Trois questions sur les rejets d’eau contrôlés à Fukushima - Sfen

Trois questions sur les rejets d’eau contrôlés à Fukushima

Publié le 22 août 2023 - Mis à jour le 24 août 2023

[Mis à jour le 24 août] Depuis le 24 août, Tepco, l’opérateur de la centrale accidentée de Fukushima, va procéder au rejet de 1,33 million de tonnes d’eau stockées sur le site et légèrement contaminées au Tritium. L’opération va se dérouler sur plusieurs décennies et l’AIEA assure que cela sera sans conséquences sur les populations et l’environnement. Dans une vidéo, l’agence onusienne a d’ailleurs décrit le process

Près de 12 ans après l’accident de Fukushima, le temps est venu pour le Japon de déverser les eaux aujourd’hui stockées sur le site. Depuis le tsunami et l’accident de mars 2011, le pays a recueilli l’eau servant au refroidissement, ainsi que les eaux pluviales afin de la traiter et qu’elle ne se déverse pas directement dans l’océan, sans traitement. Cela représente un volume considérable : plus d’1,3 million de tonnes d’eau contaminée sont stockées dans environ un millier de réservoirs. Après deux ans d’études de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’entreprise Tepco a été autorisée à rejeter très progressivement cette eau dans l’océan à partir du 24 août 2023. Il s’agira d’une opération très progressive qui se déroulera sur 30 à 40 ans.

1) Est-ce que l’eau est contaminée ?

Les eaux, qu’il s’agisse des eaux de ruissellement ou de l’eau utilisée pour refroidir les cœurs accidentés, sont collectées avant d’atteindre l’océan. Cela permet de les traiter et de les stocker. Les différents isotopes, environ une soixantaine, lessivés avec ces eaux sont récupérées par le « système avancé de traitement des liquides » (ALPS). Mais il reste du tritium. La difficulté est que le tritium est un isotope de l’hydrogène, lui-même constitutif des molécules d’eau (H20). Aussi, le filtrage est aujourd’hui quasiment impossible à très grande échelle.

2) Quelles sont les conditions de rejet ?

Ainsi l’eau rejetée dans l’océan Pacifique contiendra une partie du tritium du site. La durée de demi-vie de cet isotope est courte, environ 12 ans. Ainsi sur les 30 à 40 ans de rejets, ce ne sont que quelques grammes de tritium qui seront rejetés au total dans l’océan Pacifique. Selon Tepco, cité par le journal les Échos : « les 1,33 million de tonnes d’eau contiennent un peu moins de 3 grammes de tritium (…) dans un océan Pacifique qui abrite déjà 8 400 grammes de tritium ». De manière à limiter la pollution engendrée, l’eau rejetée sera au préalable diluée d’un facteur 1 000 avec de l’eau de mer « vierge ». Les rejets effectifs seront ensuite réalisés à 1 km de la côte à 12 mètres de profondeur, accentuant encore l’effet de dilution de l’océan.

3) Y a-t-il un danger pour la santé ?

L’évaluation des travaux préparatoires au Japon a demandé deux ans d’investigation à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour en estimer les effets. Un rapport a été publié le 4 juillet 2023. « Le rapport a conclu que l’approche et les activités pour cette décharge sont conformes aux normes de sécurité internationales pertinentes et auraient un impact radiologique négligeable sur les personnes et l’environnement », cite l’AIEA. Par ailleurs, il a été convenu que l’AIEA continuerait de surveiller les opérations de rejet en maintenant une présence de l’Agence onusienne sur place.
Concrètement, il est calculé que l’eau rejetée présentera une activité de l’ordre de 1 500 Bq/l, là où la valeur seuil fixée pour l’eau potable par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est de 10 000 Bq/l. Les opérateurs japonais rappellent que cette valeur est inférieure aux rejets de la centrale lorsqu’elle était en fonctionnement.

Si l’innocuité des rejets est techniquement prouvée et fait l’objet d’un consensus scientifique, il n’empêche que cela a un impact social et géopolitique. Social, car les pécheurs de la province de Fukushima craignent que ces rejets entachent, une nouvelle fois, la perception de leurs produits. Géopolitique, car les voisins coréens et chinois ont décidé de mener des campagnes de boycott de certains produits nippons. ■

Par Ludovic Dupin (Sfen)

Copyright : réservoirs de stockage d’eau contaminée à Fukushima – ©POOLGETTY IMAGES ASIAPACGetty Images via AFP