Adapter les centrales nucléaires au changement climatique
Si les canicules de 2003 et 2006 n’ont eu que peu d’impact sur le fonctionnement des centrales nucléaires françaises, EDF n’en a pas moins mis en place un plan « Grands chauds » dès 2008. Dans la perspective d’une multiplication d’événements extrêmes de cette nature du fait du changement climatique, ce programme intègre une ré-interrogation périodique des évolutions climatiques et leurs conséquences sur le dimensionnement des ouvrages. Des modifications concernant la sûreté nucléaire et l’exploitation sont mises en œuvre.
Les besons de refroidissement des centrales
Les centrales thermiques ont besoin de sources de refroidissement pour assurer la production d’électricité et, dans le cas des centrales nucléaires, pour garantir la sûreté. Selon l’implantation des sites et la nature des équipements, ces sources de refroidissement proviennent de l’air ou de l’eau : mer, cours d’eau, eaux souterraines.
On peut classer en quatre catégories les principales fonctions de refroidissement qui touchent à la fois à la production d’électricité et à la sûreté :
- l’évacuation de la puissance du cœur du réacteur nucléaire en situation normale de production (sûreté nucléaire et production d’électricité),
- l’évacuation de la puissance résiduelle après l’arrêt du réacteur, en situations normale et accidentelle (sûreté nucléaire),
- la condensation de la vapeur en sortie de la turbine (production d’électricité),
- le conditionnement de l’air des locaux et le refroidissement des matériels (sûreté nucléaire et production d’électricité).
Des échangeurs air/air, eau/eau et eau/air concourent à ces fonctions. Ils ont été dimensionnés dans les années 1970 sur la base de températures extérieures dites « de conception » et d’apports calorifiques estimés des matériels.
Pour assurer les fonctions de sûreté en situation d’exploitation normale, les besoins en eau sont de l’ordre du m3/seconde par réacteur, très en-deçà des débits des cours d’eau concernés, même en cas d’étiage[1] sévère en période de sécheresse.
Les centrales disposent d’autorisations administratives de prélèvements d’eau et de rejets dans l’environnement délivrées par les pouvoirs publics : Ministères et Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Ces autorisations sont établies sur la base d’une étude d’impact fournie par l’exploitant qui analyse les conséquences environnementales et sanitaires de l’installation et de chaque rejet. Compte-tenu de leur impact potentiel, du retour d’expérience et des résultats obtenus par les meilleures technologies disponibles, l’Administration fixe des limites à ne pas dépasser. Les rejets thermiques du circuit de refroidissement du condenseur font ainsi l’objet de limites réglementaires dépendantes des cours d’eau concernés : en échauffement maximum amont-aval et/ou en température maximale à l’aval.
Un réacteur nucléaire utilise environ 100 000 m3 d’eau par an pour les circuits primaires et secondaires. Selon la disponibilité en eau, on utilise deux modes de refroidissement pour le circuit tertiaire. Quand l’eau est abondante (bords de mer, estuaire, grands fleuves), le refroidissement se fait en circuit ouvert. L’eau prélevée passe par les tubes du condenseur puis retourne au milieu. L’échauffement est de quelques degrés et environ 50m3/s d’eau sont nécessaires pour un réacteur de 1300 MW.
Lorsque la ressource en eau est moins importante, le refroidissement se fait en circuit fermé. L’eau circulant en boucle dans le condenseur est refroidie par un courant d’air ascendant dans des tours aéro-réfrigérantes. La chaleur s’évacue par la vapeur d’eau qui forme le panache au-dessus des tours. Un appoint continu en eau (2 m3/s) compense l’eau évaporée dans les tours (0,8 m3/s) et renouvelle l’eau des condenseurs et limite leur encrassement. Dans ce type de circuit fermé, l’échauffement de l’eau du cours d’eau ne dépasse pas quelques dixièmes de degré pendant les périodes chaudes.
Le besoin en eau prélevée est de 150 à 180 m3/MWh (1 500 millions de m3 par an) pour un circuit ouvert, 6 m3/MWh pour un circuit fermé (60 millions de m3/an). Dans un circuit ouvert, l’eau prélevée est intégralement et immédiatement retournée au milieu ; la consommation d’eau (eau évaporée) est de 2 à 3 m3/MWh pour un circuit fermé.
