Une journée symbolique pour la formation dans le nucléaire à Montereau en Ile-de-France - Sfen

Une journée symbolique pour la formation dans le nucléaire à Montereau en Ile-de-France

Le 8 juin s’est tenue la 2ème édition de l’excellence nucléaire en Ile-de-France (IDF), une journée entièrement dédiée aux avancées du Projet Nucléaire Excellence d’Ile-de-France (NExIF), lauréat en 2021 de l’Appel à Projet France Relance porté par BPI sur le renforcement des compétences nucléaires.

NExIF a visé l’excellence pour créer une structure solide répondant aux défis de la création du pôle des énergies durables, y compris le nucléaire. La journée symbolique du 8 juin marque un pas important vers cet objectif. Le futur campus des métiers de l’industrie et du nucléaire IDF du lycée André Malraux de Montereau-Fault-Yonne (77) est prêt à recevoir sa labellisation. Fort de ses installations techniques innovantes et pédagogiques, il renforce sa vocation historique de formation nucléaire pour devenir un pôle de compétences des métiers du nucléaire unique en Ile-de-France.

Un chantier-école à la pointe

Toute la matinée, les acteurs majeurs du projet NExIF1 ont découvert les avancées du chantier-école des métiers du nucléaire, guidés par les étudiants, les professeurs et les responsables de formation. Ensemble, ils ont ainsi visité les dernières installations techniques et pédagogiques du site offrant une expérience immersive au cœur d’une centrale. L’interface graphique prévue à cet effet permet aux élèves de s’initier à la surveillance d’une centrale nucléaire en grandeur réelle. L’application reproduit le comportement et les alertes de l’environnement de production pour s’entrainer et travailler les réflexes et le choix des bonnes procédures à adopter. L’installation permet également d’organiser des situations d’interventions de maintenance sur des matériels.

Robert Guesdon, directeur des formations nucléaires de l’établissement2, a rappelé que les spécialités des formations du lycée Malraux font de l’alternance un critère essentiel de réussite dans les domaines de la robinetterie et de la maintenance nucléaire. Une matinée qui s’est révélée également fructueuse pour les jeunes techniciens du nucléaire en quête de stages, d’alternances ou de postes en CDI puisqu’une une vaste opération de job-dating était prévue sur place. Une dizaine d’industriels y ont participé ainsi que l’association « Pass’Sport pour l’emploi », chargée d’organiser des rencontres sportives mêlant candidats potentiels et recruteurs en équipe avant d’évoquer les opportunités d’emploi.

« Une explosion des recrutements dans le secteur nucléaire »

L’après-midi a laissé la parole aux parties prenantes du projet NExIF devant les 300 étudiants et les invités de la journée. Cedric Lewandowski, directeur Exécutif du groupe EDF et directeur du Parc Nucléaire et Thermique, a partagé son témoignage sur le redémarrage de l’industrie nucléaire en France. Il a notamment rappelé la feuille de route tracée par le Président Macron en février 2022 et a souligné l’autre enjeu de répondre à la demande croissante en électricité alors que RTE vient la nécessité d’atteindre 580 à 640 TWh dès 2035, contre 460 TWh en 2022. Ces besoins considérables dans les années à venir ouvrent ainsi la voie à une explosion des recrutements dans le secteur nucléaire. Il ajoute : « L’alignement d’étoiles est fondamental s’il réunit les acteurs politiques, le secteur de l’Education nationale et les industriels, tous prêts à travailler ensemble et développer des formations innovantes pour apporter des solutions concrètes à ces besoins ».

Le projet de campus des métiers du nucléaire est né d’une prise de conscience de l’urgence à engager depuis les territoires les transformations profondes pour mener la transition énergétique, poursuit Hélène Milot, directrice régionale IDF du groupe EDF. Chaque territoire a des spécificités, « il y a un chemin vers la neutralité carbone ». La directrice rappelle que selon les experts du Giec « 50 % des solutions pour atteindre cette neutralité carbone sont encore dans les tiroirs de la recherche scientifique ».

