À quoi rêvent les jeunes ingénieurs ? - Sfen

À quoi rêvent les jeunes ingénieurs ?

Publié le 3 septembre 2018 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Les industriels éprouvent des difficultés de recrutement croissantes, en dépit des belles opportunités de carrière qu’offrent leurs métiers. Lorsqu’ils parviennent à attirer les talents dans le nucléaire, les employeurs, confrontés à la concurrence des autres secteurs industriels (aéronautique, spatial, automobile…), cherchent à les fidéliser.

Des aspirations éloignées des idées reçues

Souvent présentés comme « pressés », « mercenaires », « opportunistes », et « motivés par l’argent », les jeunes ingénieurs sont-ils si différents de leurs prédécesseurs ? « Il y a beaucoup d’idées reçues sur les attentes des jeunes diplômés » explique Julie Coquille, directrice conseil chez Kantar TNS, qui réalise chaque année depuis 1985 une analyse des attentes des jeunes ingénieurs.

Prix SFEN 2018

Les jeunes veulent-ils plus d’autonomie ? Notre étude montre que depuis l’année 2000, l’attente est stable, autour de 20 %, contre 51 % en 1980. Pour beaucoup de jeunes, autonomie peut rimer avec désorganisation, laisser-aller, absence de cadre… ce qui est déstabilisant lorsque l’on sort de l’école. En réalité, ils attendent avant tout qu’on leur fasse confiance ». Selon le baromètre réalisé par la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, il y a une « soif générale de reconnaissance [1] » : plus d’un jeune sur deux (55 %) estime que son avis ne compte pas réellement au sein des espaces dans lesquels il évolue (entreprise, école, université, association, club de loisirs ou de sport, etc.). 30 % estiment que ce défaut d’écoute est lié à leur âge…

Les nouvelles générations sont-elles pressées ? « Si l’échelle de la “carrière” dans une même structure s’est raccourcie, les jeunes diplômés continuent de privilégier les entreprises qui leur permettent d’évoluer. Aujourd’hui, avoir des responsabilités rime souvent avec management et les ingénieurs ne sont pas toujours bien formés pour cela ».

Dans un monde en perpétuel mouvement, les aspirations des trentenaires et des quinquagénaires rejoignent celles des millennials (générations « Y » et « Z »). « Quel que soit leur âge, les salariés attendent des lignes de management et des prises de décision plus horizontales. En même temps, ils plaident pour un leadership très fort qui permette d’accompagner les transformations permanentes auxquelles les entreprises font face », résume Julie Coquille.

Chiffres-clés 

2,5 % des ingénieurs sont en recherche d’emploi (source : IESF – Ingénieurs et scientifiques de France) 

57 000 euros de rémunération brute moyenne (de 17 % supérieure à celle des autres cadres) 

28,5 % d’ingénieurs femmes dans la promotion 2017 

Les représentants de la génération Y restent en moyenne 22,5 mois dans leur premier emploi (NewGen Talent Centre). Quasiment 1 moins de 30 ans sur 2 a déjà quitté son premier emploi.

 

Les priorités de la nouvelle génération

Dans un marché de l’emploi dynamique, les ingénieurs ont l’embarras du choix et recherchent avant tout des entreprises dans lesquelles ils pourront s’épanouir. « Leur premier objectif de carrière est de vivre une expérience professionnelle riche et stimulante. Ils cherchent des entreprises dans lesquelles ils pourront continuer à apprendre, car ils savent qu’ils auront besoin de se renouveler en permanence. Lorsque cet objectif n’est plus satisfait, ils n’hésitent pas à quitter leur poste », explique la directrice conseil de Kantar TNS. Les nouvelles générations semblent dire à leurs managers : « ne m’encadrez plus, développez-moi ».

« Notre génération recherche un « job qui puisse faire aimer le lundi »» résume Elsa Lemaître-Xavier, co-fondatrice du concours Innovatome et ingénieur-manager à l’Andra, en paraphrasant le site de recrutement meteojob.com. « Il faut un travail passionnant, qui permette de se dépasser, de relever des challenges. Par leur pluridisciplinarité et leur technicité, les métiers nucléaires répondent à ces attentes ! 