Les canicules de 2003 et 2006
Ces dix dernières années, la France a connu plusieurs périodes de fortes températures et/ou de sécheresses : les canicules de grande ampleur et de longues durées de 2003 puis 2006, une sécheresse sévère et précoce en 2003, et en fin de printemps, début d’été, en 2011. Quelles ont été les conséquences de ces phénomènes sur le fonctionnement des centrales nucléaires ? Quelles ont été les éventuelles mesures d’adaptation nécessaires ? Plus généralement, quelles sont les dispositions prises par EDF pour garantir la sûreté des installations et la production d’électricité pour faire face à ces épisodes climatiques qui pourraient devenir plus fréquents du fait du changement climatique ?
La canicule d’août 2003 a été exceptionnelle par sa durée, son intensité et son extension avec des températures maximales d’air supérieures à 35°C relevées sur les 2/3 des stations météorologiques en France métropolitaine avec des excursions au-dessus de 40°C sur 15 % des stations, y compris en Bretagne. Ce qui n’était jamais arrivé depuis le début des mesures de la température.
Certains fleuves ont connu des augmentations de température moyenne sans précédent : 0,5°C par jour sur la Seine et la Moselle au début du mois d’août. Les températures maximales de la Loire ont dépassé 30°C avec une amplitude jour/nuit de 3°C. Celles de la Garonne et de la Moselle s’en sont approchées. De février à septembre 2003, la sécheresse a aussi affecté l’ensemble de la France : la pluviométrie a été parfois déficitaire de 20 à 50%.
La canicule de 2006 a affecté le mois de juillet pendant une vingtaine de jours (10 au 28 juillet 2006). Cette vague de chaleur plus longue qu’en 2003 a été moins intense et moins étendue géographiquement. Elle est néanmoins au deuxième rang des plus sévères observées en France depuis 1950, après celle de 2003 et devant celles de 1976 et 1983.
En 2006, les précipitations ont été relativement conformes à la normale sur le tiers nord du pays, excédentaire du Poitou-Charentes à l’Alsace. Le début d’année a été marqué par deux épisodes neigeux importants dans le sud et le nord-est et un mois de mars particulièrement pluvieux. Les températures maximales de l’air et de l’eau atteintes au voisinage des centrales nucléaires sont restées un peu inférieures à celles de 2003.
Conséquences sur le fonctionnement des centrales
Pendant ces épisodes caniculaires, la sûreté des centrales nucléaires a toujours été garantie dans le respect des règles générales d’exploitation. Le bon fonctionnement des équipements nécessaires à la production d’électricité a également été assuré. Les règles particulières de conduite et les dispositions particulières prévues ont été mises en œuvre : contrôle renforcé de l’efficacité des échangeurs destinés aux fonctions de sûreté, limitation de l’usage des charges calorifiques dans les locaux, utilisation de toute la plage de réglage avec des déplacements de points de consigne si nécessaire des équipements de réfrigération, mise en service de groupes frigorifiques de secours et de ventilateurs, brumisation d’entrées d’air…
Pour respecter les limites réglementaires de température de l’eau, des baisses, voire des arrêts de production ont été nécessaires. Les centrales avec un refroidissement du condenseur en circuit ouvert ont été les plus concernées : Bugey (Ain), Saint-Alban (Ardèche) et Tricastin (Gard) sur le Rhône et Blayais (Gironde) sur l’estuaire de la Gironde. Golfech (Tarn-et-Garonne) en circuit fermé, a également été affectée.
Les pertes de production ont atteint 5,5 TWh en 2003 et 2,5 TWh en 2006[2]. Au plus fort de la canicule, le 12 août 2003 et le 22 juillet 2006, la rupture possible de l’équilibre production/consommation d’électricité, et au-delà, un impact notable sur le système électrique français (risque de blackout) a nécessité l’adoption par l’Etat de modifications temporaires des limites autorisées pour quelques sites nucléaires et thermiques à flamme.
En 2003, 3 réacteurs de la centrale de Tricastin[3] et un de Golfech ont fonctionné un peu plus d’une dizaine de jours sous couvert de ces dispositions temporaires pour éviter des ruptures d’approvisionnement. En 2006, ces dispositions n’ont finalement pas été utilisées pour les centrales nucléaires.
Le projet « grands chauds »
Au-delà des mesures prises à court terme et portant essentiellement sur l’exploitation, EDF a engagé en 2008 le projet « Grands Chauds ». Ce projet examine les perspectives d’évolution du climat, en analyse l’impact sur les ouvrages et décline les adaptations nécessaires pour la sûreté et la disponibilité des centrales nucléaires.
