Prix Sfen 2022 - Sfen

Prix Sfen 2022

Publié le 24 juin 2022 - Mis à jour le 28 juin 2022

Depuis 1983, la Sfen récompense par des Prix décernés annuellement, des travaux, des études, des mémoires ou d’autres contributions traitant du nucléaire, de ses applications industrielles et de la sûreté. Ces travaux peuvent être scientifiques, techniques, biologiques médicaux, sociaux ou encore économiques.

La Sfen a reçu début avril 42 candidatures et tient à remercier toutes les personnes qui se sont investies pour nous faire parvenir ces dossiers de grande qualité. Sans plus attendre, voici les lauréats 2022 des Prix Sfen.

Le prix de l’Enseignement et de la Formation

Le prix de l’Enseignement et de la Formation est attribué à Reynald Boillot, Xavier Wohleber, Louis-Joseph Bonnaud et Sylvain Fabre de l’INSTN pour la plateforme multimodale d’enseignement et formation « EVOC » Enhanced Virtual Open Core développé par l’INSTN en collaboration avec le CEA-LIST et avec l’apport de Light & Shadows, entreprise française spécialisée dans l’imagerie de synthèse et la réalisation de solutions 3D temps réel.

©Sfen – Andrew McLeish

La plateforme d’enseignement EVOC propose une formation immersive grandeur nature grâce à une simulation 3D multi-physique réaliste qui a été développée par le CEA-LIST. EVOC intègre également un plan de gestion des connaissances qui a permis de capitaliser les savoirs, les données et le savoir-faire des personnels exploitants du réacteur de formation ISIS durant ses 40 ans d’exploitation, réacteur arrêté en 2018. EVOC permet de simuler toutes les situations qui peuvent être rencontrées lors de l’exploitation d’un réacteur : normales, spécifiques (chargement – déchargement par exemple), dégradées ou accidentelles, grâce notamment à un pupitre de commande numérique réaliste, un vestiaire connecté et un hall réacteur en réalité mixte qui permet aux étudiants munis de casques de réalité virtuelle de se déplacer librement et d’interagir avec un environnement réaliste.

Cette plateforme unique au monde est utilisée pour former les futurs ingénieurs nationaux et internationaux des cursus Génie Atomique de l’INSTN et du Master Nuclear Energy, MNE, de l’Université Paris-Saclay. Des pistes de développement à l’international sont également identifiées dans le cadre du Projet européen ENEEP « European Nuclear Experiment Education Platform » et avec l’AIEA dont la plateforme de neutronique de Seibersdorf pourrait être connecté en ligne avec EVOC permettant de compléter les formations pratiques de l’AIEA, notamment les formations sur les situations accidentelles.

Cette plateforme unique au monde pourrait à l’avenir devenir un des premiers pas indispensables pour les pays souhaitant installer des réacteurs de puissance ou de recherche sur leurs sols.

Le Prix de l’Innovation technologique

©Sfen – Andrew McLeish

Le prix de l’innovation est attribué à Bertrand Stepnik, Émile Liboutet, Michel Grasse, Florence Vanni et Sylvain Lorand de la division CERCA de Framatome pour la « Fabrication additive de combustibles nucléaires UMo ».

Le CRIL (CERCA Research and Innovation Laboratory), le laboratoire Recherche et Innovation de la division CERCA créé en 2019, a réalisé l’année dernière en 2021 une première mondiale : l’élaboration de combustibles U-Mo par fabrication additive, nouvelle technique d’élaboration de matériaux qui se prête très bien à des fabrications en petite quantité et à des fabrications spécifiques, spécialité de CERCA.

Cette technique de plus en plus étudiée pour des applications dans le domaine nucléaire a été pour la première fois appliquée par le CRIL à des matériaux nucléaires, des alliages métalliques d’uranium. Afin de respecter les conditions d’utilisation des poudres d’uranium, les équipements de fabrication additive ont été modifiés pour être introduits en boite à gants inerte Argon. Cet environnement inerte permet également de limiter les contaminations en carbone et oxygène des pièces fabriquées. Après une étude de qualification qui a permis de choisir le process, Le CRIL a fabriqué par Laser Beam Melting, fusion par faisceau laser sur lit de poudres, plusieurs cubes en U-Mo de géométrie proche des combustibles des réacteurs de recherche, soit 8 mm de côté. Ces objets ont été obtenus à partir de poudres U-Mo également élaborées au laboratoire CRIL. Ces pièces ne présentent pas de défauts géométriques, pas de fissures. La densité souhaitée supérieure à 95% a été obtenue, en fait moins de 1% de porosité.  Aucune contamination n’a été détectée et leur microstructure est homogène.

