Signature du contrat stratégique de la filière nucléaire
Le 28 janvier 2019, un contrat stratégique de la filière nucléaire a été signé, pour la première fois de son histoire. Cette signature très attendue par toute la filière s’est tenue en présence de François de Rugy, ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances et Dominique Minière, président du Comité stratégique de la filière nucléaire (CSFN), et de l’ensemble des acteurs concernés.
Qu’est-ce qu’un contrat stratégique de filière ?
Au sein de la filière nucléaire, « Orano, CEA, Andra, Framatome, EDF et toutes les PME/ETI, nous sommes tous persuadés que nous avons tout à gagner, à travailler ensemble. Conduire des actions clés communes, c’est le sens du contrat stratégique de filière », a rappelé Dominique Minière.
Pour définir ce contrat stratégique de filière, un Comité de pilotage stratégique de la filière nucléaire (CSFN) a été créé. Ses missions : identifier, d’une part, de façon convergente, au sein de ce contrat, les enjeux clés de la filière et les engagements réciproques de l’État et des industriels (exploitants nucléaires, industriels de la filière, syndicats, le pôle de compétitivité de la filière, la DGE, la DGEC), et d’autre part, émettre des propositions d’actions concrètes et suivre leur mise en œuvre, au travers d’une feuille de route partagée. En France, à ce jour, il existe 16 Comités stratégiques de filière (CSF), dans l’aéronautique, l’automobile, le ferroviaire, etc.
En parallèle, le GIFEN (Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire) est le nouveau syndicat de la filière dont les donneurs d’ordre, les industriels de la filière, les organisations professionnelles, et plus d’une vingtaine d’associations, sont membres. L’objectif est d’unir la filière pour « être plus forts, toutes compétences et expertises réunies, et permettre de conduire de manière cohérente les actions du contrat de la filière nucléaire et lui assurer la conservation, dans l’avenir, de ses savoirs faire » à l’échelle nationale mais aussi internationale, poursuit Dominique Minière.
Herve Maillart est le Coordonnateur du CSFN. Dominique Minière est le Président du CSFN et du GIFEN.
Ce contrat stratégique de la filière nucléaire signé entre l’Etat et les principaux acteurs du nucléaire français, ce lundi 28 janviers 2019, avait donc pour objectif de définir un plan d’actions ambitieux et cohérent pour la pérennité de la 3ème industrie en France.
Plus largement, ce contrat s’inscrit de façon concrète dans les orientations définies par la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en matière d’énergie nucléaire et garantit aussi à la filière la visibilité, de long terme, dont elle a besoin pour préserver son savoir-faire national, maintenir les compétences dans la filière, et partir, dans les meilleures conditions, à la conquête de nouveaux marchés.
Le nucléaire, une énergie décarbonée, assurant la sécurité d’approvisionnement
La signature du contrat a été l’occasion de rappeler les fondamentaux qui caractérisent l’énergie nucléaire en France, « un pilier extrêmement important de notre politique française » pour François de Rugy. En effet, le nucléaire qui est une énergie bas carbone est incontournable dans la transition énergétique pour atteindre les objectifs climat que la France s’est donnée.
Le nucléaire est aussi une énergie fiable, disponible à la demande, 24h/24. Il constitue un atout indéniable pour la France où « le marché européen de l’électricité peut connaître des tensions sur le réseau électrique ». Le ministre de la Transition écologique et solidaire a rappelé que la fermeture programmée de centrales à charbon, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie, peuvent conduire à des dysfonctionnements du réseau électrique européen. Dans ce contexte, la France doit être capable d’assurer « une sécurité d’approvisionnement solide et stable ».
Le nucléaire, une réponse à la réindustrialisation de la France
Est-il utile de repréciser que l’énergie nucléaire est la 3ème filière industrielle française, (après l’aéronautique et l’automobile). La filière regroupe 2 600 entreprises dont plus de 50 % ont une activité à l’export et totalise aujourd’hui 220 000 emplois directs et indirects, non délocalisables. « Nous croyons à cette filière et nous voulons lui offrir un avenir », a résumé Bruno Le Maire. Il a appelé à la nécessité d’une reconquête industrielle du pays. A contrario, « toute désindustrialisation a des conséquences désastreuses, politiquement, financièrement, économiquement et culturellement ». La filière nucléaire est un atout s’inscrivant pleinement dans cette reconquête. Il s’agit bien de conserver cette filière d’excellence, « Made In France ».
6 actions structurantes dans le contrat stratégique de la filière nucléaire :
Action 1 : Garantir les compétences et l’expertise nécessaires pour une filière nucléaire attractive, sûre et compétitive
L’attractivité de la filière nucléaire est un enjeu fort pour cette industrie d’excellence, tout comme le domaine des compétences, même si, comme le notait Alexandre Grillat, secrétaire général CFE-CGC, « beaucoup de métiers du nucléaire sont communs aux autres industries dans son ensemble ». De nombreux facteurs induisent des risques de fragilisation des compétences : déficit d’image des métiers de l’industrie auprès des jeunes, raréfaction des grands projets nucléaires, difficultés de maîtrise des procédés de fabrication ou de conduite des projets, dégradation de l’image de la filière auprès du public…Les objectifs sont clairs : il faut améliorer l’attractivité de cette industrie, de la filière nucléaire et de ses métiers par des actions en régions ; disposer d’offres de formations initiales et continues, pour permettre de maintenir des compétences et des recrutements de qualité dans la filière.
