Le nucléaire recrute aujourd’hui pour préparer l’avenir - Sfen

Le nucléaire recrute aujourd’hui pour préparer l’avenir

Publié le 12 novembre 2018 - Mis à jour le 20 octobre 2021
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Les jeunes diplômés sont de plus en plus nombreux à débuter leur vie professionnelle dans le secteur de la high tech. Perçues comme « ringardes », les filières industrielles peinent à recruter. Pourtant, les challenges et les perspectives de carrière y sont nombreux. Dans le nucléaire, troisième filière industrielle hexagonale, 8 000 emplois, principalement dans les métiers techniques, sont à pourvoir chaque année jusqu’en 2020. Pour attirer les talents, la filière nucléaire lance plusieurs initiatives.

Un renouvellement de génération ouvrant la porte au recrutement

Depuis 2010, les entreprises de la filière nucléaire ont engagé une période de recrutement sans précédent : 8 000 emplois sont à pourvoir chaque année jusqu’en 2020. Techniciens, ingénieurs, chercheurs, tous les métiers sont concernés. L’objectif est double. D’abord, il s’agit de remplacer les départs à la retraite de la génération des « bâtisseurs », ces pionniers à l’origine du parc nucléaire. Ensuite, ces recrutements sont nécessaires face aux projets en cours et ceux à venir.


L’entretien d’un générateur à vapeur rassemble plus de 1 000 collaborateurs à temps plein


Le principal d’entre eux, le programme « Grand Carénage », prévoit des travaux de maintenance de grande ampleur pour chacun des 32 réacteurs de 900 MW [1] du parc nucléaire. Ces chantiers visent notamment à remplacer une partie des gros composants tels que les générateurs à vapeur. « L’entretien d’un générateur à vapeur rassemble plus de 1 000 collaborateurs à temps plein » souligne Jean-Luc Minard, directeur des relations humaines et des savoirs de Framatome. La rénovation de certaines installations du CEA et d’Orano sont également prévues, elles généreront aussi de nouvelles perspectives. Et dans la décennie à venir, les réacteurs en exploitation sont appelés à être remplacés.

Dans l’optique de maintenir un socle nucléaire, une vingtaine de réacteurs EPR pourraient être construits. Participer à ces chantiers exige des compétences techniques très pointues. En effet, la totalité de la chaîne industrielle – systèmes, services et composants – doit être qualifiée au niveau « qualité nucléaire ». Dans cette optique, les entreprises se préparent à investir en compétences, par recrutement ou par programmes internes de formation, comme elles l’ont fait pour le chantier de l’EPR de Flamanville. Pour Framatome, l’objectif est « d’avoir une expertise reconnue et durable ». L’entreprise prévoit de recruter 2 500 postes d’ici 2021. Comme le résume Marc Goussal, directeur des ressources humaines de TechnicAtome, « Il est rare qu’un ingénieur travaille toute sa vie sur le même projet ». Les métiers de l’ingénierie demandent de mobiliser des compétences variées en physique, chimie, thermique, mécanique des structures, mécanique des fluides, neutronique, science des matériaux, biologie, informatique, gestion de projet… La pluridisciplinarité est souvent la clef du succès.

 

Au-delà des grands majors, tout un tissu de PME/TPE (elles sont 2 600 au total) recrute. Des entreprises à taille humaine où les jeunes recrues sont responsabilisées et montent rapidement en compétence, comme le souligne David Pontus, directeur de l’activité nucléaire chez REEL : « nos salariés sont autonomes et évoluent dans une organisation agile et souple ». Le contenu du travail est souvent riche, offrant une vision globale et non morcelée de l’activité et une proximité plus forte avec les dirigeants.

 


L’ambition de féminiser davantage les métiers

Les métiers de l’industrie, quel que soit le secteur, souffrent d’une sous-représentation des femmes. À titre d’exemple, elles ne sont que 29 % à s’orienter vers un lycée professionnel. En 2013, l’aéronautique ne comptait encore que 20 % de femmes dans ses effectifs selon le GIFAS (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales). L’industrie nucléaire a mis en place de nombreuses actions pour promouvoir les parcours et les projets des femmes de l’énergie et soutenir la féminisation des métiers techniques et scientifiques. Aujourd’hui, les femmes représentent 26 % des collaborateurs du groupe EDF et 22,5 % de l’effectif de Framatome. En 2017, la division production nucléaire et thermique d’EDF a recruté 27 % de femmes cadres, essentiellement dans les métiers techniques. Ce chiffre est appelé à croître à mesure de l’intégration des nouvelles technologies – du digital aux exosquelettes – dans les installations, cellesci favorisant la féminisation des métiers.

Lancement des premiers salons dédiés au recrutement dans les métiers du nucléaire

80 % des recrutements proviennent de formations d’ingénieurs ou de techniciens sans spécificité nucléaire propre. Par ailleurs, 2 000 étudiants sortent d’un cursus nucléaire. L’industrie nucléaire est donc en concurrence avec d’autres secteurs industriels comme l’aéronautique et l’automobile pour attirer les meilleurs talents. « Le secteur est très concurrentiel, on utilise tous les moyens pour toucher les jeunes diplômés : brochures, salons et de plus en plus les réseaux sociaux » rappelle Laure-Marine Godet, responsable du recrutement chez Apave.

Même son de cloche du côté de TechnicAtome et de Framatome : « les métiers les plus difficiles à recruter sont les métiers électriques, électroniques et de contrôle commande » souligne Marc Goussal. De son côté, si Framatome recrute des ingénieurs expérimentés et de jeunes diplômés, la société recherche également des soudeurs. « Nous pouvons embaucher dans l’heure 50 soudeurs ! » s’enthousiasme le DRH de l’entreprise.

