Réduire les rejets issus des centrales nucléaires, le cas d’EDF - Sfen

Réduire les rejets issus des centrales nucléaires, le cas d’EDF

Publié le 20 mai 2019 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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L’exploitation d’une centrale nucléaire requiert l’utilisation de produits chimiques dans l’objectif d’assurer le conditionnement optimal des circuits d’eau ou des circuits diphasiques eau-vapeur afin de contrôler la réactivité neutronique (enjeu de sûreté), de maîtriser les phénomènes de corrosion et de déposition des produits de corrosion (enjeux de sûreté, radioprotection et durée de fonctionnement), et de maîtriser les phénomènes d’entartrage et de développement de micro-organismes pathogènes des circuits de refroidissement (enjeux performance et sanitaire).

Elle donne lieu à la production d’effluents radioactifs, chimiques et thermiques dont les rejets dans l’environnement font l’objet d’une analyse d’impact environnemental et sanitaire et sont strictement encadrés par la réglementation.

 

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Schéma de principe des circuits et des rejets d’une centrale nucléaire

Une démarche d’amélioration continue

La maîtrise et l’optimisation des rejets constituent des principes fondamentaux de la conception et du fonctionnement des centrales nucléaires, consistant à mettre en œuvre, à un coût raisonnablement acceptable, les meilleures pratiques d’exploitation et les meilleurs procédés de traitement et de rejet des effluents. L’enjeu est de limiter l’impact des rejets sur l’environnement (dont la faune et la flore) et la santé des populations avoisinantes, contribuant à l’atteinte des objectifs de l’axe « Optimiser l’utilisation des ressources naturelles et préserver l’environnement » de la Politique Développement Durable du Groupe EDF.

La gestion optimisée des effluents et des rejets consiste à :

– réduire à la source la production d’effluents, notamment via une analyse relative aux effluents lors de la préparation des opérations d’exploitation (par exemple lors de vidanges, rinçages), une limitation des fuites par la surveillance et la maintenance préventive des équipements, et une limitation de l’activité des effluents par le maintien en propreté des installations de collecte et de traitement de ces derniers ;

– optimiser le conditionnement chimique des circuits afin de limiter l’utilisation des produits chimiques au strict nécessaire tout en préservant l’efficacité escomptée, et ainsi limiter les rejets associés ;

– collecter sélectivement les divers effluents selon leur nature chimique et radiochimique, afin de traiter chacun d’eux le plus efficacement possible, voire dans certains cas les recycler, en maintenant un équilibre entre la production d’effluents et de déchets ;

– entreposer et contrôler les effluents avant leur rejet pour garantir le respect des exigences réglementaires.

 

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Leviers permettant de réduire les rejets d’une centrale nucléaire

Dans une démarche d’amélioration continue, cette gestion optimisée des effluents et des rejets repose sur plusieurs piliers :

Toutes les centrales nucléaires d’EDF disposent d’un système de management, associé à une politique intégrée, dont le domaine environnement est certifié « ISO 14001 » depuis le début des années 2000. Le processus de management de l’environnement fait l’objet d’une revue a minima annuelle au cours de laquelle sont analysés un ensemble d’indicateurs incluant les résultats des contrôles avant rejet, de surveillance des rejets et de surveillance de l’environnement. Ainsi, les décisions relatives aux actions d’amélioration à mettre en place intègrent l’analyse du retour d’expérience, y compris des évènements particuliers ;

Les ingénieries nationales d’EDF assurent un appui à l’exploitant. Leur rôle est notamment de mettre à disposition des sites de production les référentiels d’exploitation intégrant les bonnes pratiques, de les appuyer lors de situations particulières, d’évaluer leurs performances et d’étudier les modifications matérielles à réaliser sur les sites ;

Une gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) est mise en œuvre pour assurer l’acquisition, le maintien et le développement des compétences nécessaires. L’ensemble du personnel dans les différents métiers concernés (effluents et environnement, chimie, conduite, maintenance), y compris les prestataires, est sensibilisé aux enjeux environnementaux, à la réglementation applicable et à la démarche d’amélioration continue.

 

Des progrès significatifs dans les centrales francaises d’EDF

Les actions mises en œuvre depuis la mise en service des centrales dans le cadre de la démarche d’amélioration continue des performances industrielles et environnementales ont permis de progresser dans la connaissance des interactions entre les installations et leur environnement, et dans la maîtrise des impacts environnementaux et sanitaires. Les exemples présentés ci-dessous illustrent les progrès réalisés dans la maîtrise des rejets radioactifs et chimiques, liquides et atmosphériques, hors situations incidentelles et accidentelles.

Dans les effluents liquides, les produits de fission[1] (PF) et les produits d’activation[2] (PA) sont éliminés en grande partie par les systèmes de traitement. Les rejets d’activité de ces radionucléides[3] ont diminué d’un facteur 100 depuis 1985. Les améliorations apportées aux circuits de collecte et de traitement et les efforts réalisés par l’exploitant pour réduire à la source la production d’effluents, expliquent ce résultat.

Trois grandes phases d’amélioration peuvent être relevées :

– Tout d’abord, pendant les années 1980, les progrès furent essentiellement matériels avec en particulier l’amélioration du gainage du combustible ;

– à partir du début des années 1990, les gains majeurs sont dus à la mise en œuvre de traitements plus systématiques des effluents avant leur rejet ;

– à partir des années 2000, le gain (plus « asymptotique ») est dû à la prise en compte par les équipes d’exploitation d’objectifs et d’indicateurs dans le cadre du système de management des sites.

[1] Les produits de fission sont créés dans les crayons de combustible par fission des atomes d’uranium ou de plutonium et peuvent se retrouver dans les effluents en cas d’inétanchéité de la gaine des crayons.