L’évolution climatique prise en compte
Les températures de conception des centrales ont été adaptées, site par site, pour l’air et l’eau. Aussi bien pour des canicules de longue durée que pour des situations exceptionnelles plus courtes. Ces températures ont été déterminées à partir des données observées sur les trente dernières années, avec une méthode d’extrapolation des tendances constatées sur les extrêmes, validée scientifiquement. Météo France indique que, compte-tenu de l’état de l’art des connaissances, la méthode et les résultats présentés par EDF sont « tout à fait raisonnables et ne présentent pas de contradiction évidente avec l’appréciation portée par la communauté de recherche sur l’évolution des températures à attendre d’ici 2030 ». Les résultats obtenus à l’horizon 2020-2030 sont cohérents avec la modélisation climatique à long terme qui a fait l’objet des scénarios du GIEC[4].
Les températures retenues, associées aux situations exceptionnelles, ont été majorées par rapport à celles observées en 2003 (Figure 1 & 2). Par exemple, on retient 37°C pour la Loire à Chinon, contre 32,5°C observés en 2003. De même, on retient 46°C pour l’air à Tricastin, contre 42,5°C relevés en 2003.
Mise à jour du référentiel « Grands chauds »
Le référentiel « Grands chauds » est un ensemble d’exigences de sûreté, associé à ces nouvelles valeurs de températures de l’air et de l’eau de dimensionnement. Ces exigences sont conçues pour garantir la sûreté dans tous les états de fonctionnement, en puissance comme à l’arrêt, aux températures les plus élevées.
Le projet prévoit aussi une veille climatique pour une interrogation périodique, notamment à l’occasion des réexamens de sûreté décennaux, de la pertinence des niveaux de température retenus. Des mises à jour ont ainsi été effectuées en 2009 et 2014. Leurs conclusions n’ont pas remis en cause les valeurs de température du référentiel.
Après échange avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), EDF a engagé les études de déclinaison du référentiel « Grands Chauds » sur l’ensemble des centrales nucléaires et préparé les évolutions matérielles et documentaires correspondantes.
Ces évolutions consistent principalement à remplacer et augmenter les capacités de « groupes froids » de production d’eau glacée, ajouter des climatiseurs (dont certains classés de sûreté), augmenter la capacité d’échange des échangeurs eau/eau, vérifier la tenue des matériels à des températures plus élevées que celles prescrites par leur conception, ou modifier certains matériels pour assurer leur tenue à des températures supérieures à celles retenues à la conception.
La robustesse a encore été accrue par une série de mesures. Après les canicules de 2003 et 2006, le plan d’actions canicule sécheresse (PACS) a été déployé : nettoyages préventifs d’échangeurs et de batteries froides, moyens mobiles de réfrigération, prise en compte dans la documentation d’exploitation des situations de canicule… A partir de 2011, des moyens provisoires ont été installés pour protéger les matériels sensibles des températures élevées de l’air identifiés à l’issue des études de déclinaison du référentiel « Grands Chauds ». Des Règles Particulières de Conduite «Grands Chauds » précisent les dispositions matérielles et organisationnelles pour faire face à des températures élevées de l’air et de l’eau. Des moyens de réfrigération mobiles sont notamment déployés chaque été pour certains systèmes de ventilation. En 2007 et 2010, des modifications destinées à augmenter la capacité d’échange des échangeurs eau/eau des sites les plus sensibles (Chinon et Dampierre) et le débit d’eau brute secourue (Chinon en 2007, Blayais en 2010 – 2011) ont été mises en place. Après 2007, des modifications matérielles ont été intégrées pour augmenter la capacité des échangeurs sur certains sites (Saint-Laurent en 2008, Chooz en 2009 et Belleville en 2011). Sans oublier le remplacement de groupes frigorifiques par des groupes plus puissants à partir de 2010. Enfin, certains équipements ont été remplacés pour améliorer leur tenue en température (remplacement et rebobinage de moteurs).
Les mesures d’adaptation complémentaires s’échelonneront au fil des réexamens décennaux de sûreté prévus par la réglementation.
Actions d’amélioration de la performance thermique
« Grands Chauds » comprend également un programme de maintenance, rénovation et équipements pour améliorer les performances thermiques des aéroréfrigérants. Toutes les centrales concernées ont été équipées de dispositifs de suivi des performances thermiques, qui permet d’optimiser les plans d’actions spécifiques à chaque échangeur. Des travaux de réhabilitation des tours aéroréfrigérantes sont menés à mesure des besoins : rénovation des corps d’échange, réparation des coques et structures internes, réalisation d’installations antitartre. De nouveaux moyens de nettoyage des corps d’échange sont développés.