Pour se démarquer, la filière nucléaire lance plusieurs initiatives.

 


Démarrer sa carrière dans le nucléaire est une formidable carte de visite.


En octobre, la seconde édition du « Nuclear Job Fair » s’est tenue en marge de l’évènement Atoms for the Future. Plus de 400 jeunes se sont retrouvés à ce forum étudiant organisé par la SFEN Jeune Génération. « Cet  évènement permet aux entreprises de rencontrer des potentiels futurs collaborateurs, de présenter leurs activités, et de montrer les parcours professionnels qu’elles proposent », résume Martin Boissavit, président de la SFEN JG.

Le 23 novembre prochain, un salon des métiers du nucléaire se tient à Paris La Défense. « Nuclearjobday » mettra en relation des jeunes diplômés ou jeunes travailleurs avec les entreprises du secteur qui recrutent : entreprises de rang 1, donneurs d’ordres, sociétés d’ingénierie, clusters d’entreprises, PME/PMI…

Enfin, du 22 au 25 novembre au Grand Palais (Paris), la filière participe, au travers d’EDF, à « l’Usine Extraordinaire ». Pendant quatre jours, le musée sera transformé en une usine grandeur nature. L’objectif ? Révéler au grand public les coulisses des usines d’aujourd’hui. Les publics scolaires bénéficieront de visites guidées par des étudiants-ingénieurs. Cet évènement gratuit est porté par la Fondation usine extraordinaire sous l’égide de la fondation FACE.

Trois raisons de travailler dans la filière nucléaire

Évoluer dans un secteur exigeant et ouvert à l’international

Pour François Nogué, directeur des ressources humaines d’Orano, « démarrer sa carrière dans le nucléaire est une formidable carte de visite ». Travailler dans un secteur hautement technologique comme le nucléaire demande de la précision et beaucoup d’exigence, notamment pour répondre aux plus hauts standards de sûreté. Ces compétences sont très recherchées dans les autres secteurs, qu’ils soient industriels ou non. La filière nucléaire française est également reconnue dans le monde entier pour l’excellence de ses enseignements. De nombreux étrangers viennent se faire former sur les bancs de l’Hexagone. Cette bonne réputation bénéficie aux travailleurs français qui souhaiteraient évoluer à l’international en leur offrant davantage d’opportunités. Le secteur du nucléaire est aussi tourné vers l’international : 70 % des entreprises du secteur ont une activité à l’export. Avec 50 réacteurs nucléaires en construction, 150 commandés ou planifiés et 300 en réflexion, les projets ne manquent pas et offrent de belles opportunités à l’international. À titre d’exemple, REEL, PME de 2 000 salariés, exporte son savoir-faire dans la maintenance des réacteurs en Chine, Corée, Finlande, Suisse et Royaume-Uni. L’entreprise lyonnaise est également présente sur les marchés émergents (Inde, Pologne, Afrique du Sud et Turquie). Jean-Luc Minard précise que « les principaux projets internationaux sont au Royaume Uni avec Hinkley Point C, ainsi qu’en Allemagne et aux États-Unis ».

 


Bénéficier de parcours professionnels « sur-mesure »

La formation continue est accessible aux professionnels tout au long de leurs carrières. L’INSTN est aujourd’hui l’établissement d’enseignement supérieur et l’organisme de formation professionnelle continue de référence dans le domaine des sciences et des techniques nucléaires aux niveaux national et européen. Il se positionne notamment comme l’école d’application de la filière nucléaire française. Historiquement la filière nucléaire a toujours mis des moyens conséquents pour assurer la formation continue de ses salariés. Deux chiffres témoignent de cela : pour EDF, le CEA et AREVA en 2015, la formation continue représentait plus de 4,5 millions d’heures et un budget d’environ 370 millions d’euros.

Participer au premier défi de l’Humanité : lutter contre le changement climatique

Mais le plus important n’est peut-être pas là. Les écoles sont confrontées à une baisse de candidats dans le domaine nucléaire du fait de prises de position politiques qui remettent en question l’avenir et la pérennité de la filière.  De plus, la jeune génération semble plus attirée par les perspectives offertes dans l’industrie des énergies renouvelables. Pourtant, peu d’emplois s’offrent à eux à l’arrivée, ils se tournent alors vers l’industrie gazière et  étrolière… « L’enfer est pavé de bonnes intentions. » Dans un contexte où le monde s’enlise dans la crise climatique, produire une énergie propre, sans CO2, disponible 24/24h et 7/7j, est un préalable indispensable en vue de remplacer les énergies fossiles (gaz, charbon et pétrole), responsables des émissions de gaz à effet de serre à l’origine de ce bouleversement planétaire. Travailler dans le nucléaire, c’est participer à un projet collectif : celui de construire une société post-carbone.

 


Promouvoir les femmes de l’industrie nucléaire
Depuis 2009, EDF, Woman in Nuclear France et Woman in Nuclear Europe décernent le prix Fem’Energia pour soutenir des femmes de la filière nucléaire passionnées par ce secteur et en inciter d’autres à le rejoindre.
Les métiers techniques qui recrutent : automaticien, chaudronnier- tuyauteur, échafaudeur, électricien, logisticien nucléaire, calorifugeur, peintre en revêtement industriel, soudeur…

 


À l’exception des deux réacteurs de Fessenheim.