Hiver 2022-2023 : remontée significative de la disponibilité du nucléaire
Pas de blackout sur le réseau électrique français pour l’hiver 2022-2023. Dans ses prévisions pour la saison froide à venir, le Réseau de transport d’électricité (RTE), envisage une remontée significative de la disponibilité des réacteurs nucléaires et un fonctionnement normal des centrales à gaz. Cependant, le gestionnaire appelle aussi aux écogestes des Français à travers les alertes « Ecowatt » dans les moments les plus tendus.
Ce mercredi 14 septembre, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité en France (RTE) a publié sa très attendue étude prévisionnelle pour l’hiver 2022-2023. Une des premières remarques du Président du Directoire, Xavier Piechaczyk, est que cet exercice est avancé à septembre (contre octobre-novembre traditionnellement), car les tensions sur le réseau électrique sont anticipées dès l’automne pour l’année 2022. Elles étaient jusque-là cantonnées à l’hiver, mais la France et l’Europe font face à une situation énergétique exceptionnelle.
D’une part, « une crise gazière, apparue au second semestre 2021 avec des tensions sur l’offre et la demande d’énergie suite à la reprise économique mondiale post-Covid, puis amplifiée par la guerre menée par la Russie en Ukraine ». D’autre part, une période de maintenance importante sur le parc nucléaire français, liée aux visites décennales, dont le planning a été décalé en raison de la crise sanitaire en 2020 et 2021. Ensuite, la découverte d’une anomalie sur certains réacteurs, dite corrosion sous contrainte (CSC), qui a amené à arrêter douze réacteurs. Enfin, des stocks hydrauliques assez faibles, liés à une sécheresse importante lors de l’été passé.
Moins d’incertitudes sur le nucléaire
Pour ce qui de l’énergie nucléaire, la situation actuelle est tendue. « La disponibilité du parc nucléaire a été en retrait de 15 GW par rapport à une situation nominale », explique RTE (sur un parc de 63,1 GW, installé en France). EDF anticipe une production pour 2022 comprise entre 280 et 300 TWh, soit un recul de 25 % par rapport à la moyenne 2016-2019 calcule RTE. Après un point bas à environ 25 GW cet été, la remontée de la disponibilité du parc va être clé dans l’équilibre offre-demande de l’hiver à venir. En particulier, la remise en service des réacteurs qui ont été arrêtés pour des examens liés au CSC[1]. « L’incertitude sur le périmètre des contrôles et des réparations a diminué au cours des derniers mois, ce qui constitue une nouvelle très positive pour la gestion du système », affirme RTE.
Concrètement, RTE a défini trois scénarios. Le « scénario dégradé » est celui où les échanges européens seraient limités en raison de tensions sur le gaz. Le « scénario haut » vise une disponibilité du nucléaire très élevé à 50 GW. Le scénario intermédiaire, retenu comme référence, envisage un fonctionnement normal de nos centrales à gaz et une disponibilité importante du nucléaire. Le régulateur anticipe 38 GW de nucléaire disponible au premier janvier 2023 et 45 GW le 1er février 2023. Dans tous ces cas, RTE exclut tout risque de blackout, mais appelle les Français à réaliser des économies d’énergie en particulier lors des alertes du dispositif Ecowatt. Le recours a ce dispositif sera accru en cas d’hiver très froid, comme l’Hexagone l’a connu en 2010-2011.
La prévision de remise en service des réacteurs, présentée par RTE est plus prudente que les données fournies par EDF, ce dernier visant environ 50GW en service au cœur de l’hiver. Dans la même journée, Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, était auditionné par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Il annonçait qu’actuellement, 30 réacteurs sont disponibles, dont 3 en économies de combustibles en vue de l’hiver. Sur les 26 réacteurs à l’arrêt à date, 10 le sont pour maintenance programmée, 10 en raison des réparations suite aux recherches de CSC, 5 pour examens sur les CSC et 1 en arrêt fortuit, en l’état, EDF anticipe la remise en service de cinq réacteurs en septembre, cinq en octobre, sept en novembre, trois en décembre et deux en janvier.
Des prix excessifs
RTE a aussi fait un point sur l’explosion des tarifs de l’électricité. Ceux-ci sont normalement corrélés avec les prix du gaz et ont donc cru progressivement ces derniers mois. Mais désormais ces prix partent brutalement la hausse, imposant au gouvernement de mettre en place un bouclier tarifaire. Cet emballement des prix n’est pas justifié, juge RTE.
Les experts écrivent : « les inquiétudes des acteurs de marché sur l’équilibre offre-demande pour l’hiver conduisent à des prix à terme aujourd’hui très supérieurs à ce que révèlent les fondamentaux techniques. Or, le niveau de risque révélé par l’analyse prévisionnelle de RTE ne permet pas de justifier des niveaux aussi anormalement élevés, même en se plaçant dans un scénario dégradé, en ne prévoyant pas d’évolution à la baisse de la demande, et en considérant une disponibilité du parc nucléaire inférieure à l’agrégation des données déclarées – centrale par centrale – sur les registres de transparence[2] ».
Dans une conférence sur la situation énergétique en France ce 12 septembre, la Première ministre Elisabeth Borne déclarait également que « notre objectif est de stopper l’explosion des cours de l’énergie et de les ramener à plus de modération ». Sur l’électricité, elle parle de prix « déraisonnable » et veut « rassurer les marchés sur les risques de pénuries ». Elle vise aussi « ceux qui spéculent sur la crise et font artificiellement monter les prix ». ■
Par Ludovic Dupin (Sfen)
Photo : (de gauche à droite) Thomas Veyrenc, Directeur Exécutif en charge du pôle Stratégie, Prospective et Evaluation de RTE, Xavier Piechaczyk, Président du Directoire de RTE, Jean-Paul Roubin, Directeur Exécutif Clients, Marchés et Exploitation de RTE – Copyright : Eric PIERMONT / AFP
[1] Dans le rapport de RTE, page 16, on peut lire : « les contrôles (…) ont été réalisés en utilisant les techniques disponibles, à savoir la découpe de portions de tuyauteries (…) Ces procédés (…) requièrent ensuite des réparations complexes, que le réacteur soit in fine affecté ou non par le défaut.
[2] Il s’agit des publications obligatoires d’EDF sur la disponibilité de ses réacteurs.