Notre génération recherche un job qui puisse faire aimer le lundi


Les nouvelles générations sont également en quête de sens. Elles souhaitent comprendre quelle est leur contribution. « Elles ont pour cela besoin d’un management fort qui les aide à grandir », décrypte Julie Coquille. Une récente étude menée par Deloitte et Viadeo a montré que 80 % des individus estiment que performance et sens au travail sont directement liés. « Se consacrer à une cause ou avoir le sentiment de contribuer à rendre les choses meilleures » est le second objectif de carrière des futurs ingénieurs. « De plus, la part d’étudiants au profil idéaliste, c’est-à-dire portés sur les sujets de RSE [2] et attirés par des entreprises dont ils partagent les valeurs, a augmenté cette année, surtout auprès des ingénieurs », rapporte le cabinet Universum dans son enquête de 2018 [3].

La quête de sens déborde du cadre professionnel et peut se traduire aussi dans l’engagement associatif, souligne Elsa Lemaitre-Xavier. « Plusieurs de mes collègues ingénieurs ont décidé de se lancer dans de nouvelles aventures. Certains partent traverser l’Atlantique plusieurs mois, d’autres suivent des formations de menuisier. Les organisations doivent de plus en plus intégrer cette nécessité pour les employés de trouver un équilibre entre vie professionnelle et personnelle ».

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S’impliquer pour défendre une cause comme le changement climatique

« L’énergie est un défi du XXIe siècle. Produire une énergie propre à des coûts abordables figure parmi les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Travailler dans le nucléaire, c’est participer à la réalisation de cet objectif » rappelle la cofondatrice du concours Innovatome.

Aux États-Unis aussi, les jeunes ingénieurs en sont persuadés et sont de plus en plus nombreux à rejoindre le nucléaire, convaincus qu’il s’agit d’une des technologies incontournables pour lutter contre le changement climatique. Outre-Atlantique, le nombre de diplômés en génie nucléaire a plus que triplé depuis 2001 [4], à mesure de la prise de conscience de l’urgence climatique.

« Le changement climatique est la raison principale pour laquelle nos étudiants rejoignent les formations nucléaires », explique Dennis Whyte, chef du Département des sciences et de l’ingénierie nucléaires du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), à la radio publique américaine NPR.

La filière nucléaire, un secteur naturellement attractif ?

La filière nucléaire peut-elle attirer à nouveau les talents ? « Elle dispose de tous les atouts pour y parvenir », affirme Cédric Denis-Rémis, directeur adjoint de Mines ParisTech. « Une carrière dans le nucléaire est passionnée et passionnante. Nos jeunes ingénieurs ont un intérêt dans cette filière aux différentes fonctions car ce sont des carrières scientifiques qui présentent intrinsèquement un attrait. Les entreprises réattirent si elles montrent qu’elles sont plus flexibles. Aujourd’hui, la question qui monte c’est l’intérêt de l’emploi… »

Comment adapter les organisations et accueillir les étudiants ? Pour François Nogué, directeur des ressources humaines d’Orano, « démarrer sa carrière dans le nucléaire est une formidable carte de visite ». Consciente que les nouvelles générations ont un rapport différent à l’écrit, au temps, et à la hiérarchie, l’entreprise spécialisée dans le cycle du combustible nucléaire s’adapte et mise sur l’innovation. « Les nouvelles générations sont davantage habituées aux temps courts. Nous devons mesurer le décalage entre ce qu’ils vivent et ce que l’on peut mettre en place dans nos organisations. L’innovation est aussi bien un enjeu business que culturel. Il s’agit d’un signal envoyé aux jeunes générations sur la capacité de l’entreprise à encourager l’initiative de ses collaborateurs et favoriser la polyvalence. »


Démarrer sa carrière dans le nucléaire est une formidable carte de visite


« L’innovation est un terme à la mode mais qui a toujours été au coeur de l’industrie nucléaire. Nos ingénieurs veulent innover dans le domaine de la deep tech », souligne le directeur adjoint de l’École des Mines. Parce que l’innovation n’est fertile que lorsqu’elle est ouverte, l’École des Mines de Paris propose à ses élèves des années de césure qui permettent de faire deux stages de six mois à tous les endroits du monde pour savoir notamment si travailler dans une start-up leur conviendrait.

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Caillé Alain, « Introduction », in Caillé A. (dir.), La quête de reconnaissance. Nouveau phénomène social total, La Découverte, Paris, 2007, p. 5-14.

Responsabilité sociale des entreprises 

Les aspirations et employeurs favoris des étudiants en France – Universum (2018)

As Nuclear Struggles, A New Generation Of Engineers Is Motivated By Climate Change – NPR (juin 2018)