Recycler les batteries électriques, c’est aujourd’hui

En France, la voiture électrique est considérée comme une solution durable pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans les transports, le secteur le plus carboné avec l’habitat-tertiaire1. Néanmoins, si le marché en croissance2 des voitures électriques sera un allié du climat, il nécessite le recours aux batteries électriques et donc aux matières premières et métaux rares. Le recyclage des batteries devient donc un enjeu prépondérant. Le groupe français spécialiste du cycle du combustible nucléaire, Orano, a décidé de se positionner avec force sur ce marché en croissance.
Une initiative de l’Union européenne, l’alliance européenne des batteries (European Battery Alliance – EBA), a été lancée3 en octobre 2017, avec l’objectif de garantir à tous les Européens la possibilité de « bénéficier d’une circulation plus sûre de véhicules plus propres et de solutions technologiques plus durables ». Le défi industriel à relever est de créer une chaîne de valeur européenne de la fabrication de cellules de batteries compétitive et durable en Europe, dont la valeur marchande annuelle est estimée à 250 milliards d’euros à partir de 2025. Ce programme de développement industriel des batteries nommé « EBA250 » est piloté par l’EIT InnoEnergy4, qui rassemble aujourd’hui plus de 700 acteurs industriels et de l’innovation, des universités et les secteurs financiers de l’UE.
Des dizaines de milliers de tonnes de batteries de véhicules électriques sont déjà à recycler et ce n’est qu’un début : « selon la Commission européenne dans ses projections d’ici 2030, ce sont 40 % des véhicules qui devront être 100 % électriques ou hybrides rechargeables », précise Didier David, directeur du projet Recyclage batterie chez Orano.
« Dans les années à venir, des mines “urbaines”, lieux de recyclage avec une potentielle forte valeur ajoutée des matières et métaux, devraient voir le jour et se substituer en partie aux mines “naturelles”»
En juillet 2021, la Commission européenne a publié le paquet climatique « Fit for 55 » comportant un ensemble de propositions ciblant notamment l’énergie et les transports pour atteindre la neutralité carbone de l’Europe d’ici 2050. Parmi elles, le renforcement, d’ici à 2030, des exigences avec 55 % de réduction des émissions moyennes pour les voitures neuves (par rapport aux niveaux de 2021) et 50 % pour les camionnettes. L’objectif de réduction de 100 % proposé pour la nouvelle flotte de voitures et de camionnettes d’ici 20355 se traduirait de facto par une interdiction de vente de nouveaux véhicules thermiques à cette date. Les constructeurs automobiles à l’échelle européenne prennent déjà le tournant en limitant la fabrication de ces véhicules polluants, selon des taux d’émissions de carbone autorisés qui devront baisser chaque année.
Cela nécessitera en parallèle que les pays européens prennent des mesures pour décarboner leur électricité, comme en Pologne qui dépend à 80 % des énergies fossiles.
Une réglementation européenne sur le recyclage des batteries
L’enjeu du recyclage des batteries de voitures électriques se porte aujourd’hui en priorité sur les batteries lithium-ion (Li-ion), qui équipent la plupart des véhicules en question. La proposition présentée par la Commission européenne vise à moderniser le cadre réglementaire de l’UE pour les batteries afin de garantir la durabilité et la compétitivité des chaînes de valeur des batteries sur le territoire. Il s’agit notamment d’introduire des règles d’empreinte carbone, de contenu minimum des matières premières recyclées6, des critères de performance et de durabilité, de sécurité et d’étiquetage pour la commercialisation et la mise en service des batteries, et des exigences pour la gestion de leur fin de vie.
Le spécialiste du nucléaire Orano se positionne
En conséquence, dans les années à venir, des mines « urbaines », lieux de recyclage avec une potentielle forte valeur ajoutée des matières et métaux, devraient voir le jour et se substituer en partie aux mines « naturelles ».
Orano vient de s’associer à des partenaires spécialistes (Paprec, MTB Manufacturing, Saft et le CEA Liten7) pour tester un procédé innovant de recyclage des métaux contenus dans les batteries des véhicules électriques. Selon Didier David, « ce projet, nommé RECYVABAT, est issu d’une réflexion stratégique du groupe sur nos actions de diversification.
