Comment s’organise le transport de matières radioactives ?
900 000 colis contenant des substances radioactives sont transportés en France chaque année. Une grande majorité d’entre eux, 85 %, provient du secteur de la santé et de la recherche. Les transports liés à l’industrie nucléaire, eux, ne représentent que 15 %. Pour le transport de ces colis, la sûreté et la sécurité sont les maîtres mots de chacune des phases. Pour les garantir, d’importants moyens sont déployés. Décryptage en 4 étapes.
Première étape, définir les conditions de transport en fonction des matières
Routier, ferroviaire, maritime ou encore aérien, plusieurs modes de transport sont possibles pour l’acheminement de substances radioactives. Défini entre l’expéditeur et le destinataire des colis, le (ou les) modes de transport dépend des caractéristiques du chargement : volume à transporter, distance à parcourir, et radioactivité à maîtriser. Les colis transportant des substances radioactives sont conçus en fonction du danger potentiel des matières transportées. Il existe ainsi 5 grandes familles :
- les colis « exceptés » transportent des matières faiblement radioactives comme les produits radiopharmaceutiques (460 000 colis sont transportés chaque année en France).
- les colis industriels pour les matières moyennement radioactives comme les équipements contaminés, gants ou bottes utilisés, par les salariés des centrales nucléaires (100 000 colis/an).
- les colis de type A pour les matières moyennement radioactives (300 000 colis/an dont 70 % provenant d’usage thérapeutique).
- les colis de type B transportent des matières fortement radioactives : combustibles irradiés, déchets radioactifs vitrifiés (60 000 colis /an). Parmi ces colis, certains transportent du plutonium. Celui-ci se trouve soit sous la forme d’oxyde de plutonium nécessaire à la fabrication du combustible MOX, soit sous la forme du combustible MOX lui-même. Ces colis sont soumis à des normes très rigoureuses de sécurité et de sûreté définies aux niveaux international et national. Ainsi, tous ces colis sont acheminés sous escorte, renforcée par des systèmes sophistiqués de contrôle.
- les colis de type C transportent des substances hautement radioactives par voie aérienne. Ce type de transport n’est pas utilisé en France pour le nucléaire civil.
Etape 2, concevoir des emballages parfaitement étanches
Les colis sont conçus et fabriqués pour assurer la protection des hommes, salariés du secteur et riverains, ainsi que celle de l’environnement, et ce en toutes circonstances. Des critères internationaux sont définis pour garantir la résistance de ces colis aux conditions de transport de routine, normales (incidents mineurs comme un orage par exemple) et accidentelles. Ceux qui contiennent les matières les plus dangereuses doivent résister à des épreuves représentatives d’un accident : une chute de 9 mètres sur une surface indéformable, une chute sur un poinçon d’une hauteur de 1 mètre, un incendie de 800°C pendant 30 minutes et une immersion dans l’eau d’une profondeur de 15 mètres pendant 8 heures.
Quant aux transports de plutonium, les colis doivent présenter des qualités de résistance mécanique et thermique encore supérieures à celles imposées pour les combustibles à uranium enrichi. Un confinement absolu de la matière est ainsi garanti dans toutes les conditions, normales ou accidentelles. Et cela même dans les cas limites : grâce à des essais en grandeur réelle, on fait la démonstration que les matières nucléaires transportées par un camion percutant un mur à vitesse maximale ne peuvent pas se disperser. En France, c’est l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) qui est en charge du contrôle et de l’agrément des emballages et des moyens de transport. Si un colis est amené à traverser plusieurs pays, les autorités de ces derniers doivent chacune validé l’agrément délivré par l’ASN.
Etape 3, organiser le transport
La réglementation des transports de matières radioactives est internationale et est élaborée par l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). En France, c’est ASN qui assure le contrôle de la sûreté des transports pour toutes les étapes de la vie du colis depuis sa conception jusqu’à son expédition. Pour le transport, quatre critères sont à respecter pour assurer la protection des personnes et de l’environnement :
- Tout d’abord, le retour en criticité des matières radioactives transportées doit être empêché pour éviter tout risque d’irradiation grave. La réaction en chaîne, qui permet la production d’électricité dans les réacteurs nucléaires, ne doit donc pas se déclencher lors du transport.
- De plus, aucun dégagement de chaleur important ne doit se produire. L’objectif étant d’éviter tout dommage sur les matériaux constituant le colis.
- Il est également essentiel de garantir le confinement du colis afin d’empêcher la dispersion de matières radioactives dans l’environnement : il doit être parfaitement étanche tout au long de l’acheminement.
- Enfin, le rayonnement externe (le « débit de dose ») doit être maîtrisé. Pour le transport par la route, le rayonnement à la surface du véhicule ne doit pas dépasser 2 millisieverts par heure (mSv/h) et doit être inférieur à 0,1 mSv/h à 2 mètres. En supposant qu’un véhicule de transport atteigne cette limite, une personne restant 1 heure à cette distance du véhicule subirait une irradiation équivalente à celle d’une radiographie des poumons.
Et enfin, dernière étape : transporter les matières radioactives
Dans l’industrie nucléaire, le transport des colis est suivi en temps réel. Des équipes d’astreinte sont disponibles 24h/24 en renfort des autorités compétentes : un dispositif de gestion de crise est coordonné et mis en œuvre par le préfet en cas d’incident. Des exercices regroupant tous les acteurs nécessaires (pompiers, équipes de santé, experts de matières nucléaires, etc.) sont organisés chaque année au niveau national. Afin de vérifier l’intégrité du colis tout au long de l’itinéraire, chaque changement de mode de transport donne lieu à des inspections et contrôles radiologiques par des organismes agréés. Les matières les plus sensibles sont elles placées sous la supervision directe du Haut fonctionnaire de défense et sécurité. Par ailleurs, depuis la loi sur la transparence dans le domaine nucléaire en 2006 (loi dite « TSN »), l’ASN a souhaité donner au public beaucoup plus d’information dans le domaine du transport.
Ainsi, les résultats des contrôles effectués et les lettres suivant les inspections sont systématiquement mis en ligne sur son site internet. Ces 4 étapes confirment que la sécurité totale des colis contenant des substances radioactives est la priorité de tous les acteurs du transport. En 2010, sur les 900 000 colis de matières radioactives transportés, 53 événements de niveau 0 et 9 incidents de niveau 1 ont été déclarés. A ceux qui demandent l’arrêt des transports de matières radioactives, il est bon de rappeler que près de 40 % des événements déclarés en 2010 concernait les transports de matières issues du secteur de la santé et de la recherche contre 17 % pour les transports de composés d’uranium et de combustible irradié.