EDF et GravitHy signent une lettre d’intention pour décarboner l'acier - Sfen

EDF et GravitHy signent une lettre d’intention pour décarboner l’acier

Une lettre d’intention entre EDF et GravitHy a été signée afin de conclure un partenariat d’allocation de tranche nucléaire. Moyennant un engagement sur le long terme et un paiement en tête, ce partenariat garantira au métallurgiste GravitHy la fourniture d’une électricité disponible, bas carbone et compétitive. Des conditions essentielles pour produire de l’acier à partir d’hydrogène électrolytique bas carbone.  

La lettre d’intention met autour de la table, EDF, producteur d’électricité et exploitant unique du parc nucléaire français, et GravitHy, porteur un projet d’usine de production de fer réduit (DRI) bas carbone à Fos-sur-Mer. Le principe est de remplacer les énergies fossiles du procédé DRI traditionnel par de l’hydrogène obtenu par électrolyse de l’eau, le tout avec une électricité décarbonée. Ce fer réduit est ensuite proposé aux aciéristes ou tout utilisateur d’acier.

Les CAPN, de nouveaux partenariats industriels  

Dans le cadre de la politique de vente de l’électronucléaire succédant au dispositif ARENH après son extinction au 1er janvier 2026, EDF a mis en place une nouvelle politique commerciale vis-à-vis notamment des industriels pour la mise en œuvre de contrats de long terme, au-delà des horizons de temps déjà disponibles sur les bourses de l’électricité[1]. Luc Rémont, à l’annonce de cette nouvelle politique, assure qu’EDF sera «un commerçant responsable et engagé». L’objectif visé est double. Premièrement, il s’agit d’assurer un partage des risques et des coûts afférents à l’exploitation de l’actif nucléaire entre EDF et les consommateurs, essentiellement les industriels électro-intensifs (EI) et hyper électro-intensifs (HEI) pour qui le coût de revient de l’électricité est structurant de leur coût de production. Deuxièmement, il s’agit de garantir sur le temps long l’accès à une électricité compétitive dont le prix reflète les coûts de production réels du parc nucléaire existant et qui réponde aux exigences de continuité de process de ces consommateurs.  

Concrètement, ces Contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN) sont «des contrats de partenariat industriel permettant de mettre à disposition d’entreprises électro-intensives une quote-part de la puissance du parc nucléaire en exploitation, pour une durée de plus de 10 ans, moyennant un partage de ces coûts et des risques sur les volumes effectivement produits par ce parc. Le prix reflète les coûts de production réels du parc nucléaire existant et comporte un paiement en tête»[2].

Il est intéressant de noter qu’EDF a établi par le passé, lors de la construction du parc historique, des contrats d’allocation de production sur 10 tranches de production en participation avec des énergéticiens européens[3]. Cette part est restée modeste, de l’ordre de 1,5 GW au total :  

  • Fessenheim 1-2 : EnBW (17,5 %) et le groupement d’électriciens suisses CNP regroupant Alpiq, Axpo et BKW (15 %) 
  • Cattenom 1-2 : EnBW (5 %)
  • Bugey 2-3 : Électricité de Laufenbourg 1 (17,5 %) 
  • Tricastin 1 à 4 : Electrabel 2 (12,5 %) 
  • Chooz B1-B2 : EDF Luminus, filiale d’EDF en Belgique (3,3 %)

Et de trois 

Le 11 avril EDF a annoncé avoir signé une nouvelle lettre d’intention avec GravitHy, qui vise à produire du fer réduit bas carbone destiné aux aciéristes. C’est la troisième après celles signées avec ArcelorMittal et un industriel resté confidentiel. Ces engagements devraient aboutir à la signature de contrats «avant la fin de lannée 2025 et représentent une fourniture de l’ordre de 10 TWh/an», indique le directeur exécutif d’EDF chargé du pôle clients, services & territoires, Marc Benayoun, devant la commission d’enquête[4] sénatoriale sur les prix de l’électricité. 

Des partenariats au service de la décarbonation de l’industrie  

GravitHy, avec son projet d’usine à Fos-sur-Mer, est engagée dans la production de fer réduit bas carbone par utilisation de l’hydrogène électrolytique décarboné pour la production d’acier. L’industrie sidérurgique est un marché hyperconcurrentiel où certaines usines américaines ou asiatiques bénéficient, sans contreparties financières particulières, de prix d’approvisionnement rendus site de 15 à 55 $/MWh – un approvisionnement statistiquement très carboné. Or la décarbonation du secteur est essentielle à l’atteinte des objectifs climatiques: les émissions de l’industrie métallurgique représentent de l’ordre de 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre[5], dont la plupart sont incorporées aux produits manufacturés importés.  

Ainsi, gageons que de tels partenariats industriels doublés d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières[6] maturé (adressant le risque de fuites) et du plan d’aides France 2030 formeront un ensemble d’instruments propices à la réindustrialisation et la réduction de l’empreinte carbone du pays.■

[1] La maturité sur ces marchés de gros en France ne dépassant pas 3 ans et ils restent peu liquides.

[2] https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/journalistes/tous-les-communiques-de-presse/gravithy-signe-une-lettre-dintention-avec-edf-pour-securiser-une-partie-de-lapprovisionnement-en-electricite-de-sa-future-usine-a-fos-sur-mer

[3] Rapport financier d’EDF 2014

[4] https://videos.senat.fr/video.4550948_660d4b8f0ff1b.regulation-post-arenh–audition-d-edf

[5] https://worldsteel.org/publications/policy-papers/climate-change-policy-paper/#:~:text=In%202020%2C%201%2C860%20million%20tonnes,of%20global%20anthropogenic%20CO2%20emissions.

[6] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52021PC0564

Ilyas Hanine (Sfen)

Photo – ©Gravithy