La puissance du cinéma dans la perception du nucléaire - Sfen

La puissance du cinéma dans la perception du nucléaire

Publié le 27 mai 2021 - Mis à jour le 27 septembre 2021
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Les États-Unis, premier pays à avoir maîtrisé l’énergie nucléaire, d’abord avec la bombe atomique en 1945, puis avec le premier réacteur en exploitation en 1951 [1], furent aussi un des premiers à mettre l’atome à l’écran, aidés par la puissance de l’industrie hollywoodienne. Depuis, la thématique nucléaire a fait florès, souvent à grand renfort de sensationnalisme.

Aux prémices du nucléaire, l’amour et l’effroi

Les États-Unis livrent un premier film consacré au nucléaire avec Notre ami l’atome, réalisé en 1957 par Disney dans le cadre d’une campagne de communication. Cette campagne visait à donner l’image d’une sûreté parfaitement maîtrisée auprès des écoliers américains.

En France, quelques années avant la mise en service du premier réacteur nu­cléaire en 1967 [3], Hiroshima mon amour présente un succès international. Il est qualifié de chef-d’oeuvre dès sa sortie en 1959, et est aujourd’hui considéré comme une oeuvre ayant bouleversé l’histoire du cinéma. Le film franco-japonais réalisé par Alain Resnais dépeint une rencontre amoureuse évoquant la guerre et la bombe atomique lâchée sur Hiroshima, tel un poème d’amour et de mort appelant à la réconciliation. Hiroshima aura aussi inspiré un film sûrement plus connu aujourd’hui, Godzilla, réalisé par Ishiro Honda en 1954. Godzilla serait la conséquence directe de l’exposition d’un dinosaure, caché dans le fond des océans, à une bombe atomique lâchée lors d’un essai nucléaire.

L’oeuvre cinématographique révolu­tionne le genre de films que sont les kaiju eiga ou « films de monstres » dans un Japon traumatisé par les bombardements d’Hiro­shima et Nagasaki. Hiroshima aura aussi inspiré le film historique Les Maîtres de l’ombre, sorti en 1989 qui retrace l’histoire de l’équipe scientifique chargée du Projet Manhattan dans la base militaire de Los Alamos.

La guerre froide et ses mondes apocalyptiques

Quelques années plus tard, la Guerre froide avec des tensions intenses entre les blocs américain et soviétique aura, elle aussi, inspi­ré de nombreux films. On peut y compter ceux d’espionnage tel que Goldfinger, troisième volet des aventures de James Bond, sorti en 1964, où l’agent 007 a pour mission de désa­morcer une bombe nucléaire avant sa déto­nation. Mais on peut aussi parler de Docteur Folamour, de Stanley Kubrick, sorti lui aussi en 1964, qui dépeint avec humour une des façons dont l’humanité peut affronter une apocalypse nucléaire mondiale. Nombreux sont les films qui ont imaginé le monde tel qu’il serait après une apocalypse nucléaire. La Planète des Singes, en 1968, a été l’un des pre­miers à concevoir un tel univers, où les singes sont devenus une espèce dominante chassant les quelques humains qui restent. Terminator, réalisé par James Cameron, et sorti en 1984, laisse imaginer aussi un monde où l’homme a perdu sa place, mais cette fois face à des machines dirigées par une intelligence artificielle. La Jetée de Chris Marker, film français de 1962, est aussi à mentionner puisqu’il décrit par une série de plans fixes le monde après une troisième guerre mondiale, avec une poésie singulière. Enfin, on peut citer Mad Max sorti en 1985 et réalisé par George Miller, où les communautés humaines se sont adaptées en créant des tribus se battant chacune pour sa survie.


Le nucléaire civil et ses catastrophes

En quittant la thématique des armes nucléaires et de la guerre froide, nombreux sont les films qui s’intéressent à la question des centrales nucléaires. Un en particulier peut attirer l’attention par sa coïncidence avec l’accident américain de Three Mile Island.

Le Syndrome chinois de James Bridge, sorti douze jours avant l’accident de 1979, met en scène une équipe de journalistes témoins d’un incident nucléaire près de Los Angeles, lors duquel le matériel en fusion s’échappe dans le sol en direction du noyau de la Terre et de la Chine. L’expression « syndrome chinois » provient d’une théorie controversée – la plus grave pour la fusion d’un coeur – selon laquelle du matériel en fusion pourrait traverser la terre depuis l’Amérique du nord et atteindre la Chine.

Le catastrophisme règne en maître

Les catastrophes de Three Mile Island en 1979, de Tchernobyl en 1986, puis de Fukushima en 2011 sont à la base des scénarios de ces oeuvres. Tchernobyl en particulier a été le sujet de nombreux documentaires. Les fictions, quant à elles, sont plus rares. On peut donc évoquer dans ce genre La Terre outragée de Michale Boganim sorti en 2012, où l’on découvre la ville voisine, Pripiat, dans un décor post-apocalyptique. Les Chroniques de Tchernobyl de Bradley Parker, film sorti la même année, s’empare du sujet du tourisme nucléaire pour mettre en place un décor d’horreur sur le site de la catastrophe. Diffusée pour la première fois sur les chaînes de télévision HBO et Sky en mai 2019, la série Chernobyl cherche à retracer les événements humains qui ont amené à l’explosion du réacteur.