Des actions ont été lancées pour trouver des relais de croissance en s’appuyant sur les compétences techniques en interne et en cohérence avec notre volonté forte de contribuer à la lutte contre le changement climatique tout en préservant les ressources naturelles. Parmi les marchés possibles, le recyclage des batteries de véhicules électriques est essentiel ».
Outre les enjeux environnementaux, « l’Europe et la France cherchent à relocaliser cette activité, aujourd’hui réalisée en Asie et en particulier en Chine, et contribuer ainsi à retrouver une souveraineté », complète le directeur du projet Recyclage batterie chez Orano. Le groupe s’appuie sur son expertise et son savoir-faire largement reconnus dans les domaines minier, du recyclage et du démantèlement avec la contribution de sa direction Recherche et Développement. En partenariat avec le laboratoire du CEA Liten, et dans le cadre d’un soutien de l’État via le plan France Relance8, le projet prend forme. Il consiste aujourd’hui à passer au stade du pilote industriel pour valider le procédé qui est installé sur un des sites d’Orano, au Centre d’innovation en métallurgie extractive (CIME) situé à Bessines-sur-Gartempe dans le Limousin.
Comme le rappelle Didier David, « la technologie n’est pas basée sur la combustion des batteries (procédé de pyrométallurgie) comme c’est généralement le cas, mais sur l’hydrométallurgie qui assure une meilleure récupération des différents métaux, selon un procédé très faiblement énergivore et à faible empreinte carbone, où l’économie circulaire prendra tout son sens ».
Un marché concurrentiel en construction
Outre Orano, d’autres groupes français et européens se positionnent sur le recyclage des batteries électriques qui permettent d’assurer à terme une sécurité d’approvisionnement sur des métaux stratégiques, mais aussi de contribuer à la réindustrialisation du territoire. L’acteur le plus avancé en matière de recyclage des batteries est le groupe SNAM. D’autres, comme les constructeurs automobiles, les industriels spécialisés, se structurent aussi. C’est le cas par exemple d’Eramet qui s’est associé aux compétences de Suez et de BASF pour créer le projet collaboratif ReLieVe (Recycling of Li-ion batteries for electric Vehicle), lancé en 2020, ou de Euro Dieuze Industrie, filiale du Sarpi Veolia, qui se spécialise déjà dans la récupération du lithium. En Europe, le marché est bien là. Dès 2027, 50 000 tonnes de batteries de voitures seront à recycler chaque année, pour atteindre progressivement le chiffre de 700 000 tonnes en 2035.
- Développer les voitures électriques est d’autant plus pertinent que la France bénéficie d’une électricité à plus de 90 % décarbonée.
- En 2020, en France et en Europe, près de 10 % des véhicules achetés étaient électriques, dans un contexte de crise sanitaire et de prise de conscience du dérèglement climatique.
- Lancement par la Commission européenne, les pays de l’UE, l’industrie et la communauté scientifique.
- EIT InnoEnergy est le moteur d’innovation pour l’énergie durable à travers l’Europe, soutenu par l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT). Il a été chargé par la Commission européenne de faire avancer et de promouvoir les activités EBA250.
- Proposition de la Commission européenne à l’été 2021 devant être discutée par les États membres avant une négociation au Parlement européen en 2022.
- Des niveaux minimaux obligatoires de contenu recyclé sont fixés pour 2030 et renforcés en 2035 (12 % de cobalt, 85 % de plomb, 4 % de lithium et 4 % de nickel au 1er janvier 2030, passant à 20 % de cobalt, 10 % de lithium et 12 % de nickel au 1er janvier 2035 – la part du plomb reste inchangée).
- Un consortium regroupe Orano, Paprec (n°3 français de la valorisation énergétique et du traitement des déchets notamment via la méthanisation, le compostage, la gestion des installations de stockage de déchets non dangereux), le CEA Liten, MTB Group (PME iséroise fabricant d’équipements mécaniques de recyclage) et Saft (spécialiste des batteries de haute technologie pour l’industrie, filiale de TotalEnergies).
- Aide au financement à travers France Relance de 6,1 millions d’euros pour le consortium auquel s’ajoutent 334 000 euros apportés par la région Nouvelle Aquitaine.