Le DoE livre du plutonium 238 américain à la Nasa

Le ministère de l’énergie américain a récemment expédié 0,5 kilogramme d’oxyde de plutonium 238. Une fois assemblé, chargé puis testé, le combustible servira de carburant dans l’exploration de l’espace lointain.
Au point de vue technico-économique, parmi les radioisotopes pertinents pour l’approvisionnement en électricité (via les RTG[1]) des missions spatiales habitées ou non, on trouve le plutonium 238. Le plutonium 238 a une demi-vie de 88 ans et n’existe donc pas à l’état naturel sur Terre. Sa chaine de production commence par la récupération du neptunium 237 dans le combustible usé des centrales. Jusqu’en 1988, les États-Unis, qui ont lancé un total de 47 RTGs sur 28 missions spatiales, produisaient leur propre 238Pu dans le laboratoire de recherche de Savannah River qui fermera ensuite. À partir de 1993, l’ensemble du 238Pu était importé depuis la Russie, pour un total de 16,5 kg[2]. Seuls les États-Unis et la Russie ont jusqu’à aujourd’hui produit de façon industrielle du plutonium 238[3].
Depuis les années 2010, pour des questions de souveraineté et parce que la Russie a cessé toute production nouvelle de stocks de 238Pu, le Département de l’énergie américain (DOE) a lancé un plan de production nationale réparti sur plusieurs laboratoires. L’irradiation est réalisée au laboratoire national d’Oak Ridge (ORNL). Le laboratoire est aujourd’hui en mesure de produire jusqu’à 700 g238Pu/an[4], avec un objectif d’ici à 2026 de produire 1,5 kg238Pu/an. Si les quantités paraissent faibles, il faut préciser la très forte densité d’énergie thermique contenue dans l’isotope (570 MWth/kg) et son coût aux conditions économiques de 2016 : de l’ordre de 5 millions de dollars/kg[5].
La logistique du combustible, clef de voute de la capacité de production
En juin dernier, le DOE annonce une étape clef dans sa capacité à conditionner et transporter le 238Pu. « La mise en service de cette capacité de conditionnement au Laboratoire national d’Oak Ridge témoigne de l’engagement du ministère dans son partenariat avec la NASA », a déclaré Kathryn Huff, secrétaire adjointe à l’énergie nucléaire. « Ensemble, nous nous efforçons de garantir l’existence aux États-Unis, pour les décennies à venir, d’une capacité viable de bout en bout pour la production de systèmes d’alimentation en radioisotopes destinés à être utilisés dans l’espace lointain ».
En effet, mettre sur pied une telle capacité de production est un processus complexe et étalé géographiquement. Une fois produit et conditionné, l’oxyde de plutonium est expédié au Los Alamos National Laboratory pour être transformé en gaines de combustible. De là, les gaines de combustible sont envoyées au laboratoire national de l’Idaho, où le combustible est chargé, testé et expédié au centre spatial Kennedy de la NASA, en Floride, en vue de son lancement. Près de 7 500 km sont parcourus par le combustible, c’est plus de deux fois le Tour de France !
La première mission de la NASA à utiliser le plutonium 238 produit par le DOE a été le rover Persévérance de la NASA, qui a atterri sur Mars en 2021 et continue d’explorer la surface de la planète aujourd’hui. En 2026, avec sa mission Dragonfly, la Nasa prévoit d’envoyer un robot sur Titan, la plus grande lune de Saturne. Ce dernier sera alimenté par le combustible nouvellement acquis. ■
Par Ilyas Hanine (Sfen)
Image : La production du plutonum représente toutes une chaine industrielle aux États-Unis comme ici au Oak Ridge National Lab – ©OARL
[1] Radioisotopes Thermoelectric Generator.
[2] Un accord entre les deux gouvernements autorise l’achat par les Etats-Unis de Plutonium 238 russe pour un maximum de 5 kg/an pour un usage spatial.
[3] https://web.archive.org/web/20110928034832/http://nuclear.inl.gov/spacenuclear/docs/final72005faqs.pdf
[4] https://www.ans.org/news/article-2658/doe-steps-up-plutonium-production-for-future-space-exploration/
[5] Center for Space Nuclear Research: Dr. Steven D. Howe, Economical Production of Pu-238