Ce combustible UMo permettrait aux réacteurs de recherche de fonctionner tout en utilisant de l’uranium faiblement enrichi réduisant ainsi le risque de prolifération. Nous souhaitons que ces combustibles élaborés par fabrication additive puissant être prochainement testés en réacteur afin de connaître leur comportement sous flux.

Prix Jean Bourgeois de la meilleure thèse

©Sfen – Andrew McLeish

Le Prix Jean Bourgeois est attribué à Chloé Cherpin pour sa thèse intitulée « La modélisation des produits de corrosion sous forme colloïdale dans le circuit primaire des REP ».

Chloé Cherpin a effectué sa thèse au sein du Nuclear Group de l’Université du New Brunswick – Canada et du Laboratoire de Maitrise de la Contamination et de la chimie des caloporteurs et du tritium du CEA Cadarache (DTN – STMA) dans le cadre d’un partenariat entre les deux laboratoires. Elle a travaillé sous la direction de M. Derek Lister de l’University of New Brunswick et de Frédéric Dacquait du CEA Cadarache. Son travail traite de la prévision de la contamination du circuit primaire des REP par les produits de corrosion, cette contamination ayant un impact direct sur la dosimétrie des intervenants, et en particulier du comportement des particules colloïdales à haute température qui présentent des charges de surfaces jouant un rôle primordial dans leur déposition et leur agglomération.

Chloé Cherpin a conçu et fabriqué un dispositif de mesure du potentiel zeta qui permet de caractériser les charges de surfaces des particules colloïdales. Elle l’a installée dans une boucle de recirculation haute pression de l’Université du New Brunswick dans des conditions chimiques représentatives des circuits REP et pour de hautes températures allant jusqu’à 240°C, ce qui lui a permis d’obtenir des données inexistantes à ce jour sur le comportement de ces particules, et de développer un nouveau modèle de déposition intégrant ces caractéristiques spécifiques des particules colloïdales. Les résultats de ce modèle ont été comparés avec succès aux mesures faites sur site de la contamination surfacique des circuits primaires du parc.

Ce modèle sera intégré dans la prochaine version du code de calcul OSCAR, Outil de Simulation de la ContAmination en Réacteur, développé depuis des années au CEA au sein de l’Institut Tripartite I3P qui prédit les niveaux de contamination dans les circuits primaires et auxiliaires des REP.

Mention

©Sfen – Andrew McLeish

Une mention est attribuée cette année à Lana Abou Zeid pour sa thèse intitulée « Évaluation de l’affinité et de la sélectivité vis-à-vis de l’uranium de différentes classes de peptides par chromatographie d’interaction hydrophile couplée aux spectrométries de masse élémentaire et moléculaire ».

Lana Abou Zeid a réalisé sa thèse au CEA Saclay au Laboratoire de développement analytique nucléaire, isotopique et élémentaire du département de Physico-Chimie sous la direction de Pascale Delangle, directrice de recherche au CEA Grenoble et de Carole Bresson du CEA Saclay. La thèse se situe dans le cadre des études de toxicologie de l’uranium. Ses travaux ont plus particulièrement porté sur l’identification des biomolécules liant spécifiquement l’uranyle, UO22+ cation majoritaire dans le milieu biologique.

Pour cela, elle a développé pendant sa thèse une méthode analytique unique et « simple » préservant l’intégrité des complexes uranyle-peptide, indispensable pour déterminer l’affinité de peptides (acides aminés constitutifs des protéines) pour l’ion uranyle, UO22+. Cette stratégie en une analyse unique repose sur le couplage simultané de la chromatographique permettant de séparer les différents complexes, à des techniques de spectrométrie de masse moléculaire (ESI-MS) et élémentaire (IC-MS) permettant d’identifier simultanément les complexes peptides- UO22+ et de quantifier l’uranium contenu dans chaque complexe. Après la mise au point très délicate de cette nouvelle méthode d’analyses, les travaux ont montré que les peptides avec un degré de phosphorylation haut offrent une plus grande affinité pour l’uranyle et que les complexes cycliques sont plus stables que les complexes linéaires, tout cela constituant un jeu de données important et original pouvant déboucher sur le choix de peptides qui seraient des candidats très intéressants de décorporation de l’uranyle in vivo.

Prix Jacques Gaussens du jeune chercheur

Le prix Jacques Gaussens, est attribué à Marie Dumerval, ingénieure-chercheure au Service de Recherches métallurgiques appliquées du département des Matériaux pour le Nucléaire du CEA Saclay (DMN), pour ses travaux sur le « comportement des gaines de combustibles dans chaque phase de l’Accident de Perte de Réfrigérant Primaire « APRP».

