Auvergne-Rhône-Alpes, le « poumon vert » de l’Europe

Grâce à ses 14 réacteurs nucléaires et ses installations hydroélectriques, la région Auvergne-Rhône-Alpes est la première région française productrice d’électricité. En effet, la région produit le double de sa consommation et exporte de l’électricité bas carbone vers les autres régions, françaises ou européennes. Sur le terrain du développement économique, la filière nucléaire compte 42 600 emplois directs et indirects dans la région. Forte de ses 645 entreprises, la région exporte son savoir-faire jusqu’en Chine.
Toutes les citations sont tirées des Conventions régionales de la Sfen en Région Auvergne-Rhône-Alpes qui se sont tenues les 1er et 2 avril 2021.
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Première région française pour sa production électrique bas carbone, l’Auvergne-Rhône-Alpes est le « poumon vert » de l’Europe. Grâce à ses 14 réacteurs nucléaires et ses installations hydrauliques, la région produit le double de sa consommation et fournit plus du quart des besoins en électricité de la France. Elle alimente également l’Italie et la Suisse en électricité bas carbone. Marc Simon-Jean, délégué régional du groupe EDF dans la région détaille: « Notre région dispose d’un solde exportateur d’électricité qui s’établit à plus de 46 TWh en 2020, soit 30 TWh pour l’Occitanie, 12 TWh pour l’Italie, 3,4 TWh pour la Bourgogne-Franche-Comté et pratiquement 3 TWh pour la Suisse. On importe à peu près 2 % du Centre-Val-de-Loire, parce qu’il y a toujours des flux. Cette production est un atout fort qui renforce l’attractivité de la région vis-à-vis des entreprises électro-intensives qui ont des projets d’investissement ».
C’est à Lyon que sont implantées plusieurs unités d’ingénierie nucléaire de renommée mondiale. EDF dispose de la Direction technique (DT) de la DIPNN[1] pour la sûreté et la conception des réacteurs et de la DP2D[2] pour la déconstruction de centrales. Framatome y détient son second pôle d’ingénierie. Labellisé « Vitrine Industrie du Futur », l’établissement est dédié à l’innovation pour la conception et la maintenance des réacteurs, au design et au développement des combustibles nucléaires ainsi qu’aux activités de contrôle-commande. En 2021, Framatome y lance l’École du Design pour la formation de chefs de projets et d’ingénieurs études.
Véritable réussite locale, REEL exporte ses équipements lourds de manutention nucléaire partout dans le monde. Les 2 000 professionnels de l’entreprise lyonnaise mettent leur savoir-faire au service de la fourniture et de l’exploitation des postes de manutention du combustible des réacteurs nucléaires des centrales françaises comme étrangères. Son savoir-faire lui a valu d’être choisie pour fournir les ponts lourds (2 x 750 tonnes) et un monte-charge (120 t) du bâtiment du projet international de fusion nucléaire ITER (Bouches-du-Rhône). Une entreprise comme REEL investit également dans la formation et le recrutement au niveau local. Olivier Demarthe, directeur général adjoint de REEL explique : « Il faut être attractif pour nos salariés, toujours les faire évoluer en compétences, les accompagner pour faire face à de nouveaux défis. On a créé au sein de REEL une école depuis déjà plus de 10 ans, REEL Academy, qui est vraiment centrée sur la spécificité de nos métiers. Dans les systèmes de manutention et de levage critiques, il y a des savoir-faire à la fois en conception, en fabrication et en maintenance. Nous avons travaillé sur l’ensemble des compétences techniques opérationnelles dans tous nos métiers, à l’usine, en maintenance, en bureau d’études ».
Le Tricastin, un hub nucléaire incontournable
Plus grand site nucléaire d’Europe, ce vaste complexe industriel à cheval sur la Drôme et le Vaucluse emploie plus de 7 000 personnes sur des postes non délocalisables et hautement qualifiés. Le site du Tricastin accueille à la fois une centrale nucléaire (EDF) et des installations du cycle du combustible avec les usines récentes, de conversion et d’enrichissement de l’uranium, Philippe Coste et Georges Besse II (Orano). Pour cette dernière, Jean-Jacques Dreher, directeur des opérations chimie enrichissement ORANO Tricastin, nous donne une illustration convaincante de l’importance d’une usine comme celle de Georges Besse II : « l’usine Georges Besse II est la plus grande usine d’enrichissement en Europe et livre l’équivalent de 90 millions de foyers par an en énergie bas carbone. Cela représente la population de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni ».