Sur toutes les centrales, des opérations de rénovation complète des stations de surveillance de l’environnement pour les mesures des paramètres physico-chimiques de l’eau ont également été menées depuis 2003 pour sécuriser les mesures en continu dans l’environnement, notamment de la température.
Toutes ces actions concourent au Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) mis en place par le gouvernement en 2011.
Acquisitions de nouvelles connaissances en hydrobiologie
Depuis 2006, un groupe de travail pluraliste « rejets thermiques » créé à l’initiative du Ministère de l’environnement, de l’ASN et d’EDF a pour objectif de partager les connaissances relatives à l’influence de la température sur les écosystèmes dans les grands cours d’eau pour mieux appréhender l’effet des rejets thermiques dans le contexte du changement climatique, en particulier lors des épisodes de canicule et à en tirer les enseignements en terme d’éventuelles modifications de la réglementation.
Dans ce cadre, un programme de recherches «Thermie-Hydrobiologie», mené à l’échelle européenne, élaboré par EDF R&D et l’IRSTEA[5], a été réalisé sur la période 2008-2012 autour de cinq thèmes :
- une revue bibliographique pour actualiser les connaissances sur les préférences et les tolérances thermiques des principales espèces de poissons en Europe occidentale,
- la recherche de relations entre la distribution spatiale des espèces aquatiques et le régime thermique des cours d’eau à partir de données mesurées ou modélisées,
- la recherche de relations plus globales entre les données biologiques et les données thermiques, hydrologiques et chimiques en utilisant les séries de données collectées sur le long-terme,
- l’évaluation des effets thermiques sur le métabolisme des compartiments bactérien, algal et benthique à la base des réseaux trophiques.
Les résultats de ce programme ont été présentés à la communauté scientifique en 2013. Les chercheurs ont relevé la difficulté de détecter des tendances sur des séries de données soumises à une importante variabilité temporelle, ce qui confère une grande valeur aux données biologiques collectées dans le cadre de la surveillance hydrobiologique des centrales nucléaires.
Les peuplements benthiques[6] (algues et invertébrés) évoluent sous l’effet d’une amélioration de la qualité chimique des eaux qui réduit l’eutrophisation[7] dans les grands cours d’eau. Pour les poissons, les régimes hydrologique et thermique apparaissent comme les deux grands facteurs moteurs des variations pluriannuelles.
Un suivi thermique approfondi est réalisé depuis 2007 en aval des centrales nucléaires du Bugey, sur le Rhône et de Golfech sur la Garonne. Au Bugey, un panache thermique se développe en rive droite sur plusieurs kilomètres avec une veine d’eau moins échauffée en rive gauche.
A Golfech, les mesures montrent une zone faiblement échauffée en rive droite sur quelques centaines de mètres avec, comme au Bugey, des zones moins chaudes sur l’autre rive, refuges potentiels pour des poissons d’eau froide.
Pendant les étés 2007 à 2011, le suivi piscicole fait à Golfech n’a pas mis en évidence de lésion ou de signe de présence parasitaire. Les observations sur les peuplements de poissons (richesse spécifique et abondance) présentent peu de différences entre zones échauffées et non échauffées par les rejets thermiques de la centrale.
Au Bugey, en 2003, les poissons d’eau froide ont été moins pêchés que les années antérieures mais truites et vairons, probablement réfugiés dans des zones d’eau plus fraiches, sont réapparus en novembre. Les effets observés ont été similaires d’amont en aval de la centrale. Toujours au Bugey, les mouvements d’une centaine de poissons ont été suivis pendant l’été 2009.
Evolution réglementaire
Considérant, du fait du changement climatique, que le risque de rencontrer des situations de canicule de plus en plus fréquemment devait être pris en compte dans la réglementation, avec un encadrement spécifique évitant le recours à des textes dérogatoires, et prenant acte que les recherches récentes ne mettaient pas en évidence d’impact spécifique des rejets thermiques des centrales sur la faune piscicole, celui-ci étant beaucoup plus ténu et localisé que celui imputable aux évolutions tendancielles de la température de l’eau, l’ASN a mis à jour, en mai 2012, sa doctrine relative au processus décisionnel en cas de canicule applicable aux centrales nucléaires.