©Sfen – Andrew McLeish

Après avoir soutenu en 2014 sa thèse intitulée « Effets des défauts d’implantation sur les mécanismes de corrosion des aciers inoxydables austénitiques en milieu primaire des REP», Marie Dumerval a été embauchée au Service de Recherches métallurgiques appliquées du CEA Saclay. Après avoir travaillé sur les matériaux des Structures internes des REP durant sa thèse elle s’est rapprochée du cœur du réacteur en intégrant le SRMA. En effet, ses études portent maintenant sur le comportement en conditions accidentelles des gaines combustibles des REP lors de l’Accident de Perte de Réfrigérant Primaire, l’APRP. Elle étudie donc le comportement de tubes en alliage de zirconium Zr-1Nb M5 lors des différentes phases de cet accident : le ballonnement et l’éclatement du tube de gainage lors de l’accident puis son oxydation et la trempe lors du renoyage du coeur. Dans ce cadre, elle travaille en étroite collaboration avec EDF et Framatome dans le cadre de l’institut tripartite I3P.

Les travaux réalisés et pilotés par Marie Dumerval alimentent les dossiers de sûreté d’EDF auprès de l’ASN et les dossiers à l’export de Framatome. Du fait de son expertise acquise sur le gainage actuel du combustible REP, elle contribue également aux études sur les nouveaux concepts de gainage développés pour améliorer leur comportement en conditions accidentelles : les gaines ATF pour Accident Tolerant Fuel. Ainsi, elle étudie le comportement de tubes en alliage de zirconium Zr-1Nb M5 revêtus en Chrome et de tubes en SiC/SiC pour l’établissement de leur licensing.

En parallèle de ce très important travail expérimental, Marie développe un nouveau modèle de transformation de phase et de fluage des alliages de zirconium notamment dans le cadre de la thèse de Romain Borrossi qui vient d’être soutenue avec succès en novembre 2021.

Grand Prix Sfen

©Sfen – Andrew McLeish

Le Grand Prix Sfen est attribué cette année à « DEM&MELT : un procédé robuste, simple et polyvalent pour la vitrification des déchets de l’assainissement démantèlement nucléaire », présenté par le CEA, ORANO, ECM Technologies et l’ANDRA. DEM&MELT signifie Démantèlement et Melting. Félicitations aux lauréats : Maxime Fournier, Alain Artico, Myriam Beldassi, Florent Bochu, Milène Delaunay, Isabelle Giboire, Christophe Girold, Jean-François Hollebecque, Isabelle Hugon, Stéphane Lemonier, Caroline Michel, Hélène Nonnet, Yann Papin, Hubert Alexandre Turc, Aliénor Vernay du CEA Marcoule, Laurent David, Régis Didierlaurent, Thierry Prevost d’ORANO, Guillaume Lecomte, Lionel Nicollet, Julien Roudaut d’ECM Technologies et Benjamin Frasca de l’ANDRA.

DEM&MELT est un procédé de vitrification directement en fût (« in can ») pour confiner les déchets de haute et moyenne activité issus des opérations d’assainissement et de démantèlement ou post-accidentelles. Ce procédé in situ et en une seule étape est développé par le CEA, Orano et le groupe ECM Technologies, fabricant de fours industriels et leader mondial de la cémentation basse pression avec le soutien de l’ANDRA dans le cadre du Programme d’Investissement d’Avenir PIA. Ce procédé peut traiter des déchets solides, y compris pulvérulents, liquides, collants ou pâteux. Il est suffisamment compact et modulaire pour être mis en œuvre dans une installation existante ou à proximité des déchets à traiter.

À ce stade du développement, le procédé DEM&MELT a atteint le niveau 7 de maturité technologique (TRL 7), ultime étape de R&D avant la construction d’une unité industrielle en environnement radiologique, avec l’existence d’un pilote échelle 1 sur le site du CEA Marcoule mise en service en décembre 2020. Les capacités du procédé ont été démontrées par des essais à échelle 1/3 et 1, pour une grande variabilité de déchets : effluents contaminés alpha, cendres issues des procédés d’incinération, produis de fission sous forme solide ou liquide, zéolithes. Plusieurs essais ont été également réalisés avec succès dans le cadre de contrats avec le ministère de l’Économie du Commerce et de l’industrie (METI) japonais sur des objets correspondant aux déchets secondaires issus du traitement des eaux contaminées après l’accident de Fukushima-Daiichi.

Le procédé DEM&MELT permet d’atteindre des taux d’incorporation en déchets importants. Il réduit considérablement le volume de déchets.

La rédaction Sfen – Crédit photo ©Sfen – Andrew McLeish