Rassembler les acteurs franciliens pour l’avenir énergétique et l’emploi

L’opinion publique en France est largement favorable à l’énergie nucléaire, avec 75 % des Français soutenant cette source d’énergie. Il est donc primordial de préserver ce patrimoine exceptionnel et de continuer à le mettre au service de la population. Pour répondre aux besoins croissants en énergie, la région compte sur la centrale de Nogent-sur-Seine, située aux portes de l’Ile-de-France. L’augmentation des besoins énergétiques dans les prochaines années en IDF sera de 40 % notamment en raison de l’électrification des transports, déclare Valérie Pécresse, présidente de la Région Ile-de-France, invitée premium de l’événement. « Pour cela, nous aurons besoin d’une très forte école de formation sur le nucléaire et le soutien des trois recteurs d »académies inter-régionales ». La région aura également besoin d’hydrogène vert pour la production d’électricité. L’objectif est de devenir un leader régional dans la production d’hydrogène, en privilégiant les méthodes respectueuses de l’environnement. Cette volonté a été récemment récompensée par l’obtention d’un appel à projet sur l’hydrogène, ce qui renforce la fierté de la région d’Ile-de-France. 

La centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine fait déjà face au défi des compétences en s’engageant dans le recrutement local et la fidélisation à long terme de ses employés. En ouvrant ses portes en particulier aux jeunes, elle cherche à susciter l’intérêt pour les métiers de l’industrie nucléaire et à offrir des opportunités de carrière diversifiées. En encourageant également les femmes à embrasser ces carrières et à atteindre des postes de responsabilité, la centrale de Nogent-sur-Seine aspire a créé un environnement professionnel inclusif et dynamique. Estelle Obert, sa directrice, met en avant l’importance de la gestion des compétences et de leur renouvellement au sein de l’industrie nucléaire. « Le recrutement est une mission prioritaire », d’autant plus dans un marché de l’emploi compétitif.

« Pourquoi entrer chez EDF ? » : les principales motivations sont multiples mais s’articulent principalement autour de l’intérêt technique du métier, l’accompagnement de tuteurs et l’ opportunité de développer continuellement ses compétences dans la durée, un élément important quand on sait que les réacteurs à Nogent sont en fonctionnement depuis 30 ans donc la moitié de leur durée de vie puisqu’on ambitionne de les exploiter au-delà à 60 ans, une perspective très stimulante.

Le défi des compétences

« En ce qui concerne le projet NExIF, nous sommes impatients de dresser un bilan de cette initiative ambitieuse. Depuis 2021, en partenariat avec le lycée de Montereau, nous avons jeté les bases de cette aventure, portés par une volonté inébranlable et entourés d’acteurs extraordinaires. Aujourd’hui, nous assistons à la concrétisation de nos aspirations les plus profondes. », a déclaré Muriel Hautemulle, directrice des Ressources Humaines de la direction du Parc Nucléaire et Thermique du groupe EDF.

EDF, c’est environ 1 500 recrutements par an et au-delà de 2 000 pour le Nouveau Nucléaire. Les besoins en recrutement actuels sont répartis entre 50 % de profils techniciens, 20 % de BAC pro et CAP et 30 % d’ingénieurs. Tous les métiers de la production de l’ingénierie sont concernés : métiers de conduite, de maintenance, des métiers très pointus en recherche, sur le combustible, sur le nouveau nucléaire, les SMR.  » Le vrai sujet, c’est remplir les formations, donner envie et convaincre de venir dans nos métiers extraordinaires ».

Une quête incessante : les compétences. Identifier les départs de salariés, anticiper les mutations, afin d’organiser les volumes de recrutement, d’optimiser l’organisation du travail au quotidien et de prendre en compte tous les aspects liés aux ressources humaines. La qualité de vie et la dimension sociale ne sont pas en reste, car elles jouent un rôle essentiel dans cette passion qui anime les équipes. Telles sont les missions de la directrice. Impressionnée par la complexité des tâches accomplies par ces professionnels, qui jonglent avec les procédures strictes et les impératifs de sécurité pour garantir le bon fonctionnement d’une centrale nucléaire. La rigueur et l’engagement inébranlable des hommes et des femmes sont la clé de voûte de ce monde où la moindre erreur peut avoir des conséquences majeures.

