Fluage : l’aboutissement d’une expérimentation de… 34 années !

Lancé le 31 octobre 1987, un essai de fluage s’est achevé 34 années plus tard, le 16 septembre 2021 avec la rupture de l’éprouvette soumise durant tout ce temps à une charge de 190 MPa à 500 °C. Au-delà des apports scientifiques sur l’étude du comportement mécanique long terme des matériaux, c’est la démonstration de la capacité du laboratoire d’étude du comportement mécanique des matériaux du CEA (DMN/SRMA/LC2M) à conduire des essais instrumentés sur plusieurs décennies.
Dès le début de l’aventure industrielle du nucléaire, s’est imposée la nécessité de développer une science des matériaux spécifiques : soit pour acquérir la maîtrise de matériaux peu connus (l’uranium, le plutonium, leurs oxydes, nitrures et carbures pour le combustible, ou le zirconium, le magnésium et leurs alliages pour la gaine de l’élément combustible) ; soit pour maîtriser des phénomènes nouveaux imprévus. Ainsi de l’« effet Wigner » dans le graphite pour le premier d’entre eux, ainsi du gonflement des aciers austénitiques dans les réacteurs à neutrons rapides vingt-cinq ans plus tard ou du fluage d’irradiation de l’uranium et du zirconium…
C’est au CEA qu’est revenue, dès sa création en 1949, la charge de développer la science des matériaux du nucléaire, en relation avec l’expertise des meilleurs laboratoires universitaires de métallurgie et de physique du solide. La première pile atomique française, Zoé (puissance Zéro, Oxyde d’uranium, Eau lourde), diverge au fort de Châtillon en 1948 rapidement suivie par la filière UNGG (Uranium naturel graphite gaz) avec la divergence sur le site de Marcoule du réacteur nucléaire G1 en 1956. Un des problèmes technologiques rencontrés dans l’élaboration de ces piles est lié à l’emploi de barreaux d’uranium. Sous l’action de la température et de l’irradiation, ces barreaux sont susceptibles de se déformer sous l’influence de leur propre poids. La compréhension du fluage (voir encadré) sous irradiation de l’uranium des matériaux de gainage composés de magnésium et de zirconium devient dès lors une priorité.
À cette époque, les seules données mesurées étaient la température des fours, la contrainte appliquée et le temps à rupture. Un exemple de courbe obtenue sur le fluage du magnésium est présenté ci-après. Ces données constituaient un premier pas vers une meilleure compréhension du comportement des matériaux du nucléaire et donc de la durée de vie des réacteurs.
En plus de la filière UNGG, le CEA conçoit, dès la fin des années 1950, Rapsodie, un réacteur à neutrons rapides avec caloporteur sodium. Pour le réaliser, le besoin est apparu de connaître le comportement des différents matériaux dans des gammes de températures très peu étudiées pour les aciers (allant de 400 à 650 °C), pour de faibles contraintes et pour des temps très longs (sur plusieurs années). Pour répondre à ce besoin et à la construction de réacteurs de différents types, le CEA a augmenté ses capacités expérimentales en termes de caractérisation des matériaux.
Un développement majeur des essais de fluage fut l’introduction de tables traçantes permettant de décrire les allures de déformation du fluage. Ces courbes ont permis de développer les lois de comportement de la sollicitation en fluage. Au cours des années 1970, l’évolution des composants analogiques ont permis l’automatisation des mesures de déformation. Le développement du nucléaire civil et de nouveaux moyens expérimentaux ont incité le CEA à augmenter le nombre de machines de fluage. À la fin des années 1980, le parc comportait cent machines de fluage réparties en quatre salles.
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