Action 2 : Structurer, avec l’aide du numérique, la supply chain et la démarche d’innovation au sein de la filière
L’état des lieux de l’utilisation du numérique mené par le GIFEN conduira à un certain nombre de développements, que l’Etat s’engage à examiner dans le cadre des investissements d’avenir. Pour un meilleur déploiement des solutions numériques auprès des PME/ETI, il sera également essentiel de mettre en place les infrastructures nécessaires, en local dans les régions et intercommunalités. L’Etat s’engage à prendre en compte les besoins exprimés par les industriels de la filière nucléaire dans les démarches et actions qui vont résulter de la mission « Territoires d’industrie », lancée par le premier Ministre. L’objectif est donc, d’une part, de faire bénéficier la filière nucléaire de l’ensemble des outils et des kits d’accompagnements proposés par la mission pour ces territoires (très haut débit, transports, compétences, financements…), et d’autre part, d’intégrer, dans les conclusions de la mission, les territoires concernés de la filière nucléaire.
Action 3 : Promouvoir une économie circulaire au sein de la filière
Concernant le recyclage des combustibles usés, il est considéré comme un élément majeur de la stratégie de la filière nucléaire française (cycle fermé). En effet, il permet d’économiser les matières premières et de réduire le volume et la toxicité des déchets, tout en les conditionnant de manière sûre et pérenne. Il s’appuie aujourd’hui sur l’utilisation opérationnelle de combustible MOX, qui permet un recyclage en réacteur à eau sous pression (REP) des matières issues du traitement des combustibles usés. Des études seront également menées pour le moxage de nouveaux réacteurs et le multi recyclage des matières.
Le recyclage des métaux de Très Faible Activité (TFA) est également évoqué. A noter qu’en France, plusieurs installations du cycle combustible ou de production d’électricité sont à l’arrêt et en cours de déconstruction. Après la phase d’exploitation, les exploitants sont responsables de la déconstruction et de la gestion des déchets issus de ses installations. Les déchets produits sont majoritairement à vie courte de très faible ou faible à moyenne activité. Dans les années à venir, avec la croissance attendue des activités de déconstruction, les flux de déchets de démantèlement des installations (par exemple les centrales et installations d’enrichissement) vont significativement augmenter, notamment les flux de métaux de très faible activité.
Cette action 3 rappelle la nécessité d’une concertation significative entre les pouvoirs publics, les organisations syndicales et les industriels, afin de disposer de feuilles de route pour anticiper les investissements sur le moyen/long-terme. Les échéances associées à ces feuilles de route R&D pouvant être très longues, la filière a besoin d’une grande stabilité et un soutien fort de l’Etat, au niveau des financements publics des orientations stratégiques retenues par l’Etat et de l’adaptation du cadre réglementaire.
Action 4 : Définir les réacteurs nucléaires de demain et les outils du futur
Cette action 4 porte en particulier sur le développement de l’EPR2 et d’un SMR (Small Modular Reactor), ainsi que de l’Usine nucléaire du futur.
L’objectif est de définir les réacteurs et outils du futur, en visant plus particulièrement à accélérer l’initiative « Usine Nucléaire du Futur », lancée par EDF, le CEA et Framatome, et à développer un modèle de SMR (Small Modular Reactor) de technologie française. Cet objectif s’inscrit dans le cadre de la PPE, où le Gouvernement a annoncé qu’il conduirait, avec la filière nucléaire, un programme de travail qui devra rendre ses conclusions à mi 2021, afin de permettre une prise de décision sur le lancement éventuel d’un programme de construction de nouveaux réacteurs en France, avec l’EPR2.
Action 5 : Disposer d’une stratégie globale filière à l’international
Le développement à l’international est l’un des axes de développement stratégique de la filière nucléaire française, valorisant les compétences et son savoir-faire, dans un marché de croissance, sur les décennies à venir, dans le monde. Une opportunité pour les grands acteurs (EDF, Framatome, Orano), mais également pour l’ensemble des entreprises de la filière. Cette démarche commerciale concerne d’une part, la vente de technologies (nouveau nucléaire, usines du cycle, etc.) et d’autre part, la vente de prestations et services sur tout le cycle de vie de l’industrie du nucléaire. L’offre française est également accompagnée d’un faisceau de prestations et de coopérations scientifiques et techniques à destination des pays souhaitant développer un programme électronucléaire. En promouvant à l’export les technologies, normes et solutions françaises, cette démarche commerciale a pour objectif de renforcer l’indépendance de l’industrie française vis-à-vis de l’influence d’acteurs étrangers et permettre de dégager des volumes d’affaire indispensables aux industriels. Au-delà du chiffre d’affaire, les projets nucléaires à l’export contribuent à renforcer la capacité de la filière à maintenir, dans le temps, des compétences nécessaires à la conception et la réalisation de grands projets industriels.
Action 6 : Lancer une démarche « filière » pour accélérer la transformation du tissu industriel vers l’industrie du futur
L’objectif est d’accompagner les entreprises de la filière pour mettre en œuvre les transformations numériques et technologiques nécessaires dans les années à venir. L’Etat et la filière s’engagent ici pour faciliter l’accès aux outils institutionnels nécessaires. Il s’agit par exemple de faciliter l’inscription des PME-ETI de la filière nucléaire aux outils, nationaux et régionaux ; d’accompagner la filière nucléaire pour le lancement de la première session « Accélérateur PME » qui sera lancée conjointement avec BPI France ; ou d’accompagner les actions de la filière nucléaire à l’export, via la mise en place d’outils d’information, de communication et de prospection lui permettant de construire et mettre en place sa stratégie puis de promouvoir ses offres.
Lien : communiqué de presse – Ministère de la Transition écologique et solidaire
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/signature-du-contrat-strategique-filiere-nucleaire