Comment les centrales nucléaires réagissent-elles face aux canicules ? - Sfen

Comment les centrales nucléaires réagissent-elles face aux canicules ?

Publié le 31 juillet 2018 - Mis à jour le 28 septembre 2021

Les épisodes caniculaires sont appelés à se multiplier à mesure que le changement climatique s’accélère. Dans ce contexte, la robustesse des centrales nucléaires, qui utilisent l’eau pour refroidir leurs installations, est-elle remise en cause ?

Des installations robustes face aux agressions externes (y compris les canicules)

Les canicules de 2003 et 2006 ont constitué des événements climatiques majeurs par leur ampleur géographique, leur durée, les niveaux élevés de température observés tant dans l’air ambiant que dans l’eau des rivières.

« 2003 » aura été particulièrement exceptionnel avec une période de sécheresse qui entraîna élévation de la température des rivières et des fleuves et diminua leur débit, affectant ainsi les moyens de production d’électricité, thermiques et nucléaires.

Cette situation et plus largement les risques externes liés aux changements climatiques ont conduit l’exploitant des centrales nucléaires (EDF) à réaliser de nombreux travaux pour améliorer la résistance des matériels aux agressions externes comme les fortes chaleurs.


Entre 2000 et 2017, les pertes de production liées aux contraintes climatiques n’ont représenté que 0,18 % en moyenne de la production d’électricité d’origine nucléaire.


La performance thermique des aéroréfrigérants a été accrue pour permettre de produire autant d’électricité avec moins d’eau. Des systèmes de réfrigération plus puissants ont également été installé, permettant d’extraire l’air chaud des locaux, de climatiser des locaux techniques et tertiaires.

Sur le plan organisationnel, EDF s’appuie sur l’expertise de ses hydrauliciens pour anticiper les températures et les débits des fleuves. Sur le modèle des exercices de crise, des exercices de simulation de canicule sont organisés chaque année.

 

Que se passera-t-il si les températures élevées persistent ?

Les périodes de fortes chaleurs peuvent conduire l’exploitant à réduire la puissance de certaines centrales nucléaires, voire à arrêter certaines unités de production, afin de respecter la réglementation relative aux rejets thermiques. C’est d’ailleurs pour cette raison que récemment l’unité 3 de la centrale du Bugey et 1 de Saint-Alban ont temporairement été arrêtées et que l’unité 2 de la centrale Bugey a vu sa puissance modulée.

Cependant, la production d’électricité nucléaire est peu affectée par ces situations qui demeurent exceptionnelles et limitées dans le temps. Ainsi, entre 2000 et 2017, les pertes de production liées aux contraintes climatiques n’ont représenté que 0,18 % en moyenne de la production d’électricité d’origine nucléaire, avec un maximum atteint en 2003 de 1,2 %.

En cas de « situation climatique exceptionnelle » – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – ou de risque pour la sécurité d’approvisionnement en électricité, le niveau de production des centrales nucléaires peut être maintenu, et ce même si les seuils de rejets thermiques sont légèrement dépassés. Dans ce cas très particulier et très rare, EDF dispose d’une autorisation temporaire délivrée par l’ASN. L’exploitant est alors appelé renforcer son programme de surveillance de l’environnement aquatique, notamment de la faune (poissons…) et à évaluer l’incidence des rejets, notamment sur les baignades et les activités de loisirs nautiques en aval. Aucune conséquence négative n’a été observée jusqu’ici lors des épisodes les plus chauds.

 

Quel impact ont les rejets sur l’eau et le vivant ?

De façon générale, la température des cours d’eau est un des facteurs biologiques qui agit sur le comportement des organismes vivants d’origine animale ou végétale. L’équilibre thermique peut être altéré par des aménagements (retenues d’eau, calibrage du lit mineur, …) et par les rejets thermiques liés aux activités humaines. Sur le plan de la qualité de l’eau, la température joue aussi un rôle important dans la capacité des cours d’eau à dissoudre l’oxygène de l’air ambiant nécessaire à la vie aquatique. À la saturation, plus la température de l’eau est élevée, plus faible est la teneur en oxygène dissous.

Sur le plan biologique, les températures élevées (28 °C–30 °C) nuisent à la reproduction et le développement des poissons. Elles peuvent aussi réduire leur capacité à faire face aux maladies et aux parasites. A contrario, les algues ou végétaux aquatiques auront tendance à proliférer aux températures élevées.


La production des centrales situées en bord de mer n’est pas affectée par les épisodes de forte chaleur.


Une centrale nucléaire a besoin d’eau afin d’assurer le refroidissement des installations. Cette eau peut être prélevée dans la mer ou les fleuves et rivières, puis rejetée après utilisation. La température de l’eau rejetée est supérieure à celle de l’eau prélevée, ce qui peut entraîner une élévation de la température des fleuves et rivières à l’aval des centrales. Une étude thermique du Rhône montre que les effets des rejets thermiques des centrales nucléaires restent très faibles et spatialement localisés.

Pour les installations situées en bordure de fleuves réchauffent l’eau des fleuves de moins de 0,3°C (parfois 0,1°C seulement). Le rejet thermique se fait sur la rive afin d’effectuer un mélange progressif du rejet d’eau tiède sur plusieurs kilomètres et permettant d’éviter de créer sur la largeur du cours d’eau un « mur thermique » supérieur à quelques degrés d’amplitude pouvant faire obstacle à la migration des poissons.

La production des centrales situées en bord de mer n’est pas affectée par les épisodes de forte chaleur : les rejets thermiques subissent une forte dilution du fait des puissants courants marins. Par ailleurs, l’eau tiède rejetée dans le fond marin remonte rapidement en surface par convection, ce qui réduit l’influence des rejets sur les organismes vivant au fond de la mer.

Crédit photo : Jacob Frédérick / EDF


Par Boris Le Ngoc (SFEN)