« Notre leitmotiv : Adaptation ! », Emmanuel Bellanger

Parce que la formation des travailleurs, qu’elle soit initiale ou continue, est une composante clé de la sûreté et des Facteurs Humains et Organisationnels, Sophie Prévot et Didier Métral ont interviewé Emmanuel Bellanger, Directeur du Pôle Formation chez Techman Industrie.  

SFEN Jeune Génération: pourriez-vous nous présenter votre parcours professionnel (formation, expérience) ?

Emmanuel Bellanger : mon parcours est relativement atypique. De formation mécanique et maintenance industrielle réalisée au sein des Compagnons du Devoir (en France et en Europe), j’évolue depuis 15 ans dans les métiers de la formation.

J’ai ainsi progressé régulièrement au sein de différentes sociétés pour occuper aujourd’hui le poste de Directeur d’Agence Formation au sein de TECHMAN INDUSTRIE. J’exerce cette fonction depuis plus de 6 ans. Ma formation initiale ne m’ayant pas donné l’occasion de connaître le milieu du nucléaire ; j’ai donc forgé ma culture de l’atome en me rendant très régulièrement sur le terrain et en échangeant avec les équipes d’intervention.  

Quelles sont les activités de TECHMAN INDUSTRIE et plus particulièrement les activités concernant les formations réglementaires ?

EB : L’activité Formation de TECHMAN Industrie est répartie pour 75% dans le nucléaire et 25% dans les domaines de l’industrie classique. Nous formons ainsi plus de 25 000 stagiaires chaque années.

TECHMAN INDUSTRIE est un organisme de formation certifié depuis plus de dix ans. Nos différentes certifications sont les suivantes :  CACES (Certificat d’Aptitude à la Conduite En Sécurité) pour chariots et nacelles toutes catégories,  CEFRI (Comité français de certification des Entreprises pour la Formation et le suivi du personnel travaillant sous Rayonnements Ionisants),  QSP/Post QSP (Qualité Sûreté Prestataire),  Qualifications Personnels PR1 (Prévention des Risques), PR2, QSP, HN, EQI et bien d’autres…  Accréditation Icert (formation amiante). TECHMAN INDUSTRIE, s’appuie sur une véritable culture pédagogique acquise en milieu nucléaire pour dispenser un large éventail de formations qui permettent aux opérationnels de toujours exercer leur métier en respectant les réglementations qui évoluent et les référentiels « clients » qui varient.

C’est toute notre expérience et notre méthodologie que nous mettons à disposition pour permettre à chacun de se former tout au long de sa vie et d’acquérir les compétences indispensables pour exercer son métier avec professionnalisme. Certaines formations sont éligibles au DIF (Droit Individuel à la Formation) et permettent à nos clients :  De développer leur capital humain,  D’être à jour et armés face aux obligations réglementaires, aux recommandations des organismes publics, aux différentes jurisprudences et/ou aux spécificités des référentiels de leurs clients. « Notre ambition est d’enrichir les savoirs et motiver le savoir être pour générer le savoir faire ! » .

L’actualité nous rappelle que l’aspect facteur humain revêt un caractère capital dans les différentes activités du nucléaire (60% des accidents sont d’origine FOH – Facteurs Organisationnels et Humains). En quoi la formation du personnel permet-elle de limiter l’erreur humaine ?

EB : C’est exact, en conséquence nous avons décidé d’intégrer le développement des pratiques de performance humaine mises en place par de grands groupes industriels français. Ces pratiques sont constituées d’un ensemble de règles et de process développés afin de réduire les risques liés aux Facteusr Organisationnels et Humains. Six points clés caractérisent ces pratiques et se déclinent sur nos chantiers (avant, pendant et en fin d’opérations) ; on peut citer :

– Le préjob briefing

– La minute sécurité

– La communication sécurisée

– L’auto-contrôle

– Le contrôle croisé

– Le debriefing

Pour compléter ces axes de performance, des audits sont régulièrement menés par des organismes indépendants afin de vérifier la bonne application de ces dispositions. De plus, l’ensemble de nos formateurs vont en immersion au sein de nos équipes intervenantes sur site afin de capitaliser les expériences, de se tenir au courant des bonnes pratiques et également pour accompagner sur le terrain les bons gestes des métiers. L’ensemble de ces points permet un feed-back important sur la performance et les points à améliorer dans nos formations.  

Le grand public est parfois amené à penser que les travailleurs du nucléaire ne disposent pas de toutes les formations et informations requises avant une intervention. En fonction de vos différents clients et de leurs exigences, pourriez-vous nous présenter les formations, habilitations et qualifications requises pour votre personnel intervenant sur site (type, fréquence des renouvellements,…) ? Quels résultats avez-vous obtenu ?

EB : Il existe de multiples formations pour les personnels intervenants sur les sites nucléaires, formations que nous dispensons auprès des industriels français du nucléaire :

– Formation Prévention des Risques niveau 1 et niveau 2 d’une semaine.

– Formations Sauveteur Secouriste du Travail : 2 jours avec un recyclage préconisé tous les 2 ans

– Formation incendie : 1 à 3 jours avec un recyclage préconisé tous les 3 ans

– Formation PRAP (prévention des risques liés à l’aptitude physique) : 1 à 3 jours avec recyclage préconisé tous les 2 ans,

– Formation électrique : 1 à 3 jours avec recyclage préconisé tous les 3 ans,

– Formation STAR (radioprotection et sécurité) : formation modularisée de 1 à 5 jours avec recyclage tous les 2 à 3 ans.

