Les détails techniques et financiers du « Grand Carénage » - Sfen

Les détails techniques et financiers du « Grand Carénage »

Publié le 23 février 2014 - Mis à jour le 28 septembre 2021

Jeudi 20 février, Dominique Minière, Directeur Délégué à la Production Ingénierie du groupe EDF et Président de la SFEN était à l’Assemblée nationale pour présenter en détail le coût du « Grand Carénage », un vaste programme industriel devant rendre possible l’exploitation des centrales nucléaires au-delà de 40 ans. 

Présidée par le député PS François Brottes, la commission d’enquête parlementaire « relative aux coûts de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l’électricité nucléaire » prépare les débats qui animeront le Parlement lors de la présentation de la loi sur la transition énergétique. Denis Baupin, député EELV et rapporteur de ladite commission, présentera en juin prochain les conclusions des travaux parlementaires. 

Le travail réalisé actuellement par le Parlement fait échos au rapport publié il y a deux ans par la Cour des comptes sur les coûts de la filière nucléaire. Stockage ultime des déchets, exploitation, démantèlement, gestion des régimes d’assurance, en 2012, la Cour des comptes avait étudié l’ensemble des coûts de la filière nucléaire et avait conclu que la compétitivité de cette énergie ne résultait d’aucun « coût caché ».  

« 100 % de nos réacteurs peuvent aller jusqu’à 60 ans »

Dans de nombreux pays déjà des travaux analogues à ceux du grand carénage sont engagés. Ainsi les Etats-Unis, la Suisse, la Suède, la République tchèque, la Belgique ou encore la Grande-Bretagne ont ouvert de vastes chantiers. En France, EDF étudie depuis 2008 la faisabilité technique et économique du Grand Carénage. Un programme qui implique « la rénovation, le remplacement de matériels, l’intégration des mesures post-Fukushima, et l’amélioration du niveau de sûreté des centrales nucléaires » explique Dominique Minière.  Dans ce cadre, EDF devrait remplacer certains gros composants dont la durée de fonctionnement ne saurait excéder 25 et 35 ans. Générateurs de vapeur, turbines, transformateurs, échangeurs, etc. ce sont plusieurs éléments qui pourraient ainsi être remplacés par du matériel entièrement neuf. « Des investissements sont donc nécessaires autour de trente ans. Une fois réalisés, ils permettent de fonctionner techniquement pendant environ trente nouvelles années ». Les composants ne pouvant être remplacés comme la cuve et l’enceinte de confinement « font l’objet de surveillance, de recherche, de maintenance particulièrement élaborée » précise le Directeur Délégué à la Production Ingénierie d’EDF.

Outre cette dimension industrielle, la loi demande à l’exploitant qu’au cours de chaque inspection décennale le niveau de sûreté soit amélioré. C’est ainsi que tous les dix ans, et ce depuis la conception du parc nucléaire, EDF est amenée à améliorer la sûreté de chacune de ses installations en intégrant notamment l’amélioration des connaissances scientifiques et techniques ainsi que les retours d’expérience des accidents ou incidents. Les enseignements tirés des événements de Fukushima sont donc pleinement intégrés et font même l’objet d’investissements supplémentaires de la part d’EDF. De sorte que les performances en matière de sûreté de ces centrales nucléaires actuelles se rapprochent de celles des centrales de dernière génération comme l’EPR.   

Ces travaux qui seraient engagés dans le cadre du « grand carénage » devraient ainsi permettre d’exploiter le parc nucléaire pendant encore plusieurs années. « D’un point de vue technique, j’ai confiance que 100 % de nos réacteurs peuvent aller jusqu’à 60 ans » indique Dominique Minière. Actuellement, la durée d’exploitation n’est pas fixée par la loi. Cependant, tous les dix, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) évalue chaque installation nucléaire et le cas échéant décide si l’exploitation peut être prolongée de dix années.   

Le coût du Grand Carénage

Le grand carénage est le chantier le plus important de la filière nucléaire depuis la création du parc, et les travaux impliquent l’investissement de sommes importantes. EDF prévoit ainsi d’engager 55 milliards d’ici 2025. 10 milliards seront consacrés « au déploiement des modifications post-Fukushima », 20 pour financer les arrêts de tranches[1] et les visites décennales effectuées par l’ASN, « 15 milliards pour la maintenance lourde des gros composants » et « 10 milliards d’euros au titre d’autres projets patrimoniaux ».

D’ici à 2025, le coût économique complet du parc nucléaire existant, incluant l’investissement initial consenti dans la construction et le Grand Carénage, s’établira à environ 55 €/MWh en moyenne (contre 70 à 100 €/MWh pour la production thermique classique et 85 à 300 €/MWh pour les ENR. Ce coût est inférieur au coût de production de tout autre moyen de production neuf et permet à la France de préserver un prix de l’électricité compétitif par rapport aux pays voisins. Une solution qui s’avérera plus économique que de construire de nouvelles centrales pour remplacer les centrales existantes, et qui permettra donc au parc de rester compétitif. L’énergie nucléaire pourra ainsi accompagner l’émergence des énergies nouvelles, dont les coûts de production sont encore élevés (à l’exception de l’éolien terrestre), et de solutions performantes pour stocker l’électricité produite par intermittence.  


Les arrêts de tranches sont des opérations qui permettent de remplacer le combustible nucléaire usé et de procéder à des opérations de contrôle et de maintenance sur des parties de l’installation qui ne sont pas accessibles pendant son fonctionnement normal.  

Par la rédaction