« Dans le cadre de la politique énergétique et de l’implantation des industriels du territoire, le CNPE de Tricastin est un acteur important du Sud de la France. En quelques chiffres, le CNPE regroupe 1 400 salariés EDF. Je n’oublie pas nos partenaires industriels qu’ils soient locaux, régionaux ou nationaux qui travaillent avec nous au quotidien. Nous avons en permanence 600 salariés d’entreprises industrielles partenaires sur le CNPE de Tricastin », explique Cédric Hausseguy, directeur du CNPE Tricastin.
Près du plus grand site nucléaire d’Europe, l’usine Framatome de Romans-sur-Isère (Drôme) fabrique des assemblages de combustible. Plus grande usine mondiale dans ce domaine, elle alimente notamment le cœur des deux réacteurs EPR de Taishan en Chine ainsi que ceux à venir. Le site est également leader mondial dans la production d’éléments combustibles pour les réacteurs de recherche, et de cibles d’irradiation à usage médical. Par ailleurs, deux sites de Framatome, Jarrie (Isère) et Ugine (Savoie), interviennent dans le processus de transformation du zirconium, matériau essentiel à la fabrication du combustible nucléaire.
Plus largement, c’est l’ensemble de la Vallée du Rhône qui profite de ce hub nucléaire comme le rappel le député du Gard, Anthony Cellier, « j’avais initié dans le Gard à côté du Tricastin un rendez-vous avec les présidents-directeurs-généraux d’EDF, d’ORANO et l’administrateur général du CEA le 23 avril, avec plus d’une soixantaine d’élus de la vallée du Rhône, afin de poser les bases d’une réflexion au regard du poids de la filière nucléaire dans notre vallée du Rhône. Cela vient faire écho au thème de votre convention « l’essor des territoires ». Nous voyons très bien que la filière nucléaire, que ce soit par ses grands donneurs d’ordre ou par l’écosystème qui la compose, de sous-traitants, de TPE-PME, compte dans la dynamique économique de la vallée du Rhône. Je dis volontairement la vallée du Rhône parce qu’elle embarque avec elle trois régions, quatre départements que sont le Vaucluse, la Drôme, l’Ardèche et le Gard, la région Auvergne-Rhône-Alpes, la région Occitanie et la région PACA. La filière nucléaire est très implantée dans cette vallée du Rhône, qui est un peu à l’image de la politique énergétique française ».
La région grenobloise, un pôle industriel…
La métropole de Grenoble regroupe plusieurs entreprises spécialisées dans la conception et la fourniture de systèmes d’automatisme liés à la conduite et à la sûreté des réacteurs (ROLLS-ROYCE, ATOS, CORYS) ainsi que les laboratoires du CEA en charge de la R&D sur les nouvelles technologies pour l’énergie (hydrogène, photovoltaïque, batteries), adossés aux écoles d’ingénieurs de Grenoble-INP (ENSE3, PHELMA).
L’entité I&C – ou contrôle commande – de Rolls-Royce, implantée principalement sur le site de Meylan près de Grenoble où elle emploie plus de 530 personnes, a une activité totalement dédiée à l’industrie nucléaire. Elle fournit des systèmes de contrôle-commande de sûreté numériques et analogiques, des systèmes numériques de contrôle et de surveillance, ainsi que de l’instrumentation critique de sûreté. L’entité propose également une vaste gamme de services de support long terme à haute valeur ajoutée. Les technologies et produits de Rolls-Royce sont installés sur plus de 140 réacteurs nucléaires à travers le monde.
Toujours à Grenoble, Atos Worldgrid conçoit, fabrique, installe et maintient sur le très long terme des systèmes de contrôle-commande de centrales nucléaires en France et dans le monde depuis plus de 40 ans. Ces dernières années, Atos Worldgrid a fourni et mis en service avec succès la tête de série de la nouvelle génération d’Interface Homme-Machine du palier 1 300 MW d’EDF en France ainsi que le nouveau réseau d’informatique industrielle d’aide à la conduite respectant les règles de cybersécurité. Atos Worldgrid continue le déploiement de ces systèmes sur l’ensemble des 20 réacteurs de 1 300 MW dans le cadre du « Grand carénage » dont les trois quarts de ces équipements étaient déjà en service fin 2020.