En 1990, Le Mont Fuji en Rouge, un des court-métrages qui compose l’oeuvre Rêves de Akira Kurosawa, annonce plusieurs années en avance des similitudes avec l’accident qui se déroulera à Fukushima vingt ans plus tard. Le court-métrage met en scène l’éruption d’un volcan entraînant avec elle l’explosion de centrales nucléaires. Ce sont des laves violettes, chargées d’éléments radioactifs, que fuient les quelques survivants de l’île. Sono Sion, dans The land of hope sorti en 2012, s’inspirera de Fukushima pour mettre en scène un accident touchant la centrale imaginaire de Nagashima (contraction de Hiroshima, Nagasaki et Fukushima), où la caméra se tourne cette fois vers les victimes de l’accident, le silence des autorités et les comportements « grégaires » des Japonais, qui s’efforcent d’oublier et de retourner au plus vite vers une vie normale. Enfin, parmi les films s’intéressant aux centrales nucléaires, Grand Central, de Rebecca Zlotowski tient une place particulière, puisqu’il parle de la vie d’un travailleur du nucléaire et, pour la première fois à l’écran, dessine le fonctionnement de la filière nucléaire depuis l’intérieur. La centrale y est présentée comme une cathédrale, et l’ennemi invisible qu’est la radiation y est sacralisé. Gary, le protagoniste, est lentement contaminé, à la fois par l’amour et les radiations. Bien que mettant en avant l’organisation de la filière nucléaire, ce film préfigure à sa façon, une potentielle catastrophe.

Une phobie culturelle

Comme pour beaucoup des oeuvres citées, Grand Central illustre le sentiment de vulnérabilité ressenti par les populations, du fait de la perte de confiance en la technique, de la globalisation des risques et de la surmédiatisation des accidents technologiques. L’énergie nucléaire souffre donc d’une phobie culturelle dans laquelle le cinéma prend une place importante. Depuis les bombardements de Hiroshima et de Nagasaki, puis avec les accidents qui sont survenus dans les centrales de Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima, les cinéastes n’ont cessé d’imaginer et de mettre en images les cataclysmes que pour­rait provoquer cette énergie si puissante et si mystérieuse pour le commun des mortels. Mais bien souvent l’imagination dépasse la réalité, et quoiqu’étant fictionnelles, les images façonnent la vision du public. C’est alors une peur irrationnelle qui vient mar­quer l’esprit des spectateurs. Au visionnage de ces films, il s’agirait donc de garder la raison et de réfléchir avec discernement aux questions que posent ces oeuvres. Et finalement, pour réellement comprendre cette industrie, il faudrait peut-être mieux regarder C’est pas sorcier.

Dans l’art cinématographique, le nu­cléaire n’est pas le seul à subir ce traite­ment. À plus petite échelle, le requin a lui aussi écopé d’une bien mauvaise réputa­tion, notamment à cause du film Les Dents de la mer, grand succès de Steven Spielberg sorti en 1975. Il aura fallu les efforts combi­nés de nombreux chercheurs et amoureux de la nature pour faire entrevoir la véritable nature des requins, comprendre leurs com­portements et s’adapter à eux. La représen­tation du requin carnassier et sanguinaire a pu laisser la place à l’image d’un requin neutre avec l’homme, voire parfois docile et curieux, quand il n’est pas peureux. Surtout sa présence reste très utile pour l’équilibre de la biodiversité. En fin de compte, peut-être que le nucléaire serait lui aussi le vilain petit requin de l’énergie ?


Il s’agissait de l’Experi­mental Breeder Reactor 1 (EBR-1), construit au Laboratoire national de l’Idaho, mis en service en décembre 1951. Le deuxième réacteur connecté au réseau électrique fut celui de Obninsk en Union soviétique en juin 1954.

Fondé en 2017 par Louis Hauvette, Étienne Barrault, Timothée Piette et Samed Jalouali, Siteflow développe une solution cloud de gestion d’opérations de chantiers, qu’il s’agisse de travaux, de maintenance ou encore de manufactures, dans des secteurs complexes, comme le nucléaire ou l’aérospatial. Siteflow a conclu un partenariat avec Orano DS, spécialisé notamment dans le démantèlement du nucléaire et la gestion des déchets radioactifs, pour équiper trente sites industriels avec sa solution.

C’était un réacteur à neutrons rapides, Rapsodie, le précurseur de Phénix et Superphénix.


Par la start-up Siteflow [2] – Photo : Dreams (Rêves), de Akira Kurosawa, sorti en 1990. Visuel © Collection Christophel