Rolls-Royce Civil Nuclear passe sous pavillon Framatome
Le Français Framatome a finalisé l’acquisition de l’activité contrôle-commande de son concurrent britannique Rolls-Royce. La Business Unit du Français, qui compte 1 420 salariés, va accueillir 530 collaborateurs supplémentaires essentiellement basés à Grenoble. La société acquiert aussi des installations industrielles, spécialisées par exemple dans l’instrumentation nucléaire ou le traitement d’obsolescence.
Ce sont deux géants du contrôle-commande qui vont unir leurs forces. Le 8 novembre dernier, Framatome a annoncé la finalisation du rachat de l’activité contrôle-commande (I&C) de Rolls-Royce Civil Nuclear. Une première offre avait eu lieu en 2018 concernant un périmètre plus large et notamment des activités non spécifiquement nucléaires aux États-Unis. La transaction n’avait alors pas abouti. Un second round de négociations, avec un périmètre taillé pour l’industriel français, a permis de trouver un accord. Il a été officialisé en décembre 2020 et l’opération a reçu l’aval de l’autorité de la concurrence française en mai dernier.
« Les systèmes de contrôle-commande (I&C) constituent le système nerveux d’une centrale nucléaire et permettent aux opérateurs de contrôler le fonctionnement du réacteur. Cette acquisition et l’arrivée de nouveaux experts chez Framatome nous permettront d’améliorer notre offre I&C pour une production d’énergie nucléaire fiable et décarbonée », se félicite Bernard Fontana, CEO de Framatome.
Des réacteurs en commun
L’industriel français met en avant des produits du Britannique tels que Spinline, Rodline et Hardline qui vont enrichir la gamme des offres de Framatome, « du type plateforme de contrôle-commande numériques Teleperm XS et Tricon, ainsi que des plateformes analogiques non informatisées et de l’instrumentation pour les centrales nucléaires », indique le communiqué de Framatome. « L’activité I&C de Rolls-Royce Civil Nuclear est un complément à notre portefeuille existant », assure Frédéric Lelièvre, vice-président, en charge des ventes, plateformes régionales et BU Contrôle-commande de Framatome.
Ensemble les deux acteurs ont une présence large sur le parc nucléaire mondial. Les activités de contrôle-commande de Framatome sont utilisées dans plus de 250 réacteurs à travers le monde. Les outils de l’industriel britannique équipent quant à eux environ 150 réacteurs mondiaux. Une partie de ces deux périmètres se regroupent, à commencer par le parc des 56 tranches tricolores.
Pour Framatome, c’est un travail d’intégration important qui commence. En 2018, l’industriel français avait déjà accueilli les activités de contrôle-commande de réacteurs nucléaires de Schneider Electric. Cela représentait une centaine de collaborateurs. Avec les équipes de Rolls-Royce, le Français va intégrer 530 collaborateurs, dont 200 ingénieurs. La business unit (BU), qui emploie aujourd’hui 1 420 personnes, va donc croître de plus d’un tiers de sa taille. « Rolls Royce a aussi une importante empreinte industrielle qui nous intéresse énormément pour développer l’activité en France et alimenter nos ambitions en matière de souveraineté industrielle », explique Philippe Sauvard, directeur de la BU Instrumentation et Contrôle-commande. Il évoque des capacités de production pour de l’instrumentation nucléaire, des capacités de tests et de réparation de cartes ou de traitements d’obsolescence.
Europe de l’Est et Chine
Au-delà des installations industrielles, Philippe Sauvard souligne que Rolls-Royce a une très longue expérience et des belles positions à l’export. « On se connait déjà très bien. Il y a de nombreux contrats où nous avons travaillé ensemble et d’autres où nous étions en concurrence », explique le dirigeant. Le Britannique est par exemple bien positionné en Finlande, ce qui est intéressant car l’autorité de sûreté locale, Stuk, est active sur d’autres marchés à l’international comme en Turquie ou en Égypte auprès du groupe Rosatom. Rolls-Royce a aussi des expériences en Europe de l’Est où Framatome veut continuer à croître. Enfin, ils sont présents sur des niches en Chine. « C’est un marché que nous souhaitons garder même si le volume d’activité y sera réduit avec le développement de fournisseurs locaux. » Il s’agit donc maintenant de créer une synergie sans prendre le risque d’abîmer l’existant et en gardant la confiance des clients du Britannique. « Pour l’heure, l’activité commande-contrôle de Rolls-Royce est devenue une filiale de notre BU. Cela va permettre aux équipes des deux entreprises de mieux se connaître et de définir une organisation optimisée d’ici 12 à 18 mois », explique le directeur de la business unit. En difficulté, Rolls-Royce a annoncé dès 2018 sa volonté de se séparer d’une partie de ses activités nucléaires, en particulier en dehors du marché britannique et de celles qui concernent le développement de Small Modular Reactors (SMR). En septembre 2019, la société d’outre-Manche a d’ores et déjà cédé ses activités de services nucléaires à l’Américain Westinghouse. « Cette (nouvelle) transaction marque une simplification supplémentaire de notre activité et contribue à notre objectif de générer plus de deux milliards de livres sterling via des cessions, comme annoncé le 27 août 2020. Nous pensons également que cette transaction représente la meilleure option pour cette partie de nos activités nucléaires civiles et pour ses employés », juge Warren East, directeur général de Rolls-Royce.
De nouveaux acteurs sur le marché
Au niveau du marché mondial des contrôles-commandes, cette nouvelle union rebat les cartes. Alors que les deux entreprises ont longtemps rivalisé sur de nombreux projets, il ne s’agit pas de perdre en capacité d’innovation et en dynamisme. « D’autre concurrents arrivent, entre autres des concurrents liés à des constructeurs de réacteurs », souligne Philippe Sauvard, citant en particulier China Techenergy (CTEC) qui fait partie du groupe CGN et la Business Unit Rasu de Rosatom. Ces deux groupes sont aujourd’hui peu présents à l’international, mais ils commencent à entrer en relation avec des clients étrangers et sont en contact avec les autorités de sûreté nationales concernées.
Dans le même temps, la BU I&C de Framatome veut aussi élargir son offre pour être plus concurrentielle, quitte à « sortir de notre zone de confort », assure le dirigeant. La société est ainsi en train de développer de nouvelles activités dans le domaine numérique.
« Nous souhaitons entre autres remonter sur le cycle des réacteurs en se positionnement sur des travaux d’architecture, ce que l’on appelle l’overall I&C ainsi que continuer d’étendre notre fourniture. Pour nous, ce sont des éléments de différenciation à développer », appuie Philippe Sauvard.