CORYS est une société française de simulation détenue par Framatome (50%), EDF (25%) et IFP Training (25%) dont le siège est aussi à Grenoble et qui possèdent des filiales aux États-Unis, en Chine, en Inde et à Chypre. CORYS est aujourd’hui un acteur majeur pour la conception de simulateurs dynamiques d’ingénierie et de formation avec plus de 3 700 simulateurs livrés dans le monde entier aux industries du transport, de procédés et de l’énergie nucléaire en utilisant des outils de modélisation, des environnements virtuels et des émulations. CORYS emploie 360 ingénieurs et scientifiques dans le monde entier et réalise un chiffre d’affaires de 50M€.
… et scientifique majeur dans le domaine nucléaire
La région grenobloise, non contente de concentrer un nombre important d’industries, est aussi à la pointe de la recherche et de la formation scientifique dans le domaine nucléaire.
Près de 700 chercheurs du CEA Grenoble œuvrent au développement de solutions technologiques durables pour la transition énergétique : les énergies renouvelables, les systèmes de stockage (électrochimique, thermique, chimique, hydrogène), les nouveaux usages (mobilités électriques, bâtiment à énergie positive), et les réseaux énergétiques. Le CEA porte la vision d’un système intégré de l’énergie, s’appuyant sur les synergies possibles entre production d’électricité d’origine nucléaire et renouvelable. La gestion des intermittences du renouvelable, et les problèmes de réseaux en présence d’un taux d’insertion important de renouvelables sont plus particulièrement étudiés.
Grenoble-INP est un berceau historique de la formation des ingénieurs dans le domaine du nucléaire, laquelle se partage aujourd’hui essentiellement entre deux écoles : PHELMA et ENSE3. Les filières d’ingénieurs GEN (Génie Energétique et Nucléaire, PHELMA) et IEN (Ingénierie de l’Energie Nucléaire, ENSE3) ainsi que le master 2 Energétique Nucléaire (mention de master Physique, PHELMA / UGA) apportent les compétences nécessaires à la maîtrise des systèmes de production d’énergie, avec une spécialisation notable sur le nucléaire. Les outils les plus modernes de modélisation, d’analyse de sureté, de supervision ou de simulation des processus couplés au cœur et autour des systèmes nucléaires sont enseignés (exemple : neutronique, thermohydraulique, smart grids). Le cycle du combustible, la gestion des cycles de vie des matériaux et des installations nucléaires sont abordés. Les filières IEN et GEN des deux écoles permettent d’accéder à tous les métiers du secteur du nucléaire, de l’électronucléaire ou de la recherche (REP, EPR, technologies avancées et fusion nucléaire (ITER).
La proximité d’un tissu industriel développé autour du nucléaire à Grenoble et des laboratoires rattachés à ces deux écoles apporte la synergie pour garantir l’expertise et l’adéquation nécessaires aux métiers du nucléaire.
Enfin, le chantier de démantèlement de Superphénix, sur le site de Creys-Malville (Isère), est le plus gros chantier nucléaire de la région. Environ 300 personnes travaillent quotidiennement sur le site, dont 80 salariés d’EDF et 230 d’entreprises externes. La sécurité du chantier est assurée grâce à 27 000 analyses environnementales et 50 exercices de crise par an. L’objectif reste d’obtenir un dossier de déclassement à l’horizon 2030.
La région Auvergne-Rhône-Alpes est donc riche d’une histoire nucléaire dont de nombreuses pages restent à écrire comme en témoigne le combat de Olga Givernet, députée de l’Ain : « Je souhaite que le nucléaire prenne toute sa part à l’aulne de ses 50 % dans cette part du mix énergétique. Il s’agit également de soutenir notre centrale nucléaire sur le secteur Rhône-Ain-Loire, la centrale du Bugey. Aujourd’hui, nous avons quatre réacteurs sur la centrale du Bugey. Nous souhaitons avoir deux EPR en plus, pour lesquels je milite fortement auprès des instances ». Un message largement partagé par sa collègue députée de la Drôme, Célia de Lavergne : « Je crois que nous avons un enjeu de souveraineté industrielle, un enjeu de transition écologique et un enjeu de développement économique qui vont ensemble avec notre filière. A nous de montrer que les progrès que nous faisons, que la science fait à l’heure où nous sommes capables de produire un vaccin en un an, permettront à notre filière nucléaire aujourd’hui d’être plus sûre, plus à même aujourd’hui d’attirer les compétences en France et de résoudre les problèmes que posent les grands défis de notre temps. »
[1] Division Ingénierie et Projets Nouveau Nucléaire.
[2] Direction des Projets Déconstruction-Déchets.