Label « Campus des métiers et des qualifications » en vue

Alice Kamenka, déléguée de la région académique IDF à la formation professionnelle initiale et continue, explique qu’au-delà de l’alignement des étoiles, il y a la volonté conjointe d’une présidente de région et d’un recteur de région académique pour travailler avec un appareil de recherche très puissant sur le domaine des besoins de l’emploi et de l’adaptation de l’appareil de formation. Il faut remplir 11 critères pour obtenir le label. Sa vocation, c’est de faire travailler ensemble les entreprises et les industriels d’un secteur donné avec l’appareil de formation initial et universitaire, tous les CFA, cycles d’apprentissage pour dessiner un plan d’actions pour adapter au mieux l’appareil de formation aux besoins des emplois. En IDF, il y a une dizaine de campus sur des filières stratégiques de notre pays.

La création du campus vise à accroître l’attractivité du territoire en offrant des opportunités d’emploi et de formation. Ensuite, il veut développer un pôle d’excellence dans une filière spécifique. Afin de concrétiser ces projets, il est essentiel d’attirer des talents variés, du CAP au BAC+8 et de favoriser des parcours académiques évolutifs, à l’image de ce qui est pratiqué chez EDF et dans l’industrie. Du CAP au doctorat, tous les niveaux de diplômes et les chercheurs seront indispensables pour faire de cette région un pôle d’excellence unique.

Enfin, pour la ville de Montereau, le projet de campus représente un tournant majeur ajoute son maire et vice-président de la région Ile-de-France James Chéron. « Notre ville est un lieu privilégié pour les formations nucléaires », dit-il. Le territoire local est confronté à des défis en matière d’éloignement et de manque d’opportunités pour les jeunes. L’insertion des jeunes à Montereau est donc une préoccupation majeure.

Le campus des métiers de Montereau bénéficie déjà d’un élan financier grâce à la contribution de NExIF et de la région IDF, qui ont investi un million d’euros dans les chantiers écoles et les installations en cours de réalisation. D’ici la fin de l’année, le campus devrait obtenir une labellisation officielle.

Une nouvelle brique au campus Energie durable

Invitée à rejoindre le Consortium NExIF, l’Université de Saclay a pour ambition de susciter l’intérêt des étudiants du premier cycle pour la découverte de métiers et le développement de compétences fondamentales, en particulier dans le domaine du nucléaire, notamment pour les étudiants en formation en neutronique.  » Porter un futur campus dédié aux métiers qualifiants dans ce domaine est une véritable opportunité et une grande fierté », affirme Pascal Aubert, directeur école universitaire du 1er cycle Paris Saclay.

Il est naturel que l’université s’engage aux côtés des académies franciliennes, de la région et de Montereau dans un projet d’énergie durable.  « Notre savoir-faire réside dans notre capacité à réunir les communautés universitaires et à dynamiser les études pédagogiques au niveau secondaire. » Cette nouvelle pierre ajoutée à notre campus d’énergie durable représente un campus d’excellence et d’exigence, offrant de belles perspectives.

L’université s’ouvre aux trois académies de l’Île-de-France, Paris-Créteil-Versailles. Fondée en 2020, elle rassemble les écoles d’ingénieurs, l’université Paris-Sud sur Saclay, Centrale Supélec, Paris Tech, l’IHES, et bien d’autres. Classée entre la 13e et la 16e place mondiale, elle occupe la 9e place en physique et la 1ère place en mathématiques. Ses campus sont présents dans les trois académies. L’université compte environ 20 000 étudiants en premier cycle, 10 000 en licence, 4 000 dans des formations professionnalisantes (bac + 3), 12 000 en master et 4 800 en doctorat. Des laboratoires, des instituts de recherche tels que le CEA, l’INSTN pour la formation, et le CNRS font partie intégrante de son écosystème.

L’Université des Métiers du nucléaire (UMN) engagée au coté des campus

Le campus des métiers est l’un des axes d’actions « compétences » que fédère l’Université des métiers du nucléaire (UMN) a rappelé Philippe Poubeau, correspondant UMN Ile-de-France. Le lycée André Malraux fait partie des lycées partenaires. Cette approche permet de travailler avec l’ensemble des acteurs de la formation (Education Nationale, enseignement supérieur, organismes de formation continue), de l’emploi et les industriels des territoires pour adapter les actions au contexte local.■

Par Sylvie Delaplace (Sfen)

1. Equipe organisatrice : EDF – GRETA – UNIVERSITE PARIS-SACLAY – Lycée André Malraux – CFA Les métiers de l’énergie – UMN – Pôle Emploi – Région Ile-de-France – Ville de Montereau – Région académique IDF

2. Robert Guesdon est le Président du Groupe régional Ile-de-France Est de la Sfen.