Fukushima : faut-il craindre des cancers de la thyroïde ?
L’impact de l’iode radioactif rejeté en mars 2011 lors de l’accident de Fukushima sur les enfants de la région ne devrait être que très limité, contrairement à ce qui avait été constaté à Tchernobyl.
L’iode radioactif et la glande thyroïde
Les iodes radioactifs, principalement l’iode 132 et l’iode 131, sont issus de la fission de l’uranium dans les réacteurs nucléaires. Très volatils, ils sont relâchés à haute température en cas de fusion du combustible. Chez l’homme, la thyroïde, glande endocrine cervicale régulant de nombreux systèmes hormonaux, fixe naturellement l’iode qui est pour elle un oligo-élément essentiel entrant dans la fabrication des hormones thyroïdiennes (1). En cas de carence d’iode naturel, les personnes exposées à de l’iode radioactif risquent donc d’accumuler des éléments radioactifs au niveau de la thyroïdes, en particulier les enfants. L’accident de Tchernobyl avait ainsi entraîné environ 7000 cancers de la thyroïde, avec un nombre de décès liés à l’irradiation resté limité (inférieur à 20) de par les traitements mis en œuvre.
Un excès de cancer à Tchernobyl
À Tchernobyl cet excès de cancers est apparu au bout de 4 à 5 ans. Le nombre de cancers augmentait linéairement avec la dose de radioactivité subie par les enfants et adolescents, souvent importante. Les raisons de cette forte exposition ont été multiples :
- Le réacteur était en fonctionnement lorsque l’accident s’est produit et la violence de l’explosion a dispersé instantanément l’essentiel des iodes radioactifs et en particulier l’iode 131 (d’une demi-vie (2) de 8 jours, il disparaît complètement en 2 à 3 mois) et l’iode 132 (d’une demi-vie de 3 jours : il disparaît en 2 semaines).
- Les ordres d’évacuation ont tardés ainsi que les directives vis-à-vis de l’alimentation.
- Les enfants de cette région souffraient généralement d’une carence en iode naturel qui a favorisé la fixation des iodes radioactifs sur leur thyroïde.
La situation à Fukushima a été sensiblement différente :
- Les 3 réacteurs en fonctionnement ont été arrêtés dès les premières ondes sismiques, le 11 mars.
- La quantité d’iode 131 rejetée à été environ 12 fois inférieure, avec peu de rejets d’iode 132 à vie plus courte, car les principaux relâchements ont été tardifs, entre le 4ème et le 7ème jour.
- Les ordres de confinement (dès le 11) et d’évacuation (du 12 au 15 mars) ont été généralement bien suivis par une population observant strictement les consignes des autorités.
- Il n’y a pas de carence d’iode au Japon chez les enfants compte tenu de leur régime alimentaire, ce qui limite la fixation d’iode radioactif.
- Un contrôle assez strict des produits alimentaires a été rapidement mis en place, en particulier en ce qui concerne les laitages, principale voie de transfert de l’iode vers l’enfant.
Du 26 au 30 mars 2011 (avant que l’iode ne disparaisse par décroissance radioactive), environ 1100 mesures de la thyroïde effectuées chez des nourrissons et des enfants jusqu’à 15 ans ont révélé des doses mesurées faibles, en moyenne 10 fois inférieures à la dose pour laquelle un traitement par prise d’iode naturel serait recommandé. Les doses maximales enregistrées atteignaient au maximum un tiers du seuil nécessitant un traitement(3).
Les enfants seront systématiquement suivis par les autorités sanitaires japonaises, mais il est très probable que compte tenu des doses reçues le nombre de cancers de la thyroïde en excès sera très faible, voire non mesurable. La confirmation de ces analyses est attendue à partir de 2016 en prenant en compte les délais de latence de l’apparition des cancers de la thyroïde.
Aller plus loin :
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Les cancers de la thyroïde dus à l’accident de Tchernobyl La dosimétrie : des rayonnements aux doses
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La demi-vie radioactive correspond au temps nécessaire pour qu’une substance nucléaire se désintègre de moitié par rapport à sa valeur initiale
La dose absorbée moyenne était d’environ 10 mGy et la dose maximale de 35 mGy. La prise de comprimés d’iode est recommandée au-delà de 100 mGy, par mesure de précaution, pour les enfants. La recommandation de prise de comprimés d’iode du 16 mars, par précaution afin de saturer les thyroïdes d’iode non radioactifs, n’a pas été réellement appliquée car postérieure à l’essentiel des évacuations.