L’objectif sur lequel nous sommes le plus ambitieux concerne l’aspect économique. Nous visons un réacteur capable de concurrencer les centrales à gaz aux États-Unis, objectif fondamental pour réduire les émissions de CO2 du pays. Beaucoup de ces centrales arriveront en fin de vie vers 2030, période à laquelle nous prévoyons un premier couplage au réseau. Cet objectif nécessite de réduire de façon drastique le coût de notre réacteur par rapport aux projets concurrents. Le gain attendu repose notamment sur des économies d’échelle, en raison d’un volume des bâtiments moindre puisque l’on opère à bien plus faible pression que les réacteurs actuels, et donc d’une moindre quantité de matières premières nécessaires à la construction.
Y-a-t-il encore des verrous technologiques à lever ?
N.Z. : Nous espérons être en première ligne pour exploiter les sels fondus de manière commerciale dans un réacteur. Seul l’Oak Ridge National Laboratory en a fait fonctionner un dans les années 60 : le Molten Salt Reactor Experiment (MSRE). Il faut donc redévelopper la maîtrise technique de ces sels corrosifs.
Afin de dépasser le stade du “réacteur papier”, et atteindre une viabilité commerciale, nous développons des campagnes expérimentales à des échelles de plus en plus grandes. C’est justement le programme dont j’ai la charge : notre premier laboratoire ouvrira au mois d’août et servira à la fois à faire évoluer le design et à valider les modèles et codes de calculs via des maquettes non nucléaires à échelle réduite. Par la suite, nous travaillerons sur des composants et dans des environnements de plus en plus proches de l’échelle réelle pour démontrer la cohérence de notre design, avant la construction du premier réacteur commercial. Ce programme expérimental par étapes nous permet de franchir les marches qui séparent le réacteur théorique actuel de notre future tête de série.
Quels sont vos partenaires pour ces études et pour les autres aspects du projet, tel que le génie civil ?
N.Z. : Nous travaillons avec des partenaires industriels, des universités et des laboratoires nationaux aux États-Unis, sur des sujets variés tels que le développement de codes de calculs de sûreté, la qualification du combustible et des matériaux, et pour leurs connaissances historiques sur les réacteurs à sels fondus. Par la suite, il est probable que nous développions des partenariats industriels dans des domaines tels que les turbines ou la construction, qui nécessitent une expertise et une main d’œuvre complémentaires à nos propres compétences.
Comment l’innovation dans le nucléaire est-elle soutenue aux Etats-Unis ? Avez-vous un appui des pouvoir publics ?
N.Z. : Il y a un soutien assez fort du Department of Energy (DOE), notre ministère de tutelle. Le mécanisme de soutien le plus classique est le Funding Opportunity. Régulièrement, le gouvernement lance un appel à candidatures et les lauréats reçoivent une aide financière pour leur projet.
Pour la construction elle-même, le gouvernement peut proposer des prêts à taux garantis (Loan Guarantees) dont l’enjeu est capital, en plus d’investissements privés, pour mener certains projets à bien [4].