Les orientations principales retenues sont :
- Le recours à des modifications temporaires des prescriptions doit être limité à des situations exceptionnelles. Pour cela, les prescriptions relatives aux prélèvements et aux rejets des centrales nucléaires prévoiront des valeurs limites spécifiques applicables aux rejets thermiques en situation climatique exceptionnelle, l’acceptabilité de ces valeurs devant être justifiées dans l’étude d’impact ou sa mise à jour et avoir fait l’objet d’une concertation préalable. L’application de ces dispositions sera limitée aux situations où le réseau de transport d’électricité (RTE) requiert le fonctionnement de la centrale concernée ou quand l’équilibre entre la consommation et la production d’électricité nécessite ce fonctionnement. Ces dispositions prévoiront la durée de validité de ce régime, les mesures complémentaires et compensatoires éventuelles (surveillance renforcée de l’environnement, limitation de l’échauffement), et les modalités d’information.
- Pour les sites où ces situations exceptionnelles ne sont pas prévues, ou si la situation dépasse les conditions prévues dans les textes, et si l’exploitant demande une modification temporaire dans un délai incompatible avec le déroulement des consultations prévues par la réglementation (cf. II de l’article 18 du décret du 2 novembre 2007), il sera néanmoins possible, en conformité avec la réglementation (cf. II de l’article 25 du même décret) d’accorder ces modifications temporaires de prescriptions en matière de rejets et prélèvements d’eau sans mettre en œuvre les consultations préalables normalement nécessaires si le gouvernement a informé l’ASN qu’il considérait que la poursuite du fonctionnement du réacteur constituait une nécessité publique ; et si le besoin et l’urgence des modifications temporaires sont justifiés par une situation climatique ou hydrologique que l’ASN, sur la base des justifications fournies par l’exploitant, après consultation des services spécialisés (Météo France, Ministère chargé de l’environnement…), considère comme une situation exceptionnelle.
En juin 2011, un exercice réunissant toutes les parties prenantes a permis de se préparer à une telle situation.
Les 3 phases d’adaptation : anticipation, surveillance, gestion de crise
Le processus de protection contre les aléas climatiques fait ainsi appel à plusieurs types d’actions. [AVD1] Il s’agit d’abord d’actions de prospective et d’anticipation/prévention du type de celles définies dans le projet « Grands chauds ». Ensuite, des actions de surveillance opérationnelle des conditions météorologiques et hydrologiques sont déclinées. Les sites disposent des prévisions hydrologiques établies par une entité experte d’EDF et des prévisions météorologiques de Météo France.
La situation hydro-climatique fait l’objet d’un partage entre toutes les entités concernées par des réunions périodiques du Groupe de gestion de l’eau de la Coordination de l’eau d’EDF. Selon la situation, des niveaux de mobilisation (veille, vigilance, pré-alerte, alerte) par zone sont définis.
Des actions de gestion des événements sont l’occasion de mettre en place une organisation permettant de prendre au bon niveau les décisions visant à limiter les conséquences d’une situation exceptionnelle. En phase de veille, les sites de production suivent régulièrement les débits et températures de l’eau de refroidissement et la température de l’air. Les menaces climatiques locales sont transmises au niveau national.
Lors du passage en mode vigilance puis éventuellement aux modes pré-alerte et alerte avec un risque de situation tendue de l’équilibre offre/demande d’électricité, une cellule de gestion des aléas de production est activée au niveau national. Elle coordonne les actions des différentes entités (production, management d’énergie, ingénierie) et pilote les études de scénarios pour les jours et semaines à venir selon les prévisions météo et la situation à venir de l’état du parc de production (prise en compte des aléas et des contraintes de sûreté). Elle est en appui pour les prises de décision concernant des critères de situations exceptionnelles prévus dans les autorisations réglementaires individuelles de chaque centrale, voire la demande, en liaison avec les pouvoirs publics, de modifications temporaires de ces autorisations.
Article paru dans le Revue Générale Nucléaire de Mai – Juin 2015
Abonnement : abo-rgn@grouperougevif.fr
[1] Niveau moyen le plus bas d’un cours d’eau, abaissement exceptionnel du débit d’un cours d’eau
[2] Ces manques de production sont à rapprocher de ceux affectant la production nucléaire d’électricité du fait de températures élevées pendant une année « normale » qui peuvent varier de 0 à 2,5 TWh/an, principalement de juin à septembre.
[3] Les unités d’EDF Tricastin ont surtout été nécessaires pour répondre aux besoins d’alimentation électrique en continu de l’usine d’enrichissement d’uranium Eurodif.
[4] GIEC : Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, créé en 1988 pour fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade https://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml
[5] IRSTEA : Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (ex CEMAGREF)
[6] Vivant au fond de l’eau, au plus près du substrat du milieu aquatique
[7] Phénomène de dégradation d’un environnement aquatique, généralement provoqué par une augmentation des substances nutritives, telles que l’azote apporté par les cultures et la pollution automobile
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