Tchernobyl 2015

Il y 29 ans en Ukraine (ex-URSS) avait lieu l’accident de Tchernobyl. A ce triste anniversaire, s’ajoute une actualité : un incendie dans la forêt située à quelques kilomètres de l’ancienne centrale. Si « la situation est sous contrôle » selon le chef du service des situations d’urgence ukrainien, la SFEN revient sur cette catastrophe pour rappeler les faits qui se sont déroulés en 1986 et dresser un panorama de la situation 29 ans plus tard.
26 avril 1986 : l’accident
Dans la nuit du 26 avril 1986, à la suite de plusieurs erreurs humaines, le cœur du réacteur 4 de type « RBMK » (réacteur à eau bouillante) n’a pas été suffisamment refroidi. Le dégagement d’énergie a fait exploser le réacteur et le bâtiment qui le contenait.
Quand l’opérateur a ordonné l’arrêt d’urgence, toutes les barres de contrôle sont descendues dans le cœur pour arrêter la réaction en chaîne. L’évaporation de l’eau dans le coeur a libéré de la réactivité par effet de vide positif (contrairement aux centrales françaises), ce qui a augmenté très rapidement la puissance du réacteur : la réactivité a continué à augmenter jusqu’à atteindre plus de 300 000 MW de puissance, plus de 100 fois la puissance normale du réacteur.
Deux explosions ont soulevé les 450 tonnes de la dalle supérieure du cœur. Les superstructures métalliques du bâtiment ont été détruites. Du combustible, des composants du cœur et des structures ont été projetés en dehors de l’enceinte du réacteur et des rejets massifs de produits radioactifs ont eu lieu dans l’environnement.
Les débris du cœur ont déclenché une trentaine d’incendies sur le toit de la salle des machines et ce qui restait du bâtiment réacteur. Ils ne seront arrêtés que deux semaines plus tard. 5 000 tonnes de matériaux (sable, bore, argile, plomb, etc.) ont été déversés par hélicoptère pour recouvrir le réacteur. De l’azote liquide a même été injecté pour éviter que le cœur fondu n’atteigne un bassin d’eau dans les sous-sols.
La naissance de la « culture sûreté »
Les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl ont été internationales (voir les accidents nucléaires).
Sur le plan organisationnel, l’accident a entraîné une réflexion internationale engagée sous l’égide de l’AIEA avec l’apparition de la notion de « culture sûreté ». Dans une publication, l’Agence donne une définition de celle-ci : « La culture de sûreté est l’ensemble des caractéristiques et des attitudes qui, dans les organismes et chez les individus, font que les questions relatives à la sûreté bénéficient, en priorité, de l’attention qu’elles méritent en raison de leur importance ». La notion de culture de sûreté a ensuite été adoptée par d’autres industries à risques, puis étendue à d’autres secteurs comme la finance.
En France, grâce à l’impulsion du CSSIN (aujourd’hui Haut Comité à la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire – HCTISN), la qualité des informations transmises par les différents acteurs et la transparence se sont développées. Une échelle permettant de mesurer la gravité un accident a aussi été créée à l’initiative du même CSSIN. D’abord nationale, elle a été adoptée par la communauté internationale sous le nom d’échelle INES («International nuclear event scale »). L’accident de Tchernobyl a été classé au niveau 7, le plus haut de cette échelle.
Autre enseignement tiré de l’accident de Tchernobyl : on sait désormais que des comprimés d’iode stable doivent être ingérés au plus tôt en cas d’accident nucléaire avec relâchement de particules radioactives, pour prévenir l’apparition de cancers de la thyroïde (organe particulièrement sensible aux rayonnements, surtout chez les enfants et les femmes enceintes). En France, ces comprimés sont distribués systématiquement aux populations vivant à proximité des installations nucléaires de l’Hexagone. Ils ne doivent être ingérés que sur ordre du Préfet, en cas d’accident nucléaire.
Une arche pour démanteler l’installation
Une arche de confinement recouverte d’aluminium, de plus de cent mètres de haut et de 36 000 tonnes viendra recouvrir l’ancien sarcophage réalisé en 1986 autour du réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl. Sous cette arche pourra commencer le démantèlement de la centrale. Elle devrait recouvrir le réacteur fin 2017.
A proximité du réacteur, une installation va permettre le stockage pendant une centaine d’années de l’uranium consommé à la centrale.
Les études rapportées dans le cadre du Forum Tchernobyl en 2002 ont relevé qu’à l’exception de la zone fortement contaminée de 30 km de rayon autour du réacteur – toujours interdite d’accès, de certains lacs fermés et de forêts d’accès limité, la contamination est revenue aujourd’hui à des niveaux acceptables. Que ce soit en Russie, en Ukraine, en Belarus, on ne constate pas de contamination de grande ampleur et les niveaux d’exposition continuent à baisser lentement.
Les conséquences sanitaires
Les conséquences sanitaires de l’accident, localement et dans l’ensemble des pays européens, ont été suivies attentivement par la communauté scientifique et nombre de sociologues. Un rapport du Comité scientifique de l’ONU sur les effets des rayonnements (UNSCEAR) paru en 2000 et le rapport final du Forum Tchernobyl de 2005, sous l’égide de l’OMS, du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et de l’AIEA, ont évalué très précisément l’état de la situation.
Plus récemment, l’UNSCEAR a publié en 2011 un rapport qui confirme l’essentiel des conclusions de ce Forum. Sur son site, l’UNSCEAR indique : « Il n’existe aucune preuve scientifique d’une augmentation de l’incidence globale des cancers ou des taux de mortalité, ni des troubles bénins associés à une radioexposition. (…) Si les personnes les plus exposées ont aussi un risque plus élevé de souffrir des effets induits par l’irradiation, la grande majorité de la population ne devrait pas craindre de conséquences graves pour sa santé. »
Les décès dus aux rayonnements d’origine externe (travailleurs) et ceux liés à la contamination (habitants) :
- Parmi les intervenants des premières heures, 237 personnes ont été hospitalisées pour des troubles graves liés au « mal des rayons ». Une cinquantaine est décédée de maladies directement liées à l’intervention en milieu hautement radiatif.
- Sur les 200 000 « liquidateurs » qui ont participé au « nettoyage » du site après l’accident, avec une dosimétrie très variable d’un individu à un autre, l’estimation de l’OMS porte sur 2 200 décès supplémentaires.
- Parmi les 116 000 personnes évacuées, et les 270 000 résidents des territoires les plus contaminés, le Forum a conclu à une probabilité de décès prématurés supplémentaires d’ici 2060 se montant à un peu moins de 2 000 personnes.
Pourquoi certains chiffres sont plus élevés ?
Certaines associations annoncent que l’accident de Tchernobyl est à l’origine de 100 000 décès. Un nombre bien plus important que les évaluations réalisées par la communauté scientifique. Comme expliquer un tel décalage ?
Il vient du fait que certaines associations appliquent la Relation Linéaire Sans Seuil (RLSS) pour évaluer les conséquences de l’exposition aux faibles doses radioactives et attribuent un risque à toute dose de rayonnements, si minime soit-elle.
Cette relation est fortement contestée dans les milieux scientifiques, en particulier par l’UNSCEAR. D’autant que dans certaines régions du globe soumises à une radioactivité naturelle très supérieure à celle constatée en France (comme certaines régions de l’Inde), on ne note pas d’occurrence supérieure de cancers.
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