Un super module de 1 000 tonnes mis en place en Chine - Sfen

Un super module de 1 000 tonnes mis en place en Chine

Le sujet de la modularité va généralement de pair avec le développement des petits réacteurs modulaires (SMR), mais ce mode de construction a d’abord été pensé pour les réacteurs de puissance, en particulier l’AP1000 de Westinghouse. Une caractéristique s’est récemment illustrée en chine avec la mise en place d’un module de plus de 1 000 tonnes. Une performance qui n’est pas sans présenter des difficultés.

La modularité doit permettre de raccourcir le temps de construction d’un réacteur – et donc son coût – en maximisant le nombre d’activités réalisées en parallèle et les opérations en atelier. C’est une piste explorée et mis en avant par les concepteurs de petits réacteurs modulaires (SMR/AMR). Cependant, ce mode de construction n’est pas l’apanage de ces derniers, Westinghouse avec l’AP1000, dont la conception remonte aux années 1990, a même poussé le principe jusqu’à atteindre des super modules de plus de 1 000 tonnes. Une particularité reprise dans la version chinoise de l’AP1000, le CAP1000. En avril 2024, le chantier de la centrale nucléaire de Liangjang, dans le Guangdong, a vu la mise en place d’un super module de plus de 1 000 tonnes. Ce choix de conception présente néanmoins de multiples défis à relever comme l’ont montrées les difficultés rencontrées lors de la construction des réacteurs AP1000 en Chine et aux États-Unis.


Photo : Mi-avril, le super module CA01 a été mis en place dans le bâtiment réacteur de Liangjang 1 dans le Guangdong où deux réacteurs CAP1000 sont en construction. Le super module, composé de 47 sous parties, accueillera à terme la chaudière nucléaire du réacteur notamment la cuve et les deux générateurs de vapeur. Sa hauteur est de 24 mètres pour largeur de 29m et une hauteur de 24m – ©SNERDI via WNN


La modularité poussée à son paroxysme

L’AP1000 est un réacteur nucléaire de troisième génération de 1 100 MWe. Certifié par l’autorité de sûreté nucléaire américaine (NRC) en 2005, il consiste néanmoins en une évolution de l’AP600, certifié en 1999. Il se compose de près de 350 modules eux-mêmes formés de sous modules transportés par des moyens conventionnels. Tous les réacteurs nucléaires font appel à ce mode de construction mais l’AP1000 pousse le concept à son paroxysme. Et bien que le mode de construction ne présente que des gains en théorie, la mise en pratique est un véritable défi surtout lorsque l’on parle de modules aussi imposants que ceux de l’AP1000. En effet, la modularité du réacteur, associée à un design détaillé tardif, est considérée comme l’une des principales causes du retard des premiers chantiers du réacteur américain que ce soit en Chine ou aux États-Unis.

L’entreprise de construction Bechtel, dans un rapport confidentiel de 2016 sur le projet de V.C Summer[1], abandonné un an plus tard lors de la faillite de Westinghouse, écrit : « bien que ce soit une superbe idée en théorie, l’utilisation des modules a jusqu’à présent nui au projet et, par conséquent, a pesé sur le budget ». Des corrections lourdes ont dû être apportées aux modules qui avaient subi d’ importants cumuls de déviations et de distorsions lors du levage. Par ailleurs, certains modules, tels qu’initialement spécifiés, n’étaient tout simplement pas constructibles[2].

Les super modules, un problème insoluble ?

La construction modulaire est un levier innovant et prometteur pour gagner en qualité de fabrication et optimiser les opérations sur site. Cependant l’expérience montre qu’un déploiement mal maîtrisé peut impacter négativement les projets comme ce fut le cas pour les premiers chantiers AP1000. La réussite de ce mode de construction nécessite notamment une grande maturité du design au moment du lancement du chantier et la mise en place d’une logistique lourde avec l’utilisation d’importants moyens de levage ainsi que la conception et la construction de supports et renforcement temporaires pour les modules. Ces difficultés sont-elles néanmoins insurmontables ? Ce n’est probablement pas l’avis de la Chine qui a lancé les chantiers de six CAP1000 depuis 2022. Reste à voir comment seront surmontées ces difficultés pour les chantiers AP1000 des réacteurs promis à l’Ukraine (9) et à la Pologne (3) sans la force industrielle de Pékin.■

[1] https://dms.psc.sc.gov/Attachments/Matter/72a1472c-5304-4f8c-aaa8-a5103cea03cc

[2] Ibid.

Gaïc Le Gros (Sfen) avec le support de la section technique 7 de la Sfen.

Crédit photo – SNERDI via WNN