Le rôle des « Petites Curie » dans la vie des soldats blessés de la Grande Guerre

Alors que 2018 marque le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, l’occasion est donnée de revenir sur des héros et héroïnes de cette période, à commencer par Marie Curie et ses « Petites Curie ».
Les « Petites Curie » sont le surnom donné aux véhicules que Marie Curie a équipés d’unités de radiologie pendant la Première Guerre mondiale et qui permettaient de se rendre au front, au plus près des blessés. Lorsque la guerre éclate, Marie Curie, titulaire de deux prix Nobel, a déjà une réputation scientifique solidement établie. Elle aurait pu se tenir à l’écart du conflit ; au contraire, elle y prend une part active, tout comme les autres membres de l’Institut du radium, dont elle a la charge à cette époque. C’est notamment aux côtés d’Antoine Béclère, directeur du service radiologique des armées, et de la Croix-Rouge, qu’elle participe à la conception d’unités chirurgicales mobiles de radiologie, dénommées alors les « ambulances radiologiques », renommées plus tard les « Petites Curies ».
Au début de la guerre, pour les blessés, il était prévu un traitement sommaire, réalisé sur le lieu de la bataille, avant de les évacuer vers les hôpitaux. Mais l’utilisation de nouvelles armes comme les mitrailleuses, les éclats d’obus ou les schrapnels complexifiait les diagnostics. La stabilisation du front, à partir de l’automne 1914, a permis à l’Armée française de réorganiser la prise en charge de ses blessés. C’est là que Marie Curie entre en scène.
Dès 1914, elle s’est engagée dans une première campagne sur la base d’une voiture équipée du matériel de recherche en radiologie, empruntée à Claudius Regaud, co-directeur de l’Institut du radium et un des pionniers de la radiothérapie. L’objectif était bien sûr de limiter autant que faire se peut les déplacements des blessés, avant de radiographier leurs blessures. Cette discipline, inédite à l’époque, permettait de situer avec précision l’emplacement des éclats et faciliter ainsi l’opération chirurgicale. Celle-ci, selon la gravité, pouvait être différée et donc pratiquée en hôpital, ou immédiate, réalisée sur place.
Si, au départ, l’initiative fut accueillie non sans réticence par les médecins militaires, l’apport des « Petites Curie » au profit des blessés changea les mentalités. Au total, ce sont dix-huit camionnettes légères qui sillonnèrent sans relâche les différents champs de bataille, de la Marne, de Verdun, de la Somme… Quant à Marie Curie, elle se dévoua à cette mission pendant toute la durée de la guerre, jusqu’à obtenir son permis de conduire, en 1916, pour conduire directement ses missions, accompagnée de sa première fille Irène, encore adolescente.
De la radiologie à la radiothérapie
L’Institut du radium se transforme pendant la guerre en une école de radiologie où sont formées des femmes, pour certaines infirmières, au métier d’aide-radiologiste. Au programme, des leçons théoriques sur l’électricité et les rayons X, des exercices pratiques, de l’anatomie… Au total, ce sont des centaines de postes fixes de radiologie créés au sein des hôpitaux militaires. Les archives citent le nombre de plus d’un million de blessés ayant été secourus grâce à ces installations, dont un millier par Marie Curie en personne. En 1918, la radiologie devient un outil familier de la médecine. Marie Curie milite alors pour une technique révolutionnaire, la radiothérapie : « Après les rayons qui dévoilent, les rayons qui soignent ».
© Musée Curie (Coll. ACJC)