[2] Les produits d’activation sont créés à l’extérieur des crayons de combustible par l’action des neutrons de fission sur les composants sous flux thermique et sur certains éléments chimiques contenus dans l’eau du circuit primaire.

[3] Hors tritium et carbone 14.

Cette réduction des rejets d’activité n’a pas entraîné de surproduction de déchets liés aux systèmes de traitement mis en place (filtres, résines échangeuses d’ions, concentrats d’évaporation). Le volume de déchets de procédé a au contraire diminué sensiblement grâce aux efforts réalisés pour réduire à la source la production d’effluents. Le niveau de rejets atteint sur les produits de fission et d’activation est considéré comme optimal.

 

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Evolution des rejets liquides des centrales nucléaires françaises, entre 1985 et 2017 – EDF

Les effluents radioactifs atmosphériques sont majoritairement traités sur filtres « très haute efficacité » (THE) pour assurer la rétention des aérosols, et/ou sur des pièges à iodes (charbon actif). Le contrôle et le suivi réguliers de l’efficacité de ces systèmes de traitement ont permis de réduire les rejets d’iodes et d’aérosols. Quant aux gaz rares radioactifs (krypton, xénon), chimiquement inertes donc non retenus par les filtres THE et les pièges à iodes, leurs rejets ont diminué entre 2002 et 2010, passant de 1,6 à 0,5 TBq par réacteur, grâce notamment aux mesures prises pour améliorer l’étanchéité des gaines du combustible et des circuits.

L’hydrate d’hydrazine est un produit chimique utilisé dans le circuit secondaire en fonctionnement ou à l’arrêt pour maintenir un milieu réducteur et limiter les phénomènes de corrosion. Actuellement, il n’a pas été identifié de substitut efficace à l’hydrazine qui est classée CMR (Cancérogène, Mutagène et Repro-toxique).

Ainsi, afin de réduire les quantités d’hydrazine utilisées et les rejets chimiques liquides, plusieurs actions ont été réalisées :

– les moyens de dégazage physique de l’oxygène dissous dans le poste d’eau du circuit secondaire ont été optimisés ainsi que les exigences relatives à la teneur en oxygène admissible ;

– les quantités d’hydrazine utilisées pour la conservation humide des générateurs de vapeur (GV) à l’arrêt ont été optimisées et le recours à une conservation à sec des matériels du poste d’eau a été préféré. Le cracking thermique de l’hydrazine résiduelle[1] issue du conditionnement humide des GV à l’arrêt a été mis en œuvre ;

– des moyens de destruction de l’hydrazine dans les bâches de rejet[2] ont été mis en œuvre.

Ainsi, les rejets liquides d’hydrazine ont été divisés d’un facteur 30 en 12 ans. Aujourd’hui, ces rejets sont faibles, de l’ordre de quelques centaines de grammes par an et par réacteur en moyenne.

[1] La montée en température au redémarrage du réacteur permet la décomposition thermique de l’hydrazine dans les GV.

[2] La destruction de l’hydrazine dans les réservoirs d’entreposage des effluents liquides avant rejet s’effectue par réaction chimique entre l’hydrazine et l’oxygène de l’air et produit de l’azote et de l’eau ; cette réaction est favorisée par la mise en brassage de l’effluent et, pour les réservoirs équipés, par le bullage d’air comprimé accompagné de l’injection de sulfate de cuivre pour catalyser la réaction.

 

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Evolution des rejets liquides d’hydrate d’hydrazine entre 2004 et 2007

Le traitement contre les micro-organismes pathogènes par injection de monochloramine est réalisé, dans les circuits de refroidissement tertiaire des sites concernés, selon des modalités réglementaires. Ces traitements ont fait l’objet d’essais afin d’optimiser les rejets chimiques sans pour autant diminuer l’efficacité du traitement. Ainsi, des essais de traitement séquentiel ont été réalisés à partir de 2005 sur un site ; ils ont consisté à alterner les phases d’injection de monochloramine avec des phases d’arrêt d’injection. Les quantités de réactifs et les rejets azotés ont alors diminué de 30 % environ (nitrates principalement), tout en maintenant une bonne efficacité du traitement. Ce type de traitement a été étendu progressivement à d’autres sites.

Les rejets chimiques à l’atmosphère sont constitués entre autres des gaz d’échappement des groupes électrogènes de secours, composés de moteurs diesel ou de turbine à combustion fonctionnant au gasoil ou au kérosène. Compte tenu de leur durée de fonctionnement limitée dans l’année (essais périodiques ou fortuits), les émissions d’oxydes de soufre et d’azote associées sont faibles. L’utilisation de combustibles à très basse teneur en soufre a produit une diminution des rejets d’oxydes de soufre.

Conclusion

Au-delà du respect des limites de rejets réglementaires, EDF, en tant qu’exploitant responsable, agit pour réduire, autant que raisonnablement possible, à des coûts économiquement acceptables, les rejets de ses centrales nucléaires, en vertu du principe d’optimisation. Les prévisions de rejets et le bilan des rejets de chaque site sont communiqués annuellement à l’Autorité de Sûreté Nucléaire et à la Commission Locale d’Information. L’impact radiologique qui résulte du fonctionnement des centrales nucléaires est donc extrêmement faible ; il fait l’objet d’évaluations régulières par l’exploitant, ainsi que d’estimations indépendantes par l’IRSN à partir de la surveillance de l’environnement. Ainsi, dans son dernier bilan de l’état radiologique de l’environnement français de 2015 à 2017, l’IRSN évalue la dose aux populations de l’environnement proche des centrales nucléaires de l’ordre de 1 micro sievert par an, soit le millième de la limite règlementaire (1000 micro sievert par an).

 

 

 

 
 
 


Par Germain Pot & Laure Viricel, de la Direction industrielle/EDF