La commission relative à la perte de souveraineté énergétique livre ses conclusions - Sfen

La commission relative à la perte de souveraineté énergétique livre ses conclusions

Publié le 6 avril 2023

Ce jeudi 6 avril et après six mois de travaux, le président et le rapporteur de la Commission d’enquête parlementaire relative à la perte de souveraineté énergétique ont présenté un rapport de près de 500 pages riches en enseignements.

Après 6 mois de travaux, deux anciens présidents de la République entendus, 88 personnes auditionnées, 150 heures d’auditions et plus de 5 000 pages recueillies, dont la contribution de la Sfen. La Commission d’enquête sur la perte de souveraineté énergétique de la France vient de livrer son rapport, très attendu par l’ensemble de la filière nucléaire. « Après plus de quinze ans de discours antinucléaire […] la commission d’enquête a permis à certains experts, syndicats et autres professionnels d’être enfin entendus et écoutés », a notamment déclaré Raphaël Schellenberger, président de la commission d’enquête.

Un rapport conséquent

Créée par la Conférence des présidents du 11 octobre 2022 au titre du droit de tirage réservé au groupe Les Républicains (LR), cette commission, présidée par le député (LR) Raphaël Schellenberger, s’est efforcée de travailler sur le temps long et a examiné les trois dernières décennies en remontant jusqu’à la moitié des années 1990.

Pour le rapporteur de la commission, Antoine Armand (Renaissance), ce rapport « c’est l’histoire du lien souvent défaillant, parfois même inexistant, entre expertise scientifique et technique, instruction des dossiers et décision politique ; l’histoire de rapports qu’il aurait fallu lire, relire ou parfois simplement penser à commander ».

Le rapporteur a identifié six grandes erreurs énergétiques, six leçons générales à en tirer et six chantiers qui sont déclinés en trente propositions, à mettre en œuvre pour « redonner à la France un destin énergétique ».

Le rapport (en ligne ici) ne se concentre pas uniquement sur l’énergie nucléaire, nous avons donc fait le choix ici de mettre en lumière les éléments les plus pertinents relatifs à l’atome. Nous vous livrons ici les points saillants d’un document de près de 500 pages d’une grande richesse. Cette synthèse ne saurait se substituer à une lecture attentive du rapport.

Les erreurs de la politique énergétique

Dans sa présentation, Antoine Armand regrette que la politique énergétique française ait sous-estimé nos besoins d’électricité au regard des objectifs écologiques et souligne le manque de réflexion à long terme sur les ambitions industrielles et climatiques. Il ajoute que l’opposition des énergies renouvelables électriques et du nucléaire s’est faite au détriment de la sortie des énergies fossiles. « Des responsables publics qui ont mené un combat politique avant tout contre l’énergie nucléaire plutôt que pour la décarbonation, un combat d’une remarquable hypocrisie, qui allait et qui va encore clairement contre les intérêts vitaux du pays », précise le rapport.

Le député déplore le manque d’anticipation au regard de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires et de leur renouvellement. Enfin, il critique la décision d’avoir entretenu un cadre qui a, selon lui, fragilisé le modèle énergétique français (Arenh, concessions hydroélectriques, règles d’échanges de l’électricité).

Des leçons énergétiques pour les 30 prochaines années

Devant la presse et le public présent, les députés ont tiré les premiers enseignements de ce rapport et notamment le fait qu’une politique énergétique doit se penser, se faire, sur le temps long et dépasser la dimension partisane pour survivre aux alternances politiques.

Ils précisent aussi que l’énergie n’est pas un bien comme un autre et que la France doit défendre son mix électrique pilotable et décarboné au sein de l’Union européenne. Enfin, un point d’honneur est mis sur la recherche sans laquelle « nous sommes condamnés à avoir du retard ». Le rapporteur préconise de se concentrer sur la fermeture du cycle dans l’industrie nucléaire ; le stockage massif de l’électricité pour le réseau et le recyclage des matériaux critiques.

Les grands chantiers opérationnels

Au-delà de réformer en profondeur le marché européen dont le rapporteur précise « l’impérieuse et urgente nécessité de réformer l’ensemble du cadre européen en matière de politiques énergétiques : la France doit cesser de subir des règles économiques qui fragilisent son industrie au mépris du principe de subsidiarité » et donner un nouvel élan au traité Euratom, le rapporteur propose de « refaire de la filière nucléaire la grande force française », de rattraper le retard pris en matière de recherche et de relancer activement des programmes d’ampleur sur la 4ème génération. Il souligne l’importance de se doter d’une ambition énergétique qui « intègre pleinement l’augmentation considérable de la consommation d’électricité compatible avec nos ambitions climatiques et industrielles ».

Les grandes propositions à retenir

Le rapport liste ainsi une trentaine de propositions parmi lesquelles : le renforcement du rôle de l’OPECST dans les politiques énergétiques (proposition 3), une position européenne commune visant à définir l’énergie nucléaire comme une énergie décarbonée et stratégique (proposition 6), la sortie de l’Arenh (proposition 7), le lancement d’un nouvel inventaire minier sur le sol national ainsi que l’identification des importations critiques (proposition 14).

Concernant le combustible, le rapport propose le renforcement des capacités d’enrichissement sur le territoire français (propositions 21),  l’étude de la faisabilité industrielle visant à l’installation d’une nouvelle usine de réenrichissement sur le sol français (proposition 22) ainsi que le soutien à  l’extension des capacités d’entreposage du combustible usé à La Hague (proposition 23).

La proposition 25 souligne la nécessité de développer la recherche associée sur le cycle du combustible et de poursuivre l’effort de l’appel à projets de France 2030 en lançant la construction d’un démonstrateur de 4e génération qui peut se traduire par différentes technologies et d’utilisations industrielles.

Tout en rappelant que l’expertise française de sûreté nucléaire est reconnue sur la scène internationale pour son sérieux et son exigence, le rapport préconise « d’assurer une montée en puissance des effectifs salariés de la sûreté nucléaire et d’en optimiser l’organisation administrative […] afin d’assumer la charge nouvelle liée à la relance du nucléaire. » (propositions 27) le rapporteur précise que « l’intérêt d’une réorganisation du système actuel serait d’optimiser les processus et le libre pilotage des moyens ». Enfin la dernière proposition pousse à la création d’un label « apprentis de l’énergie » pour permettre aux jeunes d’identifier les formations d’avenir (propositions 30).■

Thomas Jaquemet (Sfen)

Crédit photo ©Assemblée nationale