Présidentielle : qui dit quoi sur le nucléaire ? - Sfen

Présidentielle : qui dit quoi sur le nucléaire ?

Publié le 1 mars 2022 - Mis à jour le 5 avril 2022

La campagne présidentielle française fait la part belle au nucléaire. La construction de nouveaux réacteurs et la prolongation du parc actuel divisent les candidats et dessinent de nouvelles lignes de fracture. Le président sortant Emmanuel Macron a proposé de construire au moins six EPR 2 et de prolonger la durée d’exploitation des réacteurs du parc actuel.

La campagne pour l’élection présidentielle d’avril 2022 a pris une teinte nucléaire inédite. Alors que les deux élections précédentes pour l’Élysée avaient majoritairement vu se tenir des promesses de diminution de la part du nucléaire dans le mix électrique français, les propositions des candidats ont depuis lors bien changé. Il faut dire que la crise du Covid-19 et celle des prix de l’énergie sont passées par là. Ces deux événements majeurs ont montré la nécessité pour le pays d’assurer son indépendance industrielle et de garantir sa sécurité d’approvisionnement. Ces questions s’intègrent dans le cadre plus vaste de la nécessaire décarbonation de l’économie française pour répondre à l’urgence climatique. C’est dans ce contexte complexe qu’Emmanuel Macron a livré sa stratégie quelques jours avant l’annonce de sa candidature à sa réélection. Celui qui a confirmé la fermeture de la centrale de Fessenheim est aussi celui qui veut désormais un immense programme de renouvellement du parc nucléaire français. À l’occasion d’un déplacement à Belfort le 10 février dernier, le président de la République, pas encore déclaré candidat, a dévoilé sa vision pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Cela passe, d’une part, par un déploiement massif des énergies renouvelables, à savoir l’installation de plus de 100 GW de photovoltaïque, 40 GW d’éolien en mer et 37 GW d’éolien terrestre.

D’autre part, Emmanuel Macron a fait le choix résolu de l’atome. Premièrement, il prévoit de prolonger les réacteurs actuels au-delà de 50 ans si l’Autorité de sureté nucléaire le permet. Deuxièmement, il commande à EDF la construction de six EPR 2 avec pour ambition d’ouvrir le premier chantier en 2028 pour un démarrage effectif en 2035. Le chef de l’État demande en parallèle des études sur la faisabilité de huit EPR 2 supplémentaires. Au total, la France pourrait disposer de 25 GW de nouveau nucléaire en 2050.

Un appel à projets d’un milliard d’euros pour les SMR et les « réacteurs innovants » achève ce nouveau dessein stratégique. Annonce d’un président ou promesses d’un candidat ? Une chose est certaine, Emmanuel Macron a mis la barre haute sur l’avenir du nucléaire en France et l’ensemble des autres candidats doivent maintenant donner leur vision. La RGN fait le point.

Les candidats favorables au renouvellement du parc

↦ Parti communiste français (PCF)
Fabien Roussel : le candidat de gauche en faveur du nucléaire
Le candidat communiste souhaite « décarboner massivement la production d’énergie et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2040-2050 ». Anticipant une forte croissance de la production électrique, il souhaite investir dans les énergies renouvelables (solaire, éolien et surtout dans l’hydraulique, énergie renouvelable pilotable), mais également dans l’énergie nucléaire. Ainsi, il préconise « la construction de six EPR supplémentaires au minimum ».

↦ Rassemblement national (RN)
Marine Le Pen : rouvrir Fessenheim
Marine Le Pen a l’intention de lancer « cinq paires d’EPR par quinquennat pour rebâtir la filière et répondre à l’urgence énergétique ». La candidate du Rassemblement national précise qu’elle souhaite « rouvrir Fessenheim ». L’ensemble de ses mesures sont une façon pour elle « d’assurer notre indépendance énergétique pour baisser la facture des Français ».

↦ Les Républicains (LR)
Valérie Pécresse pour un plan de relance gaullien du nucléaire
Valérie Pécresse a déclaré vouloir « un plan de relance gaullien » en matière énergétique avec une part belle laissée au nucléaire. Son programme manifeste sa volonté de « réinvestir dans le nucléaire en rénovant le parc nucléaire existant ». Elle souhaite s’opposer « formellement » aux fermetures programmées des centrales. Elle prévoit de construire six EPR et veut engager une réflexion pour aller au-delà. Elle envisage également la construction des petits réacteurs modulaires pour atteindre l’objectif d’une « France zéro carbone » en 2050.

↦ Reconquête
Éric Zemmour : construire quatorze nouveaux réacteurs

L’ancien journaliste et polémiste veut remettre en cause la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019, qui vise à 50 % la part du nucléaire dans le mix électrique français à l’horizon 2030. Dans ce délai, il s’agit de fermer douze réacteurs en plus des deux tranches de Fessenheim. Il souhaite lancer la construction d’au moins quatorze nouveaux réacteurs nucléaires EPR à l’horizon 2050 et prolonger la durée de vie du parc existant à « 60 ans au moins ».