– Formations traditionnelles : Prévention des Risque Chimie de l’Uranium, Cycle du Combustible et Centre de Recherche.

L’ensemble de ces formations est sanctionné par un test permettant la délivrance d’une attestation de formation autorisant le travailleur à exercer son activité sur le site considéré. L’échec au test sanctionne immédiatement le travailleur en l’empêchant d’être habilité par son employeur, il doit ainsi repasser le test jusqu’à réussite complète afin de pouvoir exercer sa mission. TECHMAN INDUSTRIE est audité par des organismes indépendants chargés de vérifier la conformité des formations que nous délivrons (ex : pour les habilitations nucléaires, nous sommes audités tous les ans par le CEFRI).

Nous avons en moyenne 20 audits par an sur l’ensemble des formations que nous dispensons. Ces audits, réalisés par des organismes indépendants, sont organisés sur la base de vérifications documentaires mais également sur des évaluations pédagogiques visant à vérifier la qualité des formations dispensées par notre personnel. Généralement, les évaluations pédagogiques sont réalisées sur la base de contrôles inopinés pour lesquels L’auditeur s’invite à la session de formation. En complément des audits, nous réalisons des évaluations internes afin de contrôler le bon niveau d’actualisation des connaissances de nos formateurs. Au-delà du « savoir faire » délivré par nos formations et notre accompagnement, nous insistons également sur le « savoir-être » qui repose sur les qualités intrinsèques des individus leur permettant d’avoir le comportement le plus adapté aux situations rencontrées. Nous renforçons cette prise de conscience grâce au compagnonnage.  

ONET TECHNOLOGIES dispense-t-elle des formations complémentaires aux formations exigées par ses différents clients ? Le compagnonnage est il développé ?

EB : Sur la base d’un questionnement interne simple : « comment s’assure-t-on que l’ensemble du personnel met bien en œuvre les principes des formations ? », nous avons effectivement créé des formations complémentaires organisées au sein d’un pôle ingénierie de formation. Ce pôle, créé en 2010, propose des formations dont les thématiques sont les suivantes :

– Management de la sécurité

– Management intermédiaire (chef de chantier, chef de site, directeur d’agence, directeur de pôle)

– Formation à la mise en œuvre des Entretiens Périodiques Individuels

– Formation sécurité : permettant de former les intervenants sur la qualité du geste technique

Nous avons également mis en place des parcours de professionnalisation pour les personnes en recherche d’emploi. Ces formations d’un an sont réalisées en partenariat avec Pôle Emploi. A ce jour, nous avons formé 4 groupes de 12 personnes dont 37 ont signé un CDI chez TECHMAN INDUSTRIE. En parallèle, nous développons de façon importante le compagnonnage dans le but de transmettre le savoir-faire et d’encadrer les nouveaux arrivants. Le but de cette méthode est d’obtenir un geste professionnel de qualité dans des conditions de sécurité satisfaisantes. A l’issue de sa formation et durant les premiers mois d’activité, le compagnon est encadré et évaluer par son tuteur.

Ainsi, suivant les résultats obtenus, le tuteur peut demander que le compagnon soit à nouveau évaluer et même repasse par un cycle de formation. Dans les faits, l’efficacité de cette relation tuteur/compagnon est démontrée et un infime pourcentage de compagnons se voit imposer de suivre un nouveau cycle de formation.  

Les évènements ou règlements internationaux ont-ils un impact sur la fréquence et le contenu des formations ? De même, Fukushima a-t-il fait croître le nombre de participants ?

EB :Il existe des différences de formations entre la France et les autres pays. La France possède une réglementation qui intègre l’historique du nucléaire en France ainsi que les risques spécifiques des installations nucléaires du territoire. Les accidents nucléaires ont en effet des conséquences sur la réglementation mais les modifications se font avec une certaine inertie. Il faut en effet le temps de la réflexion pour tirer le retour d’expérience d’un incident ou d’un accident et l’intégrer aux nouvelles formations.

C’est pour cela qu’il existe un comité de pilotage au sein du CEFRI (Comité français de certification des Entreprises pour la Formation et le suivi du personnel travaillant sous Rayonnements Ionisants). D’un point de vue juridique, les évolutions du contenu des formations sont limitées.  

Aujourd’hui, quel est le profil des personnes qui suivent ces formations : étudiants, personnes en activité, personnes en reconversion ?

EB : Nous rencontrons tous types de publics, des travailleurs du nucléaire, mais aussi :  Des personnes en reclassement (suite à un plan social par exemple),  Des chômeurs de longue durée,  Des jeunes diplômés,  Des Femmes ayant besoin de reprendre une formation suite à un arrêt d’activité,  Des professeurs de lycée ou autre, notamment sur la thématique radioprotection.  Des étudiants  De nombreux salariés d’entreprises Les profils de notre « public » sont donc très variés ; un grand nombre possède l’équivalent Bac + 2/3, mais nous formons également des personnes d’un niveau Bac ou CAP/BEP. Notre leitmotiv : Adaptation ! Nos formations et notre façon de délivrer nos messages sont organisées en fonction de notre public. Au-delà de la formation technique, nous attachons une très grande importance au savoir être qui est, à mon avis, une des clés de réussite professionnelle, c’est une des principales qualités que nous attendons de nos formatrices et formateurs.

Pour en savoir plus : http://www.techman-industrie.fr/ et http://www.onet-technologies.com/