Le gouvernement britannique veut construire huit réacteurs nucléaires - Sfen

Le gouvernement britannique veut construire huit réacteurs nucléaires

Publié le 7 avril 2022 - Mis à jour le 8 avril 2022
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Le Royaume-Uni est bien décidé à prendre la voie de l’indépendance énergétique, tout en atteignant 95 % d’électricité bas carbone en 2030. D’une part, le pays va miser massivement sur l’éolien à la fois sur terre et en mer. D’autre part, Londres ambitionne de produire 25 % de son électricité à partir de centrales nucléaires, via la construction d’au moins huit premiers réacteurs nucléaires. Le parc nucléaire pourrait ainsi représenter jusqu’à 24 GW en 2050 contre 7 GW aujourd’hui.

Après l’annonce par la France d’un programme de construction de six EPR 2 avec une option pour huit réacteurs supplémentaires, c’est au tour du Royaume-Uni de lancer un ambitieux plan pour accélérer vers son indépendance énergétique et sa décarbonation. « Nous présentons des plans audacieux pour augmenter et accélérer la production d’une énergie abordable, propre et sûre, produite en Grande-Bretagne, pour la Grande-Bretagne – du nouveau nucléaire à l’éolien offshore – au cours de la décennie à venir (…) Cela réduira notre dépendance à l’égard de sources d’énergie exposées à la volatilité des prix internationaux que nous ne pouvons pas contrôler, afin que nous puissions bénéficier d’une plus grande autosuffisance énergétique et de factures moins élevées », assure le Premier ministre Boris Johnson.

Ainsi, dans un communiqué publié le 7 avril, Londres explique : « La stratégie prévoit une accélération significative du nucléaire, avec l’ambition de d’atteindre jusqu’à 24 GW de capacité nucléaire d’ici 2050, une énergie sûre, propre et fiable. Cela pourrait représenter environ 25 % de notre consommation électrique. Sous réserve de maturité industrielle, les petits réacteurs modulaires constitueront un élément clé de la réserve de projets nucléaires ».

Un organisme dédié, le Great British Nuclear, est mis en place pour superviser l’avancée des nouveaux projets. Il est associé à un fonds, le Future Nuclear Enabling Fund, doté de 120 millions de livres sterling. Le gouvernement estime que cet élan pourrait permettre de « livrer jusqu’à huit réacteurs, ce qui équivaut à un réacteur par an au lieu d’un par décennie, accélérant ainsi le nucléaire en Grande-Bretagne », explique le gouvernement.

Financement de Sizewell C

Aujourd’hui, la part du nucléaire dans l’énergie au Royaume-Uni est actuellement d’environ 16 %. Mais environ la moitié de la capacité actuelle du pays sera mise à l’arrêt d’ici 2025 et l’ensemble d’ici 2030 (à l’exception de Sizewell B). Deux réacteurs EPR sont en cours de construction à Hinkley Point. Et le pays avance à grands pas sur le projet de construction de deux réacteurs EPR supplémentaires à Sizewell C.

Alors que le chinois CGN a été écarté du projet, l’État britannique va prendre une participation directe de 20 % dans le projet de construction des deux réacteurs, chiffré à 20 milliards d’euros. EDF participera au projet à la même hauteur. Cet engagement s’ajoute aux 100 millions de livres déjà investi fin janvier 2022 pour « soutenir le développement du projet ».

Selon les informations du journal Financial Time, « le gouvernement britannique recherche des conseillers financiers pour lever des milliards de livres sterling pour la centrale nucléaire Sizewell C ». Plus loin, il ajoute : « Le gouvernement a lancé cette semaine la recherche de banquiers d’affaires afin de trouver des investisseurs pour les 60 % restants, selon des personnes ayant connaissance de la situation ».

L’un des arguments pour attirer les investisseurs pourrait être le système de RAB, en français « base d’actifs réglementés », déjà utilisé dans le pays pour financer des réseaux de gaz ou des aéroports. Le FT explique : « Ce modèle assure aux investisseurs privés un taux de rendement régulier dès le début, mais il est controversé, car les consommateurs paient pour le financement du projet par le biais d’une surcharge sur leurs factures d’énergie bien avant qu’il ne soit achevé ». EDF calcule, selon la presse britannique, que ce surcoût ne représentera que 2 livres par an aux consommateurs pour les premières phases, puis atteindra un pic à 12 livres par an.

Ce modèle est très différent des deux premiers EPR en construction dans le pays à Hinkley Point. Ce chantier a bénéficié d’un cadre de financement initialement mis en place pour assurer le développement des renouvelables : le contrat de différence (CfD). Celui-ci garantit au producteur un prix de vente fixe (on parle de ‘strike price’) sur l’ensemble des volumes d’électricité écoulés sur les marchés. S’il permet de se prémunir des risques de marché, il laisse cependant l’essentiel du risque de construction aux industriels.

La Sfen a publié en février 2022 une étude sur les différents modes de financement du nouveau nucléaire en Europe.

Par Ludovic Dupin (Sfen)

Copyright photo : Finnbarr Webster / POOL / AFP

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