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9/9 – Le nucléaire dans les différentes taxonomies mondiales

Publié le 12 mai 2022 - Mis à jour le 12 juillet 2022

À l’instar de l’Union européenne, de nombreuses autres puissances, comme la Chine et la Russie, ont développé ou sont en train de développer leur propre taxonomie. Elles sont destinées à flécher les investissements vers les projets durables. À travers l’exemple de cinq pays, décryptons la place qu’y occupe le nucléaire.

Depuis cinq ans, l’Union européenne développe une taxonomie, c’est-à-dire plus simplement une liste, des investissements verts. Il s’agit d’orienter les flux financiers vers les  activités favorables à l’environnement. L’objectif est de favoriser au moins l’un des six objectifs suivants : atténuation du changement climatique, adaptation au réchauffement, protection de l’eau, économie circulaire, prévention des pollutions et protection de la biodiversité. Et ceci sans que l’un de ces critères ne puisse porter atteinte aux autres (principe du « Do No Significant Harm »).

Dans ce contexte, l’inclusion du nucléaire dans cette taxonomie européenne, ainsi que celle du gaz, a fait l’objet d’une âpre discussion. Une  majorité de pays en Europe soutient l’atome qui répond à toutes les exigences scientifiques de la Commission européenne. Pourtant, quelques opposants, comme l’Allemagne, l’Autriche et le Luxembourg, ont obtenu que la fission ne soit considérée, à date, que comme une « énergie de transition », censée permettre la décarbonation progressive de l’économie vers une Europe  100 % renouvelable. Ailleurs dans le monde, le nucléaire est plus favorablement accueilli.

Au Canada, les banques favorables à l’inclusion de l’atome

Sur la base des recommandations contenues dans un rapport d’experts sur la finance durable remis au gouvernement canadien en juin 2019, l’Association canadienne de  normalisation (CSA) mène actuellement un travail de définition d’une taxonomie de transition. Ce travail a la particularité de ne pas être piloté par l’État canadien. Le comité est  composé de représentants du secteur privé (banques, fonds de pension, compagnies d’assurance, industriels, secteur de l’énergie). Pour les six plus grosses banques  canadiennes qui ont signé le « Net-Zero Banking Alliance », il s’agissait de se doter d’un cadre commun d’évaluation des activités durables, lequel éclairera les investissements  futurs. Les secteurs concernés par la taxonomie sont l’énergie, l’électricité, l’agriculture, la foresterie, la production de ciment, la métallurgie et l’extraction minière. La Banque royale du Canada, plus grosse banque du pays et qui est à l’initiative du projet, a rédigé un rapport publié en octobre 2021 intitulé « Une transition à 2 000 milliards de dollars :  vers un Canada à zéro émission nette1 ». On y trouve de multiples références à l’énergie nucléaire comme levier de décarbonation du secteur électrique en forte croissance : « Nous devons à peu près doubler notre production d’électricité si nous souhaitons alimenter une nouvelle flotte de véhicules électriques et chauffer et rafraîchir nos maisons, nos bureaux et nos écoles », peut-on y lire. « Les solutions basées sur le nucléaire doivent rester sur la table. » Cela concerne les réacteurs de troisième génération, les SMR ou  même la fusion. Aujourd’hui, le Canada compte dix-neuf réacteurs nucléaires en service d’une capacité totale de 13,6 GWe, pour une part dans la production électrique de l’ordre de 15 %.

La Russie, une inclusion sans réserve du nucléaire

Au printemps 2021, la Russie publie une première version de sa taxonomie. Elle qualifie de « verts » les projets visant à « améliorer l’environnement, à réduire la pollution, à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à améliorer l’efficacité énergétique et à permettre l’adaptation au changement climatique». Fondamentalement, la philosophie d’ensemble est la même que celle de la taxonomie européenne avec notamment la reprise du critère « Do No Significant Harm » (DNSH).

Le nucléaire est inscrit dans la  taxonomie sans aucune réserve, que ce soit pour la production d’électricité, pour les activités liées au transport, stockage et traitement du combustible nucléaire ou en tant  qu’intermédiaire de production pour d’autres secteurs. Aujourd’hui, la Russie compte trente-huit réacteurs nucléaires en service d’une capacité totale de 28,6 GWe, pour une part dans la production électrique de l’ordre de 20 %. De plus, quatre réacteurs sont actuellement en construction. Les retombées pour la filière se font déjà sentir puisqu’au printemps 2021. Akkuyu Nuclear JSC, filiale de Rosatom, a obtenu plusieurs prêts à des taux préférentiels (pourvu que l’emprunteur respecte ses engagements en matière environnementale) auprès de deux des plus grosses banques privées de Russie – Otkritie et Sovcombank.

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Par Ilyas Hanine, Sfen

Photo I © Shutterstock I Les taxonomies visent à orienter les investissements vers des projets favorables au climat et à l’environnement.