SMR : l’AEN recense un foisonnement de projets et de premières constructions
L’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) de l’OCDE a fait le point sur les projets de petits réacteurs modulaires (SMR & AMR) dans le monde. Elle recense 63 projets actifs et cinq SMR en construction. Si la Chine et la Russie semblent mener la course, l’Occident connait un foisonnement important d’acteurs et de technologies.
Fin février, l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) de l’OCDE a publié son document de référence « The NEA Small Modular Reactor Dashboard » consacré à l’essor mondial des petits réacteurs modulaires (SMR. L’agence y identifie 63 concepts de petits réacteurs modulaires en développement, dont sept qui ne sont pas inclus dans le rapport 2024 sur demande des porteurs de projet. 35 concepts sont, quant à eux, considérés comme inactifs au moment de la publication. À noter que le terme de SMR désigne dans le rapport des réacteurs d’une puissance inférieure à 300 MWe utilisant la fission nucléaire. Les réacteurs dits avancés « Advanced Modular Reactor (AMR) » y sont donc pleinement inclus bien que le SMR désigne parfois dans d’autres usages les réacteurs à eau pressurisée (REP) et bouillante (REB) uniquement.
C’est donc une liste consolidée de 56 réacteurs qui est passée au peigne fin grâce à une série d’indicateurs témoignant de leur niveau de maturité (concept revu par une ou plusieurs autorités de sûreté, site identifié, financement, combustible, etc.). Sept projets de petits réacteurs modulaires sont recensés en France (Blue Capsule, Calogena, Nuward, Hexana, Jimmy, Naarea, Otrera). Une liste qui peut être complétée par des entreprises présentes dans plusieurs pays comme Newcleo (considéré comme britannique dans le rapport) et Thorizon (Pays-Bas). Ce foisonnement de projets est « une opportunité de consolider une chaîne industrielle […] et de renforcer l’argument économique en faveur du déploiement des SMR », selon le directeur général de l’AEN, William D. Magwood.
Cartographie mondiale des acteurs
L’engouement pour les SMR touche tous les continents. Mais les porteurs de projets se concentrent aux États-Unis, au Canada, en Chine, en Russie et en France. L’Hexagone compte 7 des 16 projets européens recensés dans le rapport. L’AEN identifie aujourd’hui 5 SMR en construction ou en exploitation, 20 en processus de prélicensing – étape qui consiste à des échanges avec le régulateur avant le dépôt du dossier de demande de certification – et 5 projets supplémentaires dans un processus de certification (NuScale VOYGR-6[1], Kairos Power Hermès, GEH BWRX300, Rosatom RITM-200S, CGN ACPR50S).
Seules l’Argentine, la Chine et la Russie comptent des modèles en exploitation ou en construction. La Chine a mis en service les réacteurs à haute température à lit de boulets (HTR-PM) en 2023 et la Russie a fait de même avec deux réacteurs à eau pressurisée KLT40S montés sur la barge Akademik Lomonosov en 2019. En outre, la Chine a lancé construction l’ACP100 (REP) et la Russie le BREST-OD300 (réacteur à neutrons rapides refroidi au plomb). L’Amérique du Nord et l’Europe sont marquées par un foisonnement important d’acteurs avec tout de même une longueur d’avance pour les États-Unis et le Canada notamment dans la certification ou dans la sélection de sites.
Pour l’instant, l’AEN ne constate aucun déploiement en série tel que le voudrait le modèle économique de ces petits réacteurs.
Des marchés pour les SMR
Les SMR sont considérés comme particulièrement intéressants pour venir remplacer les énergies fossiles que requièrent des petits moyens de production (centrale à charbon, générateur diesel) ou des processus industriels (chaleur, hydrogène…). L’AEN cite par exemple les projets américains de TerraPower et PacifiCorp à Kemmerer et de X-Energy dans le Maryland (remplacement de centrales à charbon) et ceux en Pologne avec notamment GE-Hitachi (décarbonation de l’industrie). Au Canada, aux États-Unis, en Russie et en Pologne d’autres projets visent à remplacer des générateurs diesel utilisés pour alimenter des mines.
Les critères d’évaluation de la maturité des projets sont autant de défis à relever pour le déploiement des SMR. L’approvisionnement en combustible, alors qu’un nombre non négligeable de projets misent sur de l’uranium enrichi entre 8 % et 20 %[2], l’engagement de la société civile, la mise en place d’une chaîne industrielle restent des conditions à remplir pour un déploiement global de ces technologies. Pour les filières de réacteurs les plus innovantes, un effort de recherche et développement est nécessaire ainsi qu’une forte agilité des autorités de sûreté pour aborder ces nouveaux concepts. Enfin, la compétitivité économique est, entre autres, suspendue à l’effet de série et aux mécanismes de financement de ces nouveaux réacteurs. Sur ce dernier sujet, Rafael Grossi, directeur général de l’AIEA, a récemment appelé les banques de développement à sortir de leur attitude vis-à-vis du nucléaire en décalage avec l’époque.■