2 % de disponibilité et la quasi-totalité des moyens fossiles (charbon, fioul, gaz). Par ailleurs, l’hydraulique, grâce à sa réactivité, permet d’apporter une réponse aux brusques fluctuations de la demande en électricité. Les réserves d’eau sont gérées de manière fine afin de disposer d’une capacité de production hydraulique aux moments les plus propices.
De son côté, l’Ademe a demandé aux consommateurs de limiter leurs consommations entre 18h et 20h, période la plus carbonée correspondant aux moments où la France produit le plus avec des moyens fossiles et importe le plus d’électricité de ses voisins très carbonés.
Le faux problème du chauffage électrique
Le sujet est presque devenu un marronnier. Chaque hiver, lorsqu’une vague de froid pointe son nez, le chauffage électrique est mis sur le banc des accusés, coupable par avance du risque de blackout. Il est pourtant inexact d’affirmer que la demande en chauffage électrique amplifie la fameuse pointe du soir, autour de 19h.
Rappelons d’abord que la consommation énergétique des bâtiments résidentiel, tertiaires, commercial et institutionnel – dont une large majorité est liée au chauffage – est la deuxième source de gaz à effet de serre en France, derrière les transports. Dans ce contexte, le chauffage électrique est une solution déjà disponible et bas carbone. L’électricité utilisée pour le chauffage ne concerne qu’un tiers des ménages français et reste, par le nombre de ménages concernés, la deuxième source de chauffage derrière le gaz et la 4e en volume consommé, derrière le gaz, le fioul et le bois.
Contrairement aux idées reçues, la consommation électrique des chauffages varie peu au cours de la journée. Le chauffage électrique des logements explique seulement environ 25-30 % de la pointe et cette part diminue. Les pointes de consommation que nous connaissons en hiver viennent d’usages combinant deux caractéristiques : consommations importantes et profil journalier irrégulier. La cuisson électrique – en croissance face au gaz – et à la marge l’éclairage répondent à ces deux critères et sont à la base des appels de pointe du soir issus du secteur résidentiel. Si le chauffage électrique n’existait pas la pointe électrique serait certes inférieure de 15 GW mais les variations journalières seraient plus importantes en pourcentages.
Dans le futur, le chauffage électrique va participer de plus en plus à baisser la pointe relative de consommation électrique. Le développement des compteurs intelligents, associé aux dernières générations de radiateurs électriques, permettra aux utilisateurs d’adapter leur consommation et donc de baisser la taille des pics de consommation. La programmation des chauffe-eaux électriques apporte déjà de la flexibilité au système électrique en favorisant une consommation pendant les heures creuses de la nuit et un stockage sous forme de chaleur.
En 2016, la France a augmenté de 3,6 % ses émissions de gaz à effet de serre. Premier responsable, les bâtiments, dont les émissions ont augmenté de 11 %. La priorité du gouvernement, qui est de décarboner le mix énergétique, devrait donc veiller à diminuer l’empreinte carbone du chauffage, aujourd’hui importante. Ce n’est pourtant pas ce vers quoi tend la réglementation actuelle. La méthode de calcul de la RT 2012 applicable aux logements neufs valorise la moindre consommation énergétique primaire et non la moindre émission de CO2. Le gaz, pourtant grand contributeur du changement climatique, s’en trouve favorisé, au détriment de l’électricité bas carbone produite en France : actuellement, les deux tiers des nouveaux bâtiments sont équipés de chauffage au gaz.
Un avertissement pour l’avenir
La vague de froid que connaît le pays interroge aussi sur la sécurité d’approvisionnement et le mix de production. Ce dernier connaît de profondes mutations, marquées notamment par l’arrêt en cours de nombreuses capacités de production thermiques, à commencer par le fioul, et bientôt par le charbon. Ces fermetures, peu médiatisées, constituent un événement significatif en matière de sécurité d’approvisionnement. La fermeture est conséquente en volume : elle porte sur six groupes de 600 MW, soit 3600 MW de capacité – l’équivalent de quatre réacteurs nucléaires.
Dans son bilan prévisionnel de novembre 2017, RTE a donc rappelé que la surcapacité historique du système électrique français était complètement résorbée.
À compter de 2020, l’analyse de l’opérateur de réseau établit aussi la grande difficulté de mener de front, sur la base d’une consommation qui emprunterait la trajectoire haute, une fermeture du parc charbon et une non prolongation systématique des réacteurs nucléaires atteignant 40 ans de fonctionnement.
Si ces fermetures de centrales thermiques à flamme constituent une avancée essentielle dans la lutte contre le changement climatique et la pollution de l’air, elles rappellent aussi combien le besoin en source de production pilotable, de base, et bas carbone, comme le nucléaire, est plus que jamais nécessaire pour réussir la transition énergétique.
Crédit photo : EDF / SASSO CHRISTEL