↦ La France authentique
Jean Lassalle

Le député souhaite prolonger de 25 ans les réacteurs nucléaires « en fin de vie », mais également investir dans la recherche en développant les centrales nucléaires de 4e génération et développer la recherche dans la fusion nucléaire.

Debout la France
Nicolas Dupont-Aignan

Le candidat souhaite relancer le nucléaire en accentuant la recherche vers les réacteurs de 4e génération et la fusion. Selon lui, le nucléaire est un outil permettant de rester dans la course mondiale.

Les candidats qui visent une transition progressive

Parti socialiste (PS)
Anne Hidalgo : le nucléaire comme énergie de transition
Anne Hidalgo souhaite « parvenir à 100 % d’énergies renouvelables, aussi rapidement qu’il sera possible de le faire ». Dans cette logique, elle ne souhaite pas construire de
nouveaux EPR ou des SMR. Son programme précise que « le nucléaire sera utilisé comme énergie de transition, sans sortie précipitée pour ne pas faire flamber le prix de l’énergie ». Dans ce cadre, le parc nucléaire historique pourra éventuellement bénéficier « d’investissements destinés à prolonger leur durée d’exploitation ».

↦ Lutte ouvrière (LO)
Nathalie Arthaud
Au vu des milliers d’emplois générés par l’industrie, la candidate de Lutte ouvrière ne considère pas la sortie du nucléaire comme une urgence. La priorité est la refonte du système économique et social.

Les candidats en faveur d’une sortie rapide

↦ La France insoumise (LFI)
Jean-Luc Mélenchon : le nucléaire jugé dangereux
Le candidat ne cache pas son rejet de l’atome qu’il considère « dangereux ». Il critique la « nécessité d’importer les matières premières ou encore la vulnérabilité des centrales au changement climatique ». Le député de La France insoumise veut se débarrasser des projets EPR et du parc historique qui, selon lui, couterait « près de 100 milliards d’euros d’investissements » pour continuer à fonctionner. Dans son programme, Jean-Luc Mélenchon « planifie le démantèlement, la réhabilitation et la reconversion des sites
nucléaires et de l’ensemble de leur bassin de vie ». Il souhaite, à horizon 2050, un mix 100 % renouvelable.

↦ Europe écologie les verts (EELV)
Yannick Jadot : respecter la trajectoire de la PPE
Au-delà du programme EPR qu’il considère comme un « fiasco », le candidat de la primaire écologiste souhaite respecter la trajectoire de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019. C’est-à-dire que les réacteurs du parc actuel seront « fermés au fur et à mesure de leur obsolescence, dont une dizaine d’ici 2035 ». L’ancien directeur des programmes de Greenpeace France souhaite la sortie du nucléaire d’ici 30 ans. Il précise vouloir « soutenir l’innovation pour trouver des solutions à la gestion des déchets et développer une filière d’excellence dans les métiers du démantèlement ». Il vise un mix 100 % renouvelable à horizon 2050.

↦ Nouveau parti anti-capitaliste (NPA)
Philippe Poutou
Le Nouveau parti anticapitaliste est historiquement anti-nucléaire. C’est donc sans surprise de voir Philippe Poutou proposer une sortie du nucléaire en seulement dix ans, soit la sortie la plus rapide parmi tous les candidats.

Nucléaire : la « transition » d’Emmanuel Macron

Durant son mandat, la position publique surle nucléaire d’Emmanuel Macron a évolué. Elle est passée de la promesse de réduction du nucléaire dans le mix électrique, à une décision historique de relance du parc nucléaire français. Lors de la campagne présidentielle 2017, Emmanuel Macron, alors candidat, avait jugé la part du nucléaire dans le mix énergétique français trop élevée. Les relations entre la filière nucléaire et celui qui deviendra président de la République étaient mal engagées…Conformément à ses engagements électoraux, il déclara, le 27 novembre 2018, vouloir poursuivre dans la lancée de son prédécesseur et réduire la part du nucléaire à 50 % du mix de production électrique. Il confirma par la même occasion la fermeture de la centrale de Fessenheim. La Programmation pluriannuelle de l’énergie 2019 entérina par la suite cette volonté en actant la fermeture de 14 réacteurs soit la réduction à 50 % du parc nucléaire à horizon 2035. L’année 2020 fut marquée par l’arrêt définitif de la centrale nucléaire de Fessenheim dans la nuit du 29 au 30 juin 2020. Mais c’est à la fin de cette même année, lors d’une visite sur le site du Creusot, qu’Emmanuel Macron lance : « Notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire ». Au second semestre 2021, des annonces concrètes sur l’avenir de la filière renforcent ce virage stratégique. Probablement encouragé par l’explosion du prix du gaz, Emmanuel Macron annonce dès octobre « pour la première fois depuis des décennies […] la construction de réacteurs nucléaires ». Cette volonté est confirmée dans le discours de Belfort le 10 février 2022.

Par Thomas Jaquemet, Sfen I Photo © shutterstock