Une situation « intenable » à la centrale de Zaporijia, selon le rapport de l’AIEA

La mission tant attendue de l’AIEA à Zaporijia a enfin eu lieu entre le 31 août et le 5 septembre. Dans un rapport, les experts alertent sur une dégradation significative des conditions de sûreté de la centrale. On note en particulier une pression importante sur le personnel ou la présence d’équipements militaires sur le site.
Depuis le début du conflit en Ukraine, la centrale de Zaporijia, la plus importante d’Europe, est occupée par la force russe. Au cours des derniers mois, celle-ci a régulièrement été touchée par des bombardements à proximité de ses réacteurs. Cela a, à plusieurs reprises, provoqué des déconnexions partielles ou totales du réseau électrique ukrainien. Depuis six mois, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) Rafael Grossi a fait pression pour que ses équipes puissent inspecter le site.
Avec l’accord des autorités russes et ukrainiennes, cette mission a eu lieu entre le 31 août et le 5 septembre. Au terme de cette inspection, l’AIEA a publié un rapport de 52 pages le 6 septembre, dans lequel les experts décrivent une situation « intenable » sur le site. Les sept piliers de la sûreté établis par l’agence sont tous plus ou moins dégradés, même si la situation radiologique est aujourd’hui normale sur le site et que les organes de sûreté sont tous opérationnels.
L’agence appuie particulièrement sur le « pilier 3 » concernant les conditions de travail des opérateurs sur le site. Elle souligne « les conditions extrêmement stressantes » dans lesquelles travaille le personnel ukrainien, sous le contrôle des militaires russes. Dans le rapport on apprend en particulier que « le niveau normal de personnel était de 1 230 personnes pour trois équipes, alors qu’il y a actuellement 907 personnes ». Même manque de personnel du côté des équipes de pompiers qui comptent 80 personnes contre 150 à l’habitude.
Une zone de sécurité
Face à la multiplication des bombardements, l’AIEA lance un appel urgent à « l’établissement d’une zone de sécurité nucléaire et de protection », ce qui impliquerait une improbable coopération entre les forces russes et ukrainiennes. Mais au-delà des recommandations, ce qui est sans doute le plus frappant de ce rapport est l’ensemble des photos fournies par les experts de l’agence et qui montrent des bâtiments touchés par des tirs (ci-dessous, le toit abimé d’un bâtiment de maintenance) ou la présence de véhicules militaires sur le site de la centrale (ci-dessous, un véhicule dans le hall turbine du réacteur numéro 2 à l’arrêt).
La veille l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avait également publié un rapport complet sur l’état de la Centrale de Zaporijia. En particulier, on peut y lire un état des agressions extérieures sur le site et un point sur les principaux risques en termes de sûreté. En particulier, on lit : « À ce jour, l’alimentation électrique de la centrale nucléaire de Zaporijia est particulièrement fragilisée. En cas de perte totale du réseau électrique externe, un ou plusieurs réacteurs en fonctionnement pourraient continuer à produire l’électricité nécessaire aux six réacteurs de la centrale de Zaporijia, sous réserve de réussir un « transitoire d’ilotage ». La fiabilité de cette disposition, qui n’est pas une disposition d’exploitation courante, est limitée. Ce n’est de plus pas une solution pérenne. »
Concernant l’aspect humain, l’institut français précise : « Il semble qu’une forte contrainte soit exercée sur les équipes de l’opérateur ukrainien Energoatom qui continuent à exploiter la centrale. Cet état de stress des équipes, depuis environ six mois, augmente fortement le risque d’une erreur humaine susceptible de provoquer un incident ou accident nucléaire. » ■