Ségolène Royal, Arnaud Montebourg, Nicolas Hulot… La commission d’enquête sur la souveraineté énergétique
[Mis à jour le 2 mars 2023] L’Assemblée nationale a créé le 11 octobre 2022 une Commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France. Elle s’inscrit dans le cadre de « la hausse substantielle des importations d’électricité ces dernières années » et « les alertes du gestionnaire du réseau de transport d’électricité sur l’approvisionnement en électricité de la France en 2022 et 2023 ». Les Parlementaires interrogent les acteurs clé de l’énergie en France lors des deux derniers quinquennats. Elle devra remettre son rapport dans le courant du mois d’avril 2023. La Sfen vous propose de retrouver quelques extraits clés des auditions.
REDUIRE LA PART DU NUCLEAIRE A 50 %
Arnaud Montebourg, ministre de l’Économie et du Redressement productif (2012-2014)
« Nous ne voulions pas cet accord. L’accord a été présenté par Martine Aubry comme un changement de société et par Cécile Duflot comme un changement historique. Pour moi, c’est un accord de coin de table. On s’est mis d’accord sur un accord politique de manière à marquer les esprits. Et on s’est retrouvé avec un programme qui indiquait qu’il fallait fermer 24 réacteurs. Et après, vogue la galère […] »
« Aucun ministre ne réussissait à élaborer la loi de transition énergétique pour la raison simple qu’il était impossible de le mettre en œuvre. Vous ne pouvez pas dire « je ferme les centrales nucléaires » si vous n’avez pas de quoi les remplacer […] »
Michèle Pappalardo, Membre de l’Académie des Technologies, ancienne directrice de cabinet de Nicolas Hulot
« Quand on est arrivé (en 2017, ndr), l’objectif de 50 % en 2025 n’était pas tenable. On était en retard sur les ENR […] Le plan pour arriver à 50 % existait sur le papier mais cela ne tenait pas la route une seconde en terme de réalisation […] Il fallait reprendre les scénarios, la planification […] on essayait de revenir à choses réalistes et faisable. »
Delphine Batho, ministre de l’Ecologie 2012-2013
« Les différentes études que j’ai fait faire montraient que la diminution de 50 % du nucléaire dans l’électricité pouvait être atteint en 2028 à 2030 de façon réaliste. Mais que la date de 2025, qui était possible à atteindre, n’était pas souhaitable, car elle obligerait à recourir aux énergies fossiles en remplacement du nucléaire. Pour moi, ce n’était pas option (…) J’ai transmis au Président de la République (François Hollande, ndr) la possibilité de traduire juridiquement, dans les conclusions du Débat national sur la transition énergétique (DNTE) et dans le projet de loi qui serait soumis au Parlement, ce que je viens d’énoncer, avec un calendrier documenté et réaliste. Il ne l’a pas souhaité. »
Ségolène Royal, ministre de l’Environnement 2014-2017
« L’objectif de 50 % est un accord politique entre le PS et les Verts. Cet accord politique n’est pas techniquement robuste par rapport à des études d’impact. C’est un objectif politique au sens où il faut sortir du tout nucléaire »
Manuel Valls, Premier ministre 2014-2016
« C’est un choix d’abord politique (…) Le choix des 50 % est lié à la contrainte de l’accord passé entre le PS et les Verts et dont celui qui allait être désigné comme candidat à la présidentielle voulait sortir -je parle de François Hollande -. Deuxièmement, les 50 % n’était le résultat d’aucune étude d’impact ou d’analyse de besoin. L’optique était politique. Passer de Trois quart à la moitié la part du nucléaire dans la consommation électrique avec dans l’esprit que le développement des ENR était peut-être entravé par la place du nucléaire et qu’il fallait la libérer pour d’autres énergie ».
Sur le rapport Escatha-Collet-Billon
Nicolas Hulot, ancien ministre d’État de la transition écologique et solidaire (2017-2018) et de Michèle Pappalardo, Membre de l’Académie des Technologies, ancienne directrice de cabinet de Nicolas Hulot
Nicolas Hulot : « Jamais il n’a été acté la sortie du nucléaire ou qu’on ne ferait pas de nouveaux EPR […] Ce rapport ne m’est pas parvenu en état ».
Michèle Pappalardo : « Le rapport d’Escata (rapport d’Escatha-Collet-Billon, ndr) avait un objet de regarder comment on peut se remettre d’une perte de compétence en matière de nucléaire […] On a été déçu car le rapport ne traite pas de ce sujet, on cherchait des questions très précises sur la rapprochement civil nucléaire et la réponse a été un plan de construction de centrales […] Il a été classé secret défense ».
EXPLOITATION A LONG TERME DES REACTEURS
Cédric Lewandowski est Directeur exécutif d’EDF, Directeur du parc nucléaire et thermique
« Les 80 ans ne sont pas du tout un tabou. Six réacteurs aux États-Unis ont obtenu une licence d’exploitation jusqu’à 80 ans et il se trouve que nos technologies sont à peu près similaires (…) aujourd’hui le consensus scientifique et technologique est que notre parc est conçu pour aller jusqu’à 60 ans (…) la question du passage de 60 à 80 exige un certain nombre d’études et nous les engageons ».
VIEILLISSEMENT DU PARC
Bernard Doroszczuk, Président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN)
« L’état de sûreté du parc nucléaire est satisfaisant (…) malgré les phénomènes inédits qui se sont produits sur le parc. (…) Le niveau de sûreté de nos installations nucléaire a progressé par rapport au moment de leur mise en service parce que nous réalisons des examens périodiques tous les dix et nous visons un niveau de sûreté meilleurs »
« L’installation nucléaire évolue constamment dans le temps (…) lorsque nous interrogeons sur la possibilité d’exploitation au-delà de 50 ans, de 60 ans, nous nous focalisons sur les éléments qui ne sont pas remplaçables ou difficilement remplaçables car les autres seront remplacés ».
SUR L’ARENH
Jean-Bernard Lévy (PDG d’EDF de 2014 à 2022)
« L’Arenh, un mécanisme pernicieux qui voit croissant sur l’endettement d’EDF à raison de 3 à 4 milliards d’euros par an. L’Arenh est un poison pour EDF »
« L’Arenh a été un frein au développement d’une capacité énergétique souveraine par les opérateurs alternatifs »
Yves Bréchet, Haut-commissaire à l’énergie atomique de 2012 à 2018
« C’est une erreur fondamentale de penser qu’on peut faire un marché d’un bien non stockable ».
« On a fabriqué un outil qui est un outil de spéculation pure. On a fait gagner de l’argent à des gens qui n’ont pas produit un électron »
SUR LE ROYAUME-UNI
Pierre Gadonneix, PDG d’EDF de 2004 à 2009
« Lorsque j’au vu Tony Blair, il m’a dit ‘je suis Premier ministre, le nucléaire est un projet à temps long , je vous invite à voir mon successeur qui est Gordon Brown (…) j’ai été voir Gordon Brown qui m’a confirmé le soutien total du gouvernement britannique (sur les projet d’EDF en Grande-Bretagne) et il m’a dit «’je serais vous, j’irai voir l’opposition »
SUR LE MODELE ALLEMAND
Anne Lauvergeon, PDG d’Areva de 2001 à 2011
« A partir de la fin des années 2000, le grand modèle devient le modèle allemand (…) c’est ce qui imbibe peu à peu la sphère médiatique, la sphère intellectuelle, la sphère politique. La solution est de mettre le tout renouvelable. Le nucléaire c’est ringard, ça n’a pas d’intérêt. »
« Une politique allemande de faire l’Allemagne le hub gazier russe en Europe, en boycottant tous les projets de pipes qui ne passaient pas l’Allemagne »
Henri Prolio, PDG d’EDF de 2009 à 2015
« Angela Merkel m’a dit ‘je suis une scientifique de l’Allemagne de l’Est, je crois totalement au nucléaire’ »
« Pour finaliser un accord, (Angela Merkel) a lâché le nucléaire. Elle me l’a dit ‘je le fais pour des raisons politiques, pas du tout techniques, ni scientifiques’. Du coup, Siemes est sorti du nucléaire et toute l’Allemagne est sortie du nucléaire ».
LA SOUVERAINETE ÉNERGÉTIQUE
Bernard Fontana, PDG de Framatome depuis 2016
« La souveraineté, c’est la capacité à répondre aux besoins énergétiques de la France par des solutions nationales ou par des coopérations choisies et maitrisées, combinée à une capacité de mouvement à l’international »
Philippe Knoche, directeur général d’Orano depuis 2018, et directeur général d’Areva entre 2015 et 2018.
« Ce sont des produits complètement inertes […] mais quelle ressource énergétique cela représente ? Qu’on les utilise dans des réacteurs rapides ou parce qu’il y aurait une difficulté sur l’enrichissement qui nécessiterait d’y avoir accès, cela représente, si on le réenrichit, et bien sûr ça couterait plus cher, 60 000 tonnes d’uranium naturel donc 7 à 8 années de consommation de la France. C’est une mine potentielle, chère, mais qui contribue également à sécuriser l’approvisionnement énergétique ».
SUR LA GESTION DES DÉCHETS
Pierre-Marie Abadie, directeur général de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) depuis 2014 mais aussi directeur de l’Energie à la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) de 2007 à 2014.
« La France peut être fière de sa politique de gestion de déchets radioactifs. […] À chaque déchet on a systématiquement un plan d’action ».
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Photo : GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP