Débat : « Il faut réformer progressivement la gestion des déchets TFA »

Dans les années 1990, la France a introduit la notion de « TFA », considérant que tout déchet issu d’une zone réglementée d’une installation nucléaire est susceptible de présenter une contamination résiduelle. Encore aujourd’hui, il s’agit d’une particularité française, qui n’existe dans pratiquement aucun autre pays.
Force est de constater que le niveau de radioactivité d’une grande partie de ces déchets est nul ou extrêmement faible et, de fait, leur absence d’impact sur l’homme et son environnement est reconnu.
Dans son rapport de 2016, l’IRSN considère que la doctrine devrait évoluer et recommande l’introduction de « seuils de libération » pour certains types de déchets TFA en volume important. Dans les pays où ces seuils sont d’usage, les producteurs sont incités à décontaminer leurs déchets de faible activité pour les déclasser et éviter un stockage coûteux, pour les recycler et les valoriser au sein de filières conventionnelles notamment. cette pratique est à mettre en regard de la doctrine française, qui se veut vertueuse en stockant la totalité des déchets TFA dans un exutoire unique de « coût modéré », mais qui ne pousse pas à optimiser la production de ces déchets.
Au-delà de la nécessité de limiter la production de déchets lors des opérations de démantèlement, il est primordial de mettre en place des solutions de gestion des déchets proportionnées à leur dangerosité, en les valorisant dans une logique d’économie circulaire ou en minimisant l’impact environnemental par la réduction des transports. Les stockages Andra constituent une ressource rare, dont l’acceptation est un véritable enjeu sociétal, qui doit être réservée aux déchets qui le méritent. À titre d’exemple, il y a un paradoxe en France à considérer certains aciers issus du démantèlement comme des déchets TFA, alors que leur radioactivité est inférieure aux seuils de libération utilisés dans d’autres pays qui autorisent leur recyclage et donc leur retour dans le domaine public, y compris à l’étranger, donc en France.
Nous défendons par conséquent l’idée de faire évoluer la réglementation actuelle, en introduisant une progressivité des exigences dans la gestion des déchets TFA en fonction de leur dangerosité. Ainsi, l’introduction d’un seuil de libération va dans ce sens et permettrait de réserver le stockage pour des déchets dont la radioactivité est supérieure à la radioactivité naturelle.
Nous attendons du débat public national accompagnant le PNGMDR prévu fin 2018 qu’il permette d’apporter vers le grand public les arguments et la pédagogie nécessaires à l’évolution de la doctrine française pour la gestion des déchets TFA. En particulier en autorisant dans un premier temps la valorisation de certains matériaux, puis en introduisant à terme un seuil de libération. La science doit revenir dans le débat. Nous devons nous demander : pourquoi un isotope artificiel serait-il plus dangereux qu